Le géant informatique s’intéresse à la capture de carbone. Microsoft a signé un partenariat avec une entreprise danoise, qui va lui permettre d’acheter des crédits carbone. La captation de carbone est une technologie de plus en plus populaire, mais qui a ses limites.

Après Helion, son projet pharaonique de soleil artificiel, Microsoft vient d’annoncer un nouveau plan pour parvenir à la neutralité carbone d’ici à 2030. D’après The Verge, l’entreprise a passé un accord avec Ørsted, une société danoise spécialisée dans l’énergie, afin d’acheter des crédits à hauteur de 2,76 millions de tonnes de dioxyde de carbone. Ce CO2 doit être capturé à la centrale électrique à copeaux de bois d’Asnæs, au Danemark, sur les 11 prochaines années.

C’est l’un des contrats les plus importants jamais passés pour de la capture carbone, selon le communiqué de presse publié par Ørsted le 15 mai 2023. La technologie de la capture carbone est en pleine évolution et présente un grand nombre d’avantages. Elle doit ainsi jouer un rôle important dans la stratégie de neutralité carbone de Microsoft : grâce aux crédits que l’entreprise a achetés, cette dernière s’est en quelque sorte « offert » le droit de polluer pendant encore quelques années.

Comment marche la capture carbone ?

L’accord entre Microsoft et Ørsted inclut également Aker, une autre entreprise spécialisée dans la capture carbone. L’accord prévoit aussi la mise en place d’une « installation technique combinant un système de capture carbone et de production d’énergie propre avec une centrale électrique fonctionnant avec de la biomasse ».

« Alors que la technologie capture carbone basée sur des bioénergies est encore naissante, le contrat avec Microsoft et les subventions du gouvernement danois étaient essentiels pour rendre ce projet viable », indique Ørsted.

Une usine de capture carbone // Source : Wikimedia Commons
Une usine de capture carbone. // Source : Wikimedia Commons

La capture carbone est un ensemble de techniques encore récentes, mais qui se développent de plus en plus dans le monde. Il existe plusieurs types de captures carbone, dont les méthodes et les résultats diffèrent, comme le précise l’Agence internationale de l’énergie. Dans le cas de Microsoft, la technique choisie est celle de la génération de bioénergie avec captage et stockage de dioxyde de carbone.

Le nom est compliqué, et il peut faire peur, mais la technologie est plus que prometteuse. Elle permet de créer des « émissions négatives », indique l’Agence internationale de l’énergie, « lorsque le CO2 est issu de procédés bio-basés, ou directement depuis l’atmosphère ».

Concrètement, comment la génération de bioénergie avec captage et stockage de dioxyde de carbone fonctionne-t-elle ? Dans le cas de l’accord passé avec Microsoft, Ørsted précise leur plan. « En capturant le carbone biogénique issu des centrales de production de chaleur et d’électricité à partir de biomasse et en le stockant sous terre, il est possible non seulement de réduire, mais aussi d’éliminer le CO2 de l’atmosphère. »

En effet, « le carbone biogénique issu de la biomasse durable fait partie d’un cycle naturel du carbone biogénique. Vous créez ainsi des émissions négatives. » Une fois le CO2 capté, Ørsted a passé un accord pour l’enfouir sous la terre, sous la mer du Nord — et elle peut « vendre » ce gaz enterré à Microsoft en tant que crédit carbone.

La centrale d’Asnæs a la capacité de régénérer approximativement 50 MW de chaleur résiduelle, et Ørsted capturera 280 000 tonnes de CO2 biogénique par an grâce à la centrale, ce qui équivaut à la consommation annuelle en électricité de 187 000 foyers.

Pourquoi est-ce polémique ?

L’achat de crédit carbone est déjà, en soi, une procédure polémique. Les entreprises qui y recourent peuvent être critiquées, car elles ne diminuent pas leurs émissions de carbone, et ne font que les compenser. L’achat de ces crédits peut alors être perçu comme un « permis de polluer », qui retarde la transition écologique.

Une unité de capture carbone // Source : Wikimedia Commons
Une unité de capture carbone. // Source : Wikimedia Commons

Enfin, le fait que la centrale d’Asnæs utilise de la biomasse est également sujet à polémique. La centrale fonctionne à partir de copeaux de bois, qu’elle brûle pour produire de la chaleur. D’après le communiqué d’Ørsted, elle convertit près de 380 000 tonnes de copeaux de bois issus en majorité des pays baltes en électricité et en chauffage. Les copeaux proviendraient de forêts gérées de manière responsable, et seraient des résidus récupérés lors de tailles.

Brûler du bois émet du CO2. Le consensus est que les arbres absorbent et stockent le CO2 pendant leurs vies. Ainsi, la quantité de dioxyde de carbone absorbée par l’opération est supérieure au CO2 émis, ce qui permettrait de réussir à avoir des émissions négatives. En plus de cela, Ørsted a installé des filtres dans les cheminées de ces centrales, qui permettent de bloquer encore plus de CO2.

Cependant, comme le note The Verge, des recherches ont révélé que brûler ces copeaux de bois pouvait émettre plus d’émissions qu’initialement prévu — et même, en créer plus que ce qui est capturé. Les calculs peuvent ne pas prendre en compte les émissions produites pendant la découpe du bois et son transport jusque dans la centrale. Il est important aussi de considérer le temps qu’il faut aux arbres pour pousser : il faut qu’ils aient atteint un certain âge avant d’absorber une quantité significative de CO2.

En soi, la technologie de la capture carbone n’est pas une mauvaise chose : les résultats sont bons. Ce sont toutefois les échelles qui peuvent poser problème. Les centrales de captures ne sont pour l’instant pas suffisantes pour empêcher le changement climatique. En très grand nombre, elles pourraient être utilisées pour en limiter les effets. Pour l’instant, on en compte cependant encore trop peu, et le risque que certaines entreprises s’en servent simplement comme d’un passe-droit pour polluer existe.


Si vous avez aimé cet article, vous aimerez les suivants : ne les manquez pas en vous abonnant à Numerama sur Google News.