Le premier décollage très attendu de la fusée Space Launch System (SLS) a encore été reporté. Pour l’instant, Artémis I ne part pas vers la Lune. Cette attente pour sembler inhabituelle : les aléas et reports sont pourtant presque banals dans l’histoire de l’exploration spatiale.

La première mission du programme Artémis n’est toujours pas partie vers la Lune. Alors qu’une nouvelle tentative de lancer la fusée Space Launch System (SLS) dans l’espace devait avoir lieu le samedi 3 septembre 2022, la Nasa a décidé de repousser encore une fois Artémis I. En cause, un incident technique : une fuite d’hydrogène liquide (le carburant de la fusée), survenue au moment du remplissage des réservoirs. La fuite n’a pas pu être résolue malgré plusieurs tentatives pour la colmater.

Aucune autre tentative de lancement devrait avoir lieu début septembre, a indiqué l’agence spatiale le 3 septembre. La Nasa va devoir ramener la fusée dans son VAB (le « Vehicle Assembly Building », le bâtiment dans lequel le lanceur a été préparé), afin de réinitialiser les batteries du système de vol. La nouvelle date de lancement n’a pas encore été annoncée par l’agence. Toutefois, il semble peu probable qu’Artémis I soit lancée avant le 17 octobre, au plus tôt.

Les vols de fusée repoussés, la règle plutôt que l’exception

L’annonce d’un deuxième report du décollage a forcément suscité quelques réactions de déception, compréhensibles. Toutefois, il serait hâtif d’en déduire que le retard pris par Artémis I est exceptionnel. Comme l’a fait remarquer l’astronaute Thomas Pesquet (récemment agacé par les complotistes doutant que l’humain a marché sur la Lune), l’histoire de l’exploration spatiale regorge de lancements repoussés. « 11 navettes spatiales ont dû quitter le pas de tir pour retourner au hangar, et deux d’entre elles l’ont fait deux fois de suite… Artémis, pour une première mission, n’a rien d’une exception. »

L’administrateur de la Nasa, Bill Nelson, a rappelé qu’il avait lui-même fait l’expérience d’un vol repoussé à de nombreuses reprises, lorsqu’il était astronaute. Il a pris part à la 7e mission de la navette spatiale Columbia, en 1986, comme spécialiste de la charge utile de la mission (un satellite de communication). Il a dû se montrer extrêmement patient, car son propre vol avait dû être repoussé 4 fois.

Bien avant le SLS, l’énorme fusée Saturn V avait eu des soucis

On peut aussi songer à l’histoire du lanceur super lourd Saturn V, qui a servi à envoyer des humains sur la Lune, et auquel le SLS est souvent comparé. Or, la première fusée de ce type est restée 2 mois et demi sur son pas de tir, avec 17 dates de tir prévues, comme le souligne le créateur de la chaine YouTube Techniques spatiales. En novembre dernier, ce féru d’exploration spatiale a consacré un très long thread aux nombreux incidents qui ont eu lieu à absolument chaque vol de cette fusée. Apollo 6 et Apollo 13 ont, par exemple, connu des pannes de moteurs (compensées par les ordinateurs de bord).

Il serait également faux de croire, comme on a pu le lire sur les réseaux sociaux après l’annonce du report du lancement d’Artémis I, que des humains ont pu être envoyés sur la Lune en 1969, et jusqu’en 1972, sans aucun problème. Le programme Apollo a été rythmé par de nombreux échecs et incidents, aux conséquences parfois très graves.

La mission Apollo 1 est un triste exemple : elle n’eut jamais lieu, car un incendie se produisit dans le module de commande du vaisseau en janvier 1967, lors d’une répétition au sol. Trois astronautes ont perdu la vie dans cet accident, dont l’origine a été attribuée à un court-circuit. À l’origine, la mission avait été baptisée AS-204. Les veuves des astronautes ont cependant demandé que la mission soit nommée Apollo 1, même si les astronautes n’ont malheureusement jamais pu partir dans l’espace.

Virgil Grissom, Edward White, et Roger B. Chaffee, l'équipage de la mission Apollo 1. // Source : Flickr/CC/Nasa Goddard Space Flight Center (photo recadrée)
Virgil Grissom, Edward White, et Roger B. Chaffee, l’équipage de la mission Apollo 1. // Source : Flickr/CC/Nasa Goddard Space Flight Center (photo recadrée)

Ces aléas montrent bien que « faire décoller un nouveau lanceur, lourd de surcroît, pour la première fois, est une prouesse, quelle que soit l’époque », relève le médiateur scientifique Pierre Henriquet sur Twitter. Le problème de fuite constaté lors de l’essai du décollage d’Artémis I fait partie des soucis techniques auquel s’attendre, lorsqu’on espère envoyer dans l’espace une fusée aussi titanesque. Et, d’ailleurs, selon le médiateur scientifique, « le remplissage est, après la météo, la principale cause de report de lanceurs. Ne pensez pas que c’est la partie la plus facile. »

Nouveauté : Découvrez

La meilleure expérience de Numerama, sans publicité,
+ riche, + zen, + exclusive.

Découvrez Numerama+

Vous voulez tout savoir sur la mobilité de demain, des voitures électriques aux VAE ? Abonnez-vous dès maintenant à notre newsletter Watt Else !