Ce 19 juillet 2020, cela fait un mois que The Last of Us Part II est sorti. De plus en plus de joueurs et de joueuses ont traversé cette quête intense, et beaucoup ne sont pas encore remis de leurs émotions. Pour couronner le tout, la fin du jeu est si poignante qu’il est difficile de sortir du jeu sans se triturer l’esprit sur les significations de cet épilogue. Il est majoritairement admis que ce grand final est sombre, et c’est en partie le cas, mais il n’est peut-être pas aussi sombre qu’il y paraît après une première partie. En fait, c’est même une fin assez positive.
[SPOILER ALERT] La suite de cet article est un condensé de spoilers sur l’intrigue du jeu et sur son final. La lecture est conseillée exclusivement aux personnes qui ont terminé The Last of Us Part II en intégralité, générique y compris.
Destins croisés
De l’aveu même de Neil Druckmann, la scène finale devait être beaucoup plus sombre : à l’origine, Ellie tuait Abby. Mais, comme il l’explique, il y aurait eu évidemment un non-sens dans cette issue. Le message du jeu aurait été vain. Sans un changement de comportement chez les protagonistes, à quoi bon miser sur une structure non manichéenne, à quoi bon nous montrer les deux points de vue d’une vengeance ? Cette structure nécessitait un enseignant final plus puissant qu’un meurtre de sang froid. La renonciation d’Ellie est humainement logique : comme les joueurs et les joueuses, elle comprend qu’il faut mettre fin au cycle de violence. C’est aussi grâce à cet acte qu’Ellie retrouve son humanité, qu’elle démarre sa propre rédemption après les meurtres qu’elle a commis. Elle comprend qu’aller au bout de sa vengeance ne lui apportera rien, en dehors de sa propre perte.
Ce n’est pas la seule lumière qui émerge dans cette scène finale. Un élément dont on peut passer à côté de prime abord est qu’Ellie sauve indirectement Abby. Si elle était restée à la ferme, qu’elle n’était pas partie à Santa Barbara, Abby et Lev seraient morts sur cette plage — étant donné l’état dans lequel ils étaient, ce constat est le seul possible. L’image post-générique nous montre qu’Abby et Lev ont pu rejoindre leur objectif, la nouvelle base des Lucioles. Les actions d’Ellie ont paradoxalement permis aux deux autres personnages, ses ennemis, de survivre à un moment où il n’y avait plus d’espoir. De son côté, Abby avait même refusé de se battre, puis s’en est allée sans insister après la renonciation d’Ellie.
Ces deux destins croisés et antagonistes n’ont finalement pas abouti à la destruction mutuelle. Les deux personnages ont traversé l’horreur, commis l’horreur, mais, comme pour toute quête initiatique digne de ce nom, ils ont évolué vers le meilleur. Après ce combat final, Ellie et Abby ont fait le choix le plus puissant qu’il était possible de faire.
Vers l’avenir
Naughty Dog nous a offert des instants de poésie où nous ne faisons rien d’autre que de jouer de la guitare. C’est aussi, tout au long de son parcours de vengeance, le dernier lien matériel d’Ellie avec Joel, qui lui a appris cet instrument. Quand elle revient de Santa Barbara, elle a perdu deux doigts et ne peut donc plus jouer de la guitare. L’épilogue nous montre qu’elle semble avoir tout perdu : sa capacité à jouer ; son presque-père ; sa compagne et son fils adoptif. Il ne reste plus qu’une seule chose à la ferme : ses effets personnels, rassemblés dans une seule pièce. Même cela, elle décide, en partant, de les laisser derrière elle.
Là encore, ces scènes peuvent laisser un arrière-goût amer lors d’une première approche. Difficile de ne pas avoir la sensation qu’Ellie se retrouve abandonnée — la situation qu’elle décrivait, dans le premier opus, comme son pire cauchemar. Pourtant, ces scènes de l’épilogue ne dégagent pas tant de désespoir que cela. En réalité, c’est presque l’inverse. L’héroïne apparaît étrangement apaisée. Elle est calme, non armée. Bien différente de celle que l’on a côtoyée au fil du jeu.
Cette partie de l’épilogue vient signer une nouvelle étape dans la vie d’Ellie : la fin de sa quête de vengeance. Le jeu n’a de cesse de nous montrer à quel point cette vengeance est un fardeau pour Ellie, une drogue malsaine qui l’empoisonne. En laissant tout derrière elle, volontairement, la voilà capable d’avancer, libre de ses choix. Son impossibilité à rejouer de la guitare est certes tragique, mais incarne aussi son deuil achevé.
Il perdure un symbole ultime que le personnage se tourne vers l’avenir, et que ce futur n’a peut-être rien de sinistre. Quand Ellie revient à la ferme, la caméra fait un bref gros plan sur son poignet droit, où l’on voit le bracelet qui lui a été offert par Dina. Elle le porte durant tout l’épilogue, du début à son départ. Ce même bracelet qu’Ellie portait lors du premier chapitre à la ferme, et qu’elle ne portait plus à Santa Barbara. En clair, elle n’est plus physiquement reliée à Joël (au-delà du souvenir), mais à Dina. Elle n’est pas forcément seule et abandonnée : le cycle de la violence est achevé et Ellie peut potentiellement se construire une famille, choisir son destin, donner du sens à sa vie comme elle l’a toujours voulu.
La quintessence du post-apocalyptique
Il ne s’agit pas de chercher du positif à tout prix : celui-ci est tout simplement là. Cela ne change rien au fait que le jeu soit une œuvre violente, déchirante et en grande partie sombre. L’univers de The Last of Us représente, depuis le premier opus, une forme de quintessence de la fiction post-apocalyptique. Et comme on a déjà eu l’occasion de le dire dans les colonnes de Numerama, cette littérature est celle de la lumière qui émerge dans l’horreur.
La plupart des grandes œuvres post-apo, tout médium confondu, décrivent des mondes empreints de brutalité, où la survie remplace la vie. Mais elles font toujours émerger un brin d’espoir, principalement au travers de la reconstruction de liens humains puissants. Le post-apo est aussi une fiction de renaissance. The Last of Us Part II fait honneur au genre avec cette fin, laquelle donne tout son sens à tout le reste de cette Part II.
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