Depuis quelques jours, la streameusse Xo_Trixy recevait beaucoup plus de messages à caractère sexuel qu’auparavant. « Je suis en train de me branler », annonçait notamment sur son chat le 8 décembre un utilisateur, juste avant d’être banni. Il n’était pas le seul, explique-t-elle, sans que cela attire particulièrement son attention. Elle est habituée à recevoir régulièrement ce genre de messages. Jusqu’à ce que le 10 décembre, on lui envoie le lien d’un site particulièrement « creepy » (glauque, ndlr), bunnyhop.tv.
Sur la page d’accueil de Bunnyhop, une mosaïque de lives, uniquement de streameuses, Françaises, Américaines, Coréennes… Le site agrégeait depuis plusieurs mois leurs streams, sans qu’elles en aient conscience et sans en avoir donné l’autorisation. Prévenu, Twitch a réagi dans la foulée, en bloquant les embeds sur le site. Mais l’histoire montre plus que jamais à quel point les streameuses sont sexualisées à outrance, et qu’un « climat global de peur » règne toujours, comme le résume la streameuse EmiieTV.
« Des poupées en vitrine »
Bunnyhop ne se contentait pas de rediffuser les lives. Le site les présentait de manière très bizarre sur sa page d’accueil, donnant l’impression aux streameuses d’être « des poupées en vitrine », comme l’explique Trixy, une comparaison reprise de nombreuses fois. Et en effet, l’interface est loin de celle de Twitch : des rangées et des rangées de vidéos, anonymisées, sans aucune description, qui donnent l’impression de n’être qu’un site de sex cam, comme le dit un internaute. Bunnyhop se vante d’ailleurs d’être le « meilleur site pour regarder des e-girls en ligne », et de proposer des « streams de filles mignonnes en train de jouer, de parler, et plus. Découvrez les filles les plus sexy des jeux vidéo ». En cliquant sur les streams, le son est automatiquement désactivé.
En France, c’est Xo_Trixy qui a donné l’alerte en premier, rapidement suivie par d’autres. Il est très difficile de remonter jusqu’au tout premier message évoquant le sujet, mais les messages en anglais sont tout aussi récents, datant tous de quelques heures à peine au moment de la parution de cet article (11 décembre). Pourtant, le site existait depuis début octobre, à en croire son compte Twitter. Plusieurs mois pendant lesquels il a, en toute impunité, diffusé les lives à plusieurs centaines de milliers de visiteurs, selon le site. Bunnyhop, malgré sa sexualisation à l’extrême des streameuses, se défend simplement en disant qu’il « aidait les gens à découvrir de nouvelles personnes ».
https://twitter.com/BunnyHopGirls/status/1337267174902099968
Si son compte était relativement peu connu jusqu’à présent – il ne comptait que 5 abonnés et avait seulement 4 tweets – depuis le 10 décembre, streameurs et utilisateurs de Twitch ont exprimé leur outrage publiquement. Pour l’instant, le site est toujours en ligne, même si la page d’accueil indique seulement qu’aucun live n’est disponible, et le compte Twitter est toujours actif.
Un climat « anxiogène »
Le sexisme et les messages à caractères sexuels ne sont pourtant pas une nouveauté pour les streameuses. EmiieTV, partenaire de Twitch et plus de 20 000 abonnées au compteur, a l’habitude de ce genre de sites : avant qu’elle soit référencée sur Bunnyhop, des photomontages pornographiques d’elle ont circulé. « Je pense juste que le fait d’avoir une certaine notoriété suffit à voir son contenu détourné sur ce type de plateforme », regrette-t-elle. Elle reçoit régulièrement des messages déplacés et des nudes. Ces attitudes prédatrices existaient malheureusement bien avant l’apparition de Bunnyhop, et lui survivront très certainement. Mais de tels sites renforcent encore plus ces comportements, et les encouragent en rendant disponibles aux premiers venus les lives d’énormément de streameuses, sans qu’ils aient même à les chercher sur Twitch.
Et les conséquences pour les streameuses sont graves, pas seulement sur Internet. « Le fait de savoir que lorsque je relancerai un live des personnes à la recherche de sexe puissent venir ne me fait pas me sentir en sécurité. On reçoit des nudes, des messages déplacés, on retrouve nos visages en photomontage sur des sites pornographiques… j’ai peur de franchir la limite d’internet au monde réel en allant en convention », poursuit EmiieTV. Ces derniers jours, elle a reçu plus de messages que d’habitude. « C’est l’addition de toutes ces choses qui donne un climat aussi anxiogène sur Internet ». Comme elle explique sur Twitter, « être une fille sur internet, c’est un fardeau ».
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