Il est de plus en plus courant d’entendre des célébrités relayant des thèses pseudo-scientifiques dans des médias à grande écoute. La dernière en date provient du chanteur Gims, qui relaie une thèse bien connue sur une Égypte antique technologiquement avancée et qui disposait de l’électricité.

« Les pyramides, au sommet il y a de l’or. L’or, c’est le meilleur conducteur pour l’électricité. C’étaient des foutues antennes. Les gens avaient l’électricité. » Cette interview de Gims pour OuiHustle a fait le tour du web en quelques heures le 11 avril 2023 (elle a été initialement publiée en mars). Le chanteur y déclare que les Égyptiens, à l’époque de l’Antiquité, disposaient d’une science qui « dépasse l’entendement ». Et, qu’ils avaient donc l’électricité, grâce aux pyramides. C’est faux.

Ironiquement, dans la journée, le hashtag « Stargate » est vite monté dans les tendances Twitter. En cause ? Les propos de Gims ne sont pas sans rappeler le film et la série de science-fiction. Dans cette œuvre pop culturelle célèbre, les Égyptiens sont des aliens qui disposent effectivement d’une haute technologie et les pyramides font office de bases avancées.

Bien sûr, Stargate n’est pas un documentaire et tout ceci relève de la pure fiction. Cette thèse évoquée par Gims ne date pas d’hier et elle n’a aucun fondement historique ou scientifique.

Ne pas confondre un pilier et un transformateur électrique

Selon les époques et les zones, les pyramides étaient bâties de différents matériaux, notamment le calcaire, le granit, la syénite pour les structures elles-mêmes, ainsi que de l’albâtre, du grès, du bois et des briques pour les temples et coursives, à l’intérieur. Il n’y avait pas d’or dans les matériaux de construction.

Gims parle plus particulièrement du sommet. Certes, il est supposé que le pyramidion (la pointe haute de la pyramide) pouvait être recouvert de feuilles d’or. Mais, il s’agit là d’une couche extrêmement fine qui vient recouvrir le matériau : le pyramidion n’est pas conçu en or à proprement parler. Ce qui peut par ailleurs prêter à confusion est l’usage qui pouvait être fait, parfois, pour recouvrir le pyramidion, d’un métal appelé « électrum ». Le terme résonne avec « électricité », mais ce n’est qu’un alliage d’or et d’argent. Dans tous les cas, rien qui puisse alimenter toute une ville en électricité.

Plus largement, le mythe d’une Égypte antique disposant de l’électricité n’a pas été inventé par Gims. C’est une thèse fallacieuse qui existe depuis de nombreuses années. Elle a connu un regain sur le web, mais aussi à cause d’une série de 2013 appelée « Alien Theory » (en France, elle était notamment diffusée sur RMC Découvertes, et elle repasse désormais souvent sur RMC Story). Se faisant passer pour un documentaire, tout en étant finalement que de la pseudo-science, elle explore notamment la « théorie des anciens astronautes ». C’est l’idée selon laquelle des extraterrestres auraient apporté de précieux savoirs à des civilisations antiques — comme les Égyptiens. L’univers science-fictif de Stargate s’en inspirait.

Cette hypothèse est depuis bien longtemps désactivée par les connaissances scientifiques : chaque élément de la théorie des anciens astronautes dispose d’une explication rationnelle documentée.

Prenons l’exemple le plus viral ces dernières années : les prétendus piliers électriques. Sur les réseaux sociaux, l’idée que les Égyptiens auraient eu l’électricité est souvent associée à une comparaison iconographique lunaire : des peintures égyptiennes montreraient, selon les auteurs de ces posts, un transformateur électrique. En cause : cela y ressemble. C’est l’assimilation qui est faite, par exemple, sur cette page Facebook habituée des théories du complot :

Fausse comparaison iconographique sur une page Facebook conspirationniste. // Source : Capture d'écran
Fausse comparaison iconographique sur une page Facebook conspirationniste. // Source : Capture d’écran

Ce type de représentation ou de construction est en réalité un symbole religieux bien connu et documenté de l’égyptologie scientifique : un « djed ». Il s’agit d’une représentation de la colonne vertébrale du dieu Osiris. On en trouvait un peu partout durant l’Égypte antique, sous une pluralité de forme : peintures, colonnes, amulettes. Le djed est même décrit dans le Livre des Morts égyptien. En clair, on sait de quoi il s’agit, et ce n’était pas un transformateur électrique.

Deux Égyptiens sur le point de s'électrocuter ? Non, c'est juste un djed, symbole religieux lié à Osiris. // Source : British Museum
Deux Égyptiens sur le point de s’électrocuter ? Non, c’est juste un djed, symbole religieux lié à Osiris. // Source : British Museum

Les Égyptiens n’avaient pas l’électricité

Conclusion : non, les Égyptiens n’avaient pas l’électricité et les pyramides n’étaient pas des centrales.

La seule source électrique connue lors de l’Antiquité égyptienne est bioélectrique (naturelle). Il s’agit d’un… poisson. Le fameux poisson-chat électrique du Nil était déjà connu à l’époque, tout comme la spécificité de son organe électrique, qui peut provoquer une décharge allant jusqu’à 350 volts (mais jamais mortelle pour l’être humain). On en trouve des représentations sur certaines peintures et l’on sait que les Égyptiens étaient amenés à s’en servir à des fins médicales.

L’absence d’électricité ou de technologies ne signifie pas que l’Égypte antique n’était pas une civilisation développée ou fascinante. La construction des pyramides reste impressionnante et difficile à expliquer : certains archéologues pensent que les Égyptiens ont utilisé un bras du Nil aujourd’hui disparu, pour le transport des matériaux lourds. De même, un couloir jamais vu auparavant a été découvert en 2023 dans la pyramide de Gizeh grâce à des scans nouvelle génération. Mais, on peut se passionner pour cette civilisation antique et ses mystères sans sombrer dans des hypothèses n’ayant aucun fondement scientifique ; l’égyptologie sérieuse recèle déjà de merveilles.

Il faut dire que le web n’aide pas forcément à s’y retrouver. En faisant quelques recherches, vous pouvez tomber en première page de Google sur un post intitulé « Archeologists Uncover Ancient Egyptian Solar Power », qui ressemble à un véritable article et qui mentionne une vraie revue scientifique. Sauf que cliquer sur le lien posé sur cette revue renvoie à une vidéo de South Park et, en regardant la date de publication, on découvre que le papier date du 1er avril. Il est donc faux, mais ressemble à une vraie découverte. En clair, l’esprit critique est, comme toujours, de mise.

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