Mise à jour – L’affaire sur l’identité de la joueuse Ellie a pris une tournure différente au cours de ces dernières heures. De nouveaux éléments indiquent qu’il s’agit d’une imposture. Une affaire dont les conséquences peinent à être mesurées aujourd’hui mais qui risquent in fine de ne pas arranger les joueuses voulant percer sur la scène compétitive de l’esport, que ce soit sur Overwatch ou sur un autre jeu.
Article original – Il reste visiblement encore beaucoup de travail à faire pour intégrer convenablement les femmes dans le milieu du jeu vidéo, y compris au plus haut niveau. Cela, alors que cela fait des années que l’on sait que les geeks ont un problème avec le sexisme. Des années que le phénomène est documenté par des enquêtes et alimenté par des témoignages. Malgré cela, en 2019, des attitudes inadmissibles perdurent.
La controverse qui a tourné autour de l’identité de la personne se cachant derrière le pseudonyme « Ellie » en est la triste illustration. L’affaire s’est passée aux États-Unis entre décembre 2018 et janvier 2019 et a eu pour des conséquences désastreuses pour Ellie, qui a été confrontée au cours des dernières semaines à des menaces et du harcèlement, simplement parce que son identité est restée mystérieuse.
Nouvelle recrue dans l’équipe
Tout est parti de l’annonce de l’équipe professionnelle Second Wind.
Le 22 décembre, le groupe révélait l’arrivée d’une nouvelle recrue dans ses rangs, Ellie. Cette dernière devait renforcer l’efficacité du collectif pour lui permettre de progresser davantage dans les parties compétitives d’Overwatch. Il s’agit d’un jeu de tir à la première personne développé par le studio américain Blizzard. Deux équipes de six joueurs chacune s’affrontent sur divers modes de jeu.
Second Wind évolue à haut niveau : elle figure dans les Overwatch Contenders, qui est la deuxième division d’Overwatch (la première s’appelle l’Overwatch League). L’arrivée d’Ellie dans l’équipe n’est pas passée inaperçue, dans la mesure où les femmes sont rares à ce niveau. Une seule représentante joue en Overwatch League par exemple : il s’agit de la Sud-Coréenne Kim Se-Yeon, alias « Geguri ».
Emballement sur l’identité d’Ellie
Ce qui n’est pas non plus passé inaperçu, c’est le mystère autour de l’identité d’Ellie. Or, c’est justement cette cachotterie qui a déclenché sur les réseaux sociaux des discussions enflammées. Il est vrai que ce secret est anormal, dans la mesure où l’on connait l’identité des autres joueurs évoluant dans Overwatch et dans la majorité des autres jeux, lorsque cela se passe à un niveau professionnel ou semi-professionnel.
Sauf que ces interrogations légitimes ont aussi charrié leur lot de théories fumeuses, avec des internautes se demandant si Ellie était bien une femme — en filigrane, ces questions reviennent in fine à remettre en cause la capacité des femmes à jouer au plus haut niveau. Comme le raconte Kotaku, cette effervescence a pris des proportions terribles, au point de pousser Ellie à quitter Second Wind.
Certains ont par exemple suggéré qu’un joueur professionnel jouait à sa place pendant qu’elle parlait au micro. Un autre a proposé de révéler ses informations personnelles pour démêler le vrai du faux. Quelques-uns ont simplement estimé que c’était peut-être juste un homme se faisant passer pour une femme pour passer le temps ou pour attirer un peu d’attention.
Le harcèlement subi par Ellie s’est déployé non seulement sur les réseaux sociaux où ses comptes ont été identifiés — comme Twitter –, mais aussi en jeu. La capture d’écran ci-dessous montre un joueur l’accusant d’avoir acheté à prix d’or l’aide d’un excellent joueur pour que son compte soit bien classé. L’accusateur a ensuite quitté la partie en cours, provoquant une pénalité pour les participants restants (dont Ellie).
Regret de l’équipe
L’équipe a publié un message laconique en réaction à ce départ, assez édulcoré alors que les faits sont graves : « Malheureusement, en raison de certaines réactions imprévues, Ellie a décidé de quitter l’équipe. Nous espérons que vous continuerez à la soutenir dans ses projets sur Overwatch, comme nous le ferons nous-mêmes ». Sans doute est-ce trop peu, trop tard.
Toujours est-il que Justin Hughes, le propriétaire de l’équipe Second Wind, est revenu par la suite sur cette affaire sur Twitter expliquant pourquoi le groupe n’a pas fait davantage bloc autour de sa recrue. « Nous faisons ce que nous pouvons pour nos joueurs, mais en fin de compte, il n’y a pas beaucoup de choses que nous pouvons faire quand la sécurité d’un joueur est en jeu », a-t-il écrit.
Dans un autre message, il est revenu sur cet emballement autour d’Ellie.
« Quand nous l’avons ajoutée dans l’équipe, les gens ont réagi comme si nous avions fait exprès de choisir un symbole de meilleure visibilité et d’affirmation des femmes (…) D’un côté, nous avions des gens qui mettaient en doute sa légitimité, qui proféraient des menaces, alors que de l’autre, nous avions des gens qui semblaient agir comme s’ils avaient trouvé leur Messie ».
Il ajoute : « Entre le fait [que certains aient] besoin d’une joueuse pour répondre à d’énormes attentes, et le fait d’avoir à se poser des questions sur sa propre sécurité, il semble que la communauté d’Overwatch n’est pas prête à considérer une joueuse comme un simple joueur. Nous voulions un joueur, mais le public semblait vouloir autre chose ». Résultat des courses, Ellie est maintenant hors jeu.
Un jeu inclusif où jouent des personnes exclusives
Et quand même il s’avérerait qu’Ellie serait en fait un joueur se faisant passer pour une femme, ce qui est une hypothèse que l’on ne peut pas totalement écarter puisque son identité n’est pas publique, les comportements auxquels on assiste sont déplorables et consternants. Car même dans ce cas, où le compte fait croire qu’il est tenu par une femme, les réactions sont allées bien trop loin.
Dans cette tempête, la mystérieuse joueuse a toutefois — et heureusement — reçu le soutien de plusieurs autres joueurs et joueuses, y compris de personnalités qui évoluent dans l’Overwatch League, mais aussi en dehors. D’autres ont présenté leurs excuses pour la bêtise de certaines personnes de la communauté Overwatch, ou ont exprimé leur colère de façon plus explicite.
Comme le résume Kotaku, le sport électronique n’est de toute évidence « pas fondé sur la méritocratie. C’est une scène dominée par les hommes dans laquelle l’essentialisme de genre est omniprésent et où les femmes se sentent souvent mal accueillies ». Un comble, alors que Blizzard s’efforce justement de faire un jeu inclusif avec Overwatch, en montrant des personnages d’une grande diversité.
https://twitter.com/KateMitchellOW/status/1080910908270899200
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