Épique et intime, brutal et poignant, sombre et captivant, Banishers : Ghosts of New Eden du studio parisien de Don’t Nod joue de tous les contrastes pour dépeindre une aventure dont les forces surpassent les quelques fragilités. Notre avis.

S’il est une chose que l’on ne pourra pas enlever à Banishers : Ghosts of New Eden, c’est bien la force d’attraction de son univers, cette Amérique de la toute fin du XVIIème siècle sur laquelle les scénaristes ont déposé un voile surnaturel tout à fait fascinant. Ici, les défunts sont parfois retenus sur Terre par une émotion trop puissante et délétère. Plutôt que de gagner paisiblement l’au-delà, ils reviennent sous la forme de spectre pour hanter lieux et habitants tant que leur tourment ne sera pas dissipé. C’est précisément pour cela qu’existent les Banisseurs, des hommes et des femmes capables de percevoir et ressentir ce monde spectral pour ensuite combattre ou libérer ces âmes errantes dont la rage et la tristesse peuvent provoquer l’apparition de terribles fléaux.

Banisseur, c’est la profession d’un couple fraîchement débarqué dans le Nouveau Monde : Antea et Red. Veuillez m’excuser d’avance pour ce spoiler qui n’en est pas vraiment un : ne vous attachez pas trop à Antea, elle meurt dès la première heure de jeu. Heureusement, et c’est le principal paradoxe de l’histoire, elle revient aux côtés de Red sous la forme d’un fantôme.

Cela implique deux choses qui fondent toute l’aventure. Tout d’abord, vous allez devoir choisir si vous souhaitez tout faire pour la ressusciter ou, au contraire, œuvrer pour libérer son âme et lui offrir un billet en première classe vers le paradis. Ensuite, bien que le héros principalement incarné soit Red, Antea reste à ses côtés et peut être invoquée d’un clic pour profiter temporairement de ses capacités surnaturelles.

Banishers, entre quêtes et enquêtes

Dans Banishers: Ghosts of New Eden, il n’y a pas que le héros qui a deux visages. L’aventure elle-même s’articule autour de facettes très différentes. Une partie du jeu met ainsi l’emphase sur la narration : le récit de cette histoire d’amour défiant la mort d’une part, mais surtout l’épopée de ce couple luttant contre un spectre à la puissance inouïe qui les mène à explorer une Nouvelle-Angleterre affligée de troubles surnaturels. Tel un Geralt de Riv ou un Fox Mulder du XVIIème, Red va ainsi proposer ses services pour résoudre de véritables enquêtes paranormales articulées autour de dialogues à choix multiples, de récoltes basiques d’indices (des lettres incriminantes négligemment laissées sur un bureau à la vue de tous, par exemple…), d’exploration et de combats.

Il n’y a pas que le héros qui a deux visages

Banishers: Ghosts of New Eden puise ainsi dans ce que l’homme a de plus vil, couard et fourbe pour tisser de petites histoires sombres et passionnantes, où les apparences sont souvent trompeuses. À nous de démêler le vrai du faux et, surtout, d’endosser la lourde responsabilité de juge, jury et bourreau.

À l’issue de chaque enquête, il faudra en effet choisir de punir ou pardonner les personnes incriminées ; un dilemme crucial qui aura une incidence directe sur le dénouement du jeu (il y a cinq fins très différentes possibles). Contraint par un budget forcément moins exubérant que le premier AAA venu, Banishers: Ghosts of New Eden doit se contenter de saynètes un peu trop figées et de visages bien peu expressifs pour dérouler ses histoires. Néanmoins, la force narrative du jeu dépasse facilement cette frugalité, qui plus est compensée par la direction artistique du jeu et la beauté de ses décors.

