C’est un fléau qui affecte essentiellement l’hémisphère sud du globe, avec des foyers importants en Asie, en Afrique et en Amérique du Sud. Transmis par la piqûre d’un moustique, le virus de la dengue touche en moyenne chaque année 390 millions de personnes dans le monde, dont 96 millions avec des manifestations cliniques de la maladie. Mais ce n’est pas le pire : on estime à 3,9 milliards, dans 128 pays, le nombre d’individus exposés à l’infection.
Dans ces conditions, une question simple se pose : est-il possible de mieux anticiper la propagation de la dengue au sein de la population ? C’est ce que suggère une étude dont les principales conclusions ont été relayées par Science Daily. Dans le cadre de leurs travaux, les scientifiques font remarquer que la diffusion du virus peut être mieux suivie, mais aussi mieux anticipée, en observant les appels téléphoniques visant les hotlines de santé publique.
« Les résultats ont révélé un haut degré de précision dans les modèles de prédiction : le système n’a pas seulement signalé une épidémie, il a également fait une prévision pointue du nombre de patients et de leurs emplacements avec deux à trois semaines d’avance », fait remarquer le site. Ici, les chercheurs ont profité de l’épidémie de dengue qui a touché le Pakistan en 2011 — faisant 350 morts et touchant 21 000 personnes dans le pays — pour mettre à l’essai leur projet.
Pour mettre à bien ce projet, il a fallu exploiter plus de 300 000 appels téléphoniques afin de prévoir le nombre de cas de dengue en ville mais aussi à niveau plus précis encore, quartier par quartier, le tout sur une période de deux ans. Les scientifiques ont ensuite comparé leurs résultats avec le nombre de cas qui ont été recensés par les hôpitaux publics. Ces appels téléphoniques ont pu repérés car un système de hotline a pu voir le jour à la suite de la contagion au Pakistan.
Le système n’a pas seulement signalé une épidémie, il a aussi fait une prévision avec deux à trois semaines d’avance
Le suivi de la dengue est d’autant plus capital qu’il n’existe pas de traitement adapté, rappelle l’organisation mondiale de la santé (OMS), même si un vaccin a été enregistré dans plusieurs pays pour l’utiliser auprès des personnes âgées de 9 à 45 ans. Il s’agit du Dengvaxia, mis au point par le laboratoire Sanofi Pasteur. D’après l’OMS, une détection précoce et un accès à des soins médicaux adaptés sont en mesure de ramener le taux de mortalité à moins de 1 %.
En attendant, des mesures de prévention existent : essentiellement, il s’agit de ne pas laisser favoriser l’installation de moustiques à proximité des habitations, d’utiliser des insecticides et des moustiquaires. Bref, il s’agit de porter la lutte sur le moustique, à défaut de pouvoir la porter au niveau du virus. Avec le système d’anticipation qui consiste à analyser en grand nombre les appels téléphoniques, c’est une nouvelle corde à l’arc des moyens de prévention qui peut être ajoutée.
Forces et limites du Big Data
Le dispositif imaginé dans le cas de la dengue, de par son utilisation des données massives (ou « Big Data »), rappelle celui mis en place par Google pour essayer de prédire la diffusion de la grippe, en fonction des recherches effectuées par les internautes. Il s’était toutefois avéré relativement faux. Dans ces conditions, la firme de Mountain View avait pris la décision de fermer Flu Trends. Ou, plus exactement, de ne plus dire publiquement ce que son moteur de recherche lui dit à propos de la maladie.
Pour autant, si les algorithmes et l’analyse des données massives ne sont pas une panacée dans la lutte contre les épidémies et permettent en rien de simplifier la démarche centrale qui consiste à établir et à interpréter une relation de cause à effet, relève Jean-Yves Nau, docteur en médecine, il ne s’agit pas de tout mettre au rebut. Elles sont quand même une mine d’or pour générer et étayer des hypothèses épidémiologiques,et de réaliser des progrès notables.
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