Dans une affaire de fusillade, des enquêteurs du FBI ont fini par réussir à percer la protection de deux iPhone sans l’aide d’Apple. Un travail qui a pris des mois, suscitant la colère des autorités américaines.

Entre Apple et le FBI, les positions demeurent irréconciliables sur l’épineux sujet du chiffrement de l’iPhone. Parce que la firme de Cupertino a fait de la protection de sa clientèle une priorité absolue sur laquelle elle refuse de transiger, elle se heurte aux enquêtes des forces de l’ordre, qui ont parfois besoin d’accéder au contenu de tel ou tel appareil pour confirmer ou infirmer leurs soupçons.

Aujourd’hui, les deux parties exposent leur désaccord au sujet de l’affaire de la fusillade qui s’est déroulée le 6 décembre 2019 sur la base de l’aéronavale à Pensacola, en Floride, qui a fait quatre morts, dont le tireur, et huit blessés. Le tueur était un apprenti aviateur saoudien, envoyé en formation. Durant l’enquête, deux modèles d’iPhone ont été retrouvés, mais verrouillés et chiffrés.

L’affaire a déjà conduit à des passes d’armes entre Apple et les autorités américaines, notamment en début d’année. Donald Trump lui aussi s’en est mêlé, avec son style bien à lui : il a hurlé sur Twitter. Elle vient de connaître un récent rebond, comme le relève le Wall Street Journal, puisque le FBI a fini par réussir à craquer tout seul les deux iPhone, non sans mal, car cela lui a pris des mois.

Avec cette avancée, le FBI a pu découvrir l’existence de liens entre le militaire et Al Qaida. Ces éléments ont été exposés lors d’une conférence de presse survenue le 18 mai, à laquelle ont participé Christopher Wray, le directeur du FBI, et William P. Barr, le procureur général des États-Unis. Et durant leur présentation, les deux hommes en ont profité pour en remettre une couche sur Apple.

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Christopher Wray, l'actuel patron du FBI.

Source : FBI

Apple se prend une soufflante des autorités

« Grâce à l’excellent travail du FBI — et non grâce à Apple — nous avons pu débloquer les téléphones », a déclaré William P. Barr, même si cela a nécessité des mois de labeur et surtout l’argent du contribuable, rapporte The Verge. En filigrane, le gouvernement des États-Unis aurait pu gagner du temps et économiser de l’argent si Apple s’était montré un peu plus responsable.

« Sans l’ingéniosité du FBI, la chance, une durée interminable et des ressources, ces informations n’auraient pas été découvertes. En résumé, notre sécurité nationale ne peut pas rester entre les mains de grandes entreprises qui privilégient l’argent à l’accès légal et à la sécurité publique. Le temps est venu de trouver une solution législative », a-t-il ajouté, suggérant une future loi pour recadrer le chiffrement.

Pointant une politique d’entreprise ayant selon lui des « conséquences dangereuses pour la sécurité publique et la sécurité nationale », William P. Barr a jugé « inacceptable » de laisser à un groupe privé le soin de définir ce que doit être l’équilibre entre différents enjeux. Tout comme il est inacceptable de faire d’un iPhone une boîte noire impénétrable à laquelle la justice n’aurait pas accès.

« Grâce à l’excellent travail du FBI – et non grâce à Apple – nous avons pu débloquer les téléphones »

« Le désir d’Apple de garantir la confidentialité de ses clients est compréhensible, mais pas à tout prix », a-t-il poursuivi. Et surtout, ce sujet ne peut être laissé entre les mains d’un conseil d’administration d’entreprise ou d’une seule personne. En somme, c’est au législateur de se prononcer sur ces sujets, en tant qu’émanation de la volonté nationale, et non pas à une société, aussi populaire soit-elle.

Pour sa part, Christopher Wray a fustigé le temps perdu et l’énergie dépensée inutilement pour un dossier qui aurait pu avancer beaucoup plus vite, car ses services avaient obtenu de la justice un mandat autorisant la perquisition des smartphones. « Les fonctionnaires sont déjà submergés de choses importantes à faire pour protéger la population », a-t-il dit. En clair, inutile de leur rajouter des bâtons dans les roues.

Apple conteste cette présentation des faits

Si Apple n’a effectivement pas affaibli les protections de l’iPhone pour cette enquête, il s’avère que la firme de Cupertino ne s’est pas contentée d’être spectatrice de l’affaire. Elle a d’ailleurs encore répété, à la suite de cette conférence de presse, avoir fourni, le jour même de la fusillade, des éléments au FBI, incluant des sauvegardes de fichiers sur iCloud, des informations de compte et des données de transaction.

« Sur cette affaire et sur des milliers d’autres, nous continuons à travailler 24 heures sur 24 avec le FBI », déclare le groupe, qui dit n’avoir aucune difficulté à soutenir la tâche des forces de l’ordre. Mais pour autant, il est hors de question de toucher au chiffrement, « qui protège des millions d’utilisateurs et la sécurité nationale ». Surtout sur ces bases : Apple rejette les propos de William P. Barr et Christopher Wray, qui sont qualifiés de « fausses allégations ». Le rapprochement des points de vue n’est pas gagné.

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