Source : Capture d'écran PS5
Les proportions des décors savent souvent se montrer très intimidantes // Source : Capture d’écran PS5

Red is not dead

L’aventure de nos amoureux prend rapidement des allures d’épopée dans une contrée immense conçue comme un simili monde ouvert. L’aire de jeu est en effet un patchwork de vastes niveaux interconnectés qui autorisent ainsi les longs voyages et multiplient les paysages variés — d’intimidantes forêts à des sommets fracassés d’un blizzard aveuglant, en passant par des marécages brumeux.

Souvent très beaux, ces décors constituent une magnifique invitation à explorer des zones labyrinthiques où se dissimulent énormément de surprises. Elles sont parfois tapies derrière quelques énigmes environnementales ou bloquées derrière une barrière que seul un pouvoir ultérieur permettra de faire tomber (façon Metroidvania). Matières premières, secrets, améliorations d’armes et armures, quêtes secondaires, trésors… Banishers: Ghosts of New Eden compte sur son monde pour enrichir l’autre pendant de son gameplay : sa facette RPG d’action.

Source : Capture d'écran PS5
« N’astu jamais dansé avec le Diable au clair de lune ? » // Source : Capture d’écran PS5

Elle se révèle très abruptement dans les nombreux combats du jeu, où la tentation de pointer du doigt l’évidente influence des récents God of War est grande. Le jeu nous confine régulièrement dans des arènes qui accueillent une ribambelle de spectres à pulvériser à coups d’épée et de fusil (un mousquet à un coup).

Grâce aux interventions d’Antea et ses différents pouvoirs découverts au fil du temps ainsi qu’à l’enrichissement de son bestiaire, Banishers: Ghosts of New Eden réussit à créer des moments tendus et plutôt efficaces. Toutefois, sa maniabilité dévoile quelques fragilités et maladresses. Là encore, on sent poindre les limites budgétaires du jeu et la comparaison avec les mastodontes du genre, quoiqu’intrinsèquement injuste, est forcément désavantageuse.

La montée en puissance de notre binôme complémentaire permet de rendre ces phases correctes, mais pas particulièrement attrayantes. Une distinction qui pèse un peu par moment, surtout pour une aventure qui s’étale très facilement sur 25, voire 30h de jeu — minimum, car il vous faudra bien plus de temps (le double, sans doute ?) pour découvrir tout ce que recèle Banishers: Ghosts of New Eden.

Source : Capture d'écran PS5
Une direction artistique aux relens très picturals // Source : Capture d’écran PS5

Cela n’enlève en rien au soin et à l’évident savoir-faire mis en œuvre pour composer ce Banishers: Ghosts of New Eden. On ressent en fait un petit déséquilibre entre les forces narrative et artistique du jeu et ses purs éléments de gameplay qui restent souvent trop sages, voire scolaires. Dans un titre à l’atmosphère si puissante et prenante, le recours à certains poncifs des gros jeux des années 2010 (surabondance de marquages en tout genre, feu de camps pour se téléporter, entremêlement action/RPG/enquête…) émousse l’originalité et pousse à des comparaisons qui ne jouent pas toujours en sa faveur.

Il faut toutefois reconnaître que ces mêmes motifs savent aussi se montrer attrayants et accrocheurs (notamment l’aspect RPG). Au fil du temps, on se laisse pleinement embarquer dans une aventure passionnante et d’une richesse insoupçonnée.

Le verdict

Banishers: Ghosts of New Eden // Source : Focus Interactive
7/10

Banishers: Ghost of New Eden

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Solidement ancré sur des bases narratives et artistiques saisissantes, Banishers : Ghosts of New Eden nous agrippe dans son aventure au long cours qui réserve bien des surprises et quelques moments de bravoure. Si, çà et là, on sent poindre ses limites budgétaires et certaines facilités créatives, au final, ce sont bien les forces du jeu qui prennent le dessus pour dépeindre une épopée fascinante, variée et mémorable. En tout cas, je sais que Banishers et ses fantômes vont me hanter pendant encore longtemps…

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