Les premières images prises par le télescope spatial James Webb ont fait sensation auprès du grand public, mais ce n’était qu’un aperçu des capacités du successeur d’Hubble. Une entrée en matière qui laisse rêveur face aux possibilités à venir.

Un champ profond, une nébuleuse planétaire, une pouponnière d’étoiles… Les images dévoilées par le télescope James Webb ont été particulièrement spectaculaires. La plupart des clichés ayant déjà été pris il y a quelques années par Hubble, il était assez facile de comparer les deux télescopes et de constater le bond en avant que représente ce nouvel observatoire spatial.

« Ce sont des images spectaculaires, assure Lucie Leboulleux, chercheuse à l’Institut de planétologie et d’astrophysique de Grenoble. Mais ce sont avant tout des promesses sur les capacités du télescope, il pourra voir beaucoup plus au cours de sa mission. »

Avant tout instrumentaliste, Lucie Leboulleux a travaillé sur l’aspect technologique du télescope et elle a été tout particulièrement intéressée par les aigrettes visibles sur les étoiles dans la toute première image dévoilée : « Le fait que les étoiles aient ces grandes aigrettes très nettes montre que les miroirs sont bien alignés. Bien sûr, les observateurs vont être plus intéressés par les galaxies qu’il y a derrière ! Mais pour nous, c’est aussi fascinant de voir la précision des images et le niveau de détail qui est atteint. »

Voir à travers la poussière

Indéniablement, le télescope a poussé beaucoup plus loin les capacités déjà plutôt impressionnantes d’Hubble. Sa capacité à aller plus en avant encore dans le domaine de l’infrarouge lui autorise deux choses particulièrement intéressantes :

  • Il peut voir plus loin dans l’Univers et observer des galaxies plus jeunes nées peu après le Big Bang, qui nous apparaissent telles qu’elles étaient il y a 13 milliards d’années.
  • Il peut voir à travers la poussière et les gaz denses, et ainsi découvrir des détails qui étaient cachés jusque-là.

C’est ce deuxième atout qui a été mis en valeur dans une des images les plus « fond d’écran-compatible » de cette moisson : celle de la nébuleuse de la Carène. Cet immense nuage de gaz situé à 7 600 années-lumière de la Terre avait déjà été scruté par Hubble, mais la capacité du télescope de voir à travers la poussière expose des détails nouveaux. La précision des images offre la possibilité d’admirer des zones de formation d’étoiles, là où le gaz se rassemble pour former de nouveaux astres. Et la Carène est une des principales « pouponnières » dans notre galaxie.

Nébuleuse de la Carène
La nébuleuse de la Carène. // Source : Nasa

Pour Lucie Leboulleux, c’est tout un cycle qui apparaît devant nos yeux : « Entre la Carène qui montre la naissance des étoiles et la nébuleuse de l’anneau austral qui dévoile la mort des étoiles, nous avons accès à un panel d’informations très large. C’est extrêmement riche et nous aurons très bientôt de toutes nouvelles observations inédites. » James Webb est capable de montrer de manière plus précise la distribution des molécules, ce qui est très utile pour en savoir plus sur la manière exacte dont se forment les étoiles.

« On se rend compte de ce qui est possible »

Et pourtant, ce n’est que le début. Le télescope n’a eu besoin que de quelques heures pour prendre chacune de ces photos, là où il fallait des jours, voire des semaines à Hubble pour faire la même chose. Autant dire que si le nouveau télescope se mettait à observer des temps d’exposition plus longs, il serait capable d’afficher encore plus de détails qui ont une valeur inestimable aux yeux des scientifiques. « C’est pour cela que la photo du champ profond m’a autant chamboulée, raconte Lucie Leboulleux. Ceux qui avaient été pris par Hubble à partir des années 1990 avaient déjà répondu à beaucoup de questions scientifiques, et en avaient posé d’autres. Mais avec celle-ci, on se rend compte de ce qui sera possible pour la suite avec le JWST. »

Pour avoir un bon aperçu des capacités à venir, il peut être intéressant de se pencher sur une des images les moins commentées, certainement la moins spectaculaire à première vue : le spectre de WASP 96b. Cette exoplanète un peu plus grosse que Jupiter est une géante gazeuse située à 2 000 années-lumière de nous. Elle est très proche de son étoile et en fait le tour en à peine trois jours, ce qui est très pratique pour la distinguer avec la méthode des transits. Chacun de ses passages devant l’étoile fait baisser la luminosité, et comme ces passages sont fréquents, ils sont plus facilement repérables. Ici, James Webb a pu observer son spectre, c’est-à-dire la composition de son atmosphère, et y a trouvé de l’eau. « Pour trouver ces signatures spectrales liées à l’eau, il fallait aller plus loin dans l’infrarouge, précise Lucie Leboulleux. C’est pour cela qu’Hubble en était incapable. Ici, il s’est concentré sur l’eau mais il pourrait aussi trouver du dioxyde de carbone, de l’oxygène, ou du méthane ! »

La composition en CO2 de WASP-96 b. // Source : Nasa
L’analyse de la composition de l’atmosphère de WASP-96 b. // Source : Nasa

Dans ce cas précis, l’observatoire a commencé par une cible facile : une exoplanète grosse, brillante et pas trop lointaine. Mais un peu plus d’efforts lui permettront de faire la même chose avec des planètes plus petites, plus proches de ce à quoi ressemble la Terre. « Il ne trouvera pas de preuve de vie, prévient Lucie Leboulleux. En revanche, il pourra trouver des indices sur des mondes potentiellement habitables. Et grâce à ce ciblage, de futurs télescopes plus performants pourront, eux, détecter des signes de vie. »

Après des décennies de développement et des milliards de dollars dépensés, les différentes agences spatiales impliquées promettaient une révolution de l’astronomie avec le JWST. Ce premier aperçu de ses capacités semble bien indiquer que cette révolution aura bien lieu.

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