On se souvient du Transperceneige où, après une catastrophe climatique, l’humanité restante est bloquée dans un train navigant à toute allure sur une planète dévastée. Vertigéo (Casterman) s’en fait l’héritière, mais vers le ciel. Car dans ce scénario imaginé par Lloyd Chéry — l’un des spécialistes français de la SF — et adapté d’une nouvelle d’Emmanuel Delporte dans Demain le travail, un cataclysme bloque définitivement les rayons du Soleil, plongeant la planète dans un monde post-apocalyptique.
L’humanité frôle l’extinction. Seule solution trouvée, bâtir une immense tour dans laquelle survivre. Une tour qui ne cesse de monter, monter et monter : c’est Vertigéo. Mais quel sombre secret se cache derrière ce projet inarrêtable ? Une ingénieure part en quêtes de réponse — entraînant d’autres personnes avec elle dans les révélations.
Vertigéo, la course effrénée au progrès et au travail
« Des dizaines d’hommes sont tombés. C’est le prix à payer », scande un personnage, convaincu par le but de sa mission. Vertigéo illustre le mal du siècle, celui d’un progrès destructeur mais présenté comme inéluctable — toujours plus loin, toujours plus haut — pour mieux épuiser les êtres humains comme les matières premières. En atteste le terme donné par l’auteur au processus derrière cette grande tour : la « poussée ». Comme un mouvement qui vous entraîne, vous retire tout contrôle, jusqu’à ne plus avoir d’autre issue que de tomber, les uns après les autres, au profit d’un système gargantuesque.
« La ‘poussée’, c’est la fuite en avant d’un système oppressif qui ne cesse de produire en vain des étages en asservissant des ouvriers. C’est une métaphore du travail », confirme Lloyd Chéry. Car le travail, dans Vertigéo, est celui d’une entreprise devenue système : on ne travaille pas, on est le travail — la définition même d’une aliénation.
La métaphore de Vertigéo frappe par son actualité écologique : la course effrénée au progrès détruit, et sous de faux prétextes. Mais en méprisant la vie, ce progrès aliénant rend aussi le monde de plus en plus terne. Les dessins d’Amaury Büngen prennent alors une signification d’autant plus émouvante : Vertigéo, dans sa palette en noir et blanc, retranscrit le risque d’un monde triste ayant perdu ses couleurs en même temps que son sens.
Vertigéo est une BD nécessaire à notre époque : une science-fiction politique, une grande claque pour mieux nous réveiller, mais sans transiger sur une aventure captivante et graphiquement vertigineuse. Et si nous étions tous et toutes déjà un peu dans la tour de Vertigéo ?
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Lloyd Chéry (Scénario), Emmanuel Delporte (Scénario), Amaury Bundgen (Dessinateur), Vertigéo, Casterman, 22 euros, 136 pages
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