Les candidats et candidates à l’élection présidentielle sont de plus en plus présents sur Twitch. À quelques mois du premier tour, des émissions politiques apparaissent sur la plateforme de streaming. Mais, contrairement à la télévision ou à la radio, où le temps de parole des candidats est régulé, sur Internet, il n’y a pas de contrôle.

Le 1er février, à 20h22, Éric Zemmour était invité sur France TV. Rien d’inhabituel à première vue, sauf que le candidat d’extrême droite n’était pas sur le plateau du journal de 20h, mais sur celui de Twitch. Quelques jours avant lui, c’était Anna Hidalgo qui était reçue sur ce même plateau, et début janvier, Jean-Luc Mélenchon était interviewé sur la chaîne Twitch de BFMTV. En décembre, Nicolas Dupont-Aignan était reçu sur la chaîne du journaliste Hugo Couturier, et Fabien Roussel s’est également prêté à l’exercice en octobre.

La liste est encore longue et le sera bientôt encore plus : à l’approche de l’élection présidentielle, les candidats et les candidates se pressent tous sur Twitch. Les équipes ont bien compris que le streaming offrait une opportunité unique de discuter avec de potentiels jeunes électeurs, mais surtout, de parler librement : sur Twitch, aucune autorité ne contrôle le temps de parole, contrairement à la télé et à la radio.

Nouveau cadre et nouvelles missions

Le succès de la politique sur Twitch n’est pas nouveau, mais il est arrivé très rapidement. Le site de streaming est devenu en moins d’un an l’un des nouveaux terrains de jeu de la politique sur Internet, et de nombreux journalistes ou militant ont créé leurs propres émissions pour parler politique et recevoir des intervenants, le tout avec un succès impressionnant.

Devant le succès naissant des émissions politiques sur Twitch, Numerama se posait déjà la question en 2021 : le CSA devrait-il s’intéresser aux streamers ? La régulation du temps de paroles des candidats à l’élection présidentielle est encadrée par la loi, et son application est déléguée au CSA, ex-conseil supérieur de l’audiovisuel, maintenant devenu l’Arcom (Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique). À l’époque, le conseil de l’audiovisuel nous avait répondu en nous précisant qu’il n’avait pas de pouvoir sur les contenus publiés sur Internet.

Anne Hidalgo sur Twitch avec FranceTV // Source : FranceTV / Twitch
Anne Hidalgo sur Twitch avec FranceTV // Source : FranceTV / Twitch

Mais depuis, l’Arcom a été créée. L’autorité a repris les anciennes missions du CSA, auxquelles s’ajoutent de nouvelles. La « régulation des plateformes en ligne et réseaux sociaux » fait partie de ses nouvelles attributions, ce qui fait que l’Arcom a donc maintenant une autorité sur les contenus publiés sur Internet que le CSA n’avait pas. Mais cela ne veut cependant pas dire qu’elle a le pouvoir de réguler le temps de parole des politiques.

Pourquoi l’Arcom ne régule-t-elle pas ?

Comme nous l’a confirmé au téléphone l’Arcom, l’autorité ne régule pas le temps de parole sur Internet, car il n’y a pas de règles concernant le pluralisme politique en ligne. L’Arcom a bien certains pouvoirs pour contrôler les fake news et la haine en ligne, spécifiquement en s’assurant que les plateformes « mettent bien en œuvre leurs obligations de signalement ou encore de modération » — mais ça n’est pas le cas sur le pluralisme politique.

C’est dû principalement à deux choses : cela ne fait pas partie de ses missions (qui lui sont confiées par le parlement), et surtout, les méthodes de comptabilisation de l’Arcom ne sont pas transposables à Internet. Les médias audiovisuels « classiques », tels que la télévision et la radio, sont bien définis, c’est pourquoi il est possible de comptabiliser les temps de parole de chaque candidat.

Jean-Luc Mélechon sur la chaîne Twitch de BFMTV // Source : BFMTV / Twitch
Jean-Luc Mélechon sur la chaîne Twitch de BFMTV // Source : BFMTV / Twitch

Mais sur Internet, impossible de faire une telle chose. Une plateforme telle que Twitch pourrait sembler plus cadrée, et donc plus à même de respecter les mêmes obligations que les autres médias. Mais d’autres problématiques propres à la plateforme existent : comment différencier le temps de parole des candidats invités sur les comptes de journalistes et de chaîne de télévision de ceux qu’ils tiennent sur leur propre chaine ?

C’est notamment le cas d’Ugo Bernalicis, député La France insoumise du Nord, qui stream régulièrement sur son compte Twitch des débats à l’Assemblée nationale, ou encore le mouvement des Jeunes avec Macron, qui vient de lancer sa propre chaîne, sur laquelle le groupe parle notamment de ses propositions pour 2022. Pour des comptes comme ceux-là, qui n’agissent pas en tant que médias mais en tant que militants, il serait impossible pour l’Arcom d’intervenir.

Seul un projet de loi sur ce thème pourrait faire en sorte que l’Arcom se saisisse du sujet et commence à comptabiliser le temps de parole des candidats sur Twitch — et pour l’instant, il n’y en a aucun.

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