Le Conseil d’État a refusé de lever l’interdiction d’opérer de TikTok en Nouvelle-Calédonie, demandée par le gouvernement la semaine passée. Le juge des référés ne se prononce pas sur le fond, mais préfère temporiser, estimant qu’il n’y aurait pas d’urgence à agir. Pendant ce temps, des experts continuent de contester la base légale sur laquelle est opéré ce bannissement.

Le Conseil d’État botte en touche. C’est ce que l’on retient de la décision rendue le 23 mai 2024 au soir par le juge des référés. « Les requérants n’apportent pas d’éléments pour démontrer que ce blocage a des conséquences immédiates et concrètes sur leur situation et leurs intérêts, ce qui est une ‘condition d’urgence’ nécessaire pour l’intervention du juge des référés », écrit-il. TikTok va donc, pour l’instant, rester banni en Nouvelle-Calédonie.

« Dans cette affaire, les requérants se bornent à soutenir qu’il existe une atteinte aux libertés d’expression et de communication, mais n’apportent aucun élément justifiant de l’urgence », insiste le juge, qui tranche le dossier, mais sans statuer sur le fond.

Il souligne, pour finir, que la suspension de la plateforme est « limitée » et « temporaire » et que « le Gouvernement [s’est] engagé à lever immédiatement ce blocage dès que les troubles auront cessé. »

Contacté par Libération, Lionel Crusoé, avocat de la Ligue des droits de l’Homme (LDH), s’en est désolé : « On bloque une des sources d’information, de débat et d’expression de la jeunesse calédonienne en pleine crise politique mais le juge n’y voit aucune urgence. Que dire… »

Une interdiction de TikTok inédite en France

Pour la première fois depuis son existence, TikTok a été interdit sur le sol français. Un blocage inédit dans une démocratie occidentale. L’annonce a été faite le 15 mai dernier, juste après que Gabriel Attal, le Premier ministre, a déclaré l’état d’urgence en Nouvelle-Calédonie.

L’archipel est le théâtre d’affrontements depuis la mi-mai à la suite d’une proposition de révision constitutionnelle, qui viendrait amoindrir la représentation du corps électoral des Kanaks, descendants des premiers habitants du territoire.

Ce blocage avait immédiatement été visé, comme l’a rapporté Mediapart, par trois recours déposés devant le Conseil d’État par l’association de défense des libertés publiques en ligne La Quadrature du Net, la Ligue des droits de l’Homme ainsi que des Néo-Calédoniens.

Comment le gouvernement justifie-t-il le bannissement de TikTok ?

Numerama avait appris, la semaine passée, que le gouvernement justifiait le bannissement de TikTok sur une base particulière : « En raison des ingérences et de la manipulation dont fait l’objet la plateforme dont la maison mère est chinoise », nous a expliqué le cabinet du Premier ministre. « L’application est utilisée en tant que support de diffusion de désinformation sur les réseaux sociaux, alimenté par des pays étrangers et relayé par les émeutiers. »

Cette raison avait soulevé le questionnement de certains experts et juristes, la désinformation n’étant pas un motif prévu par la loi. En cas d’état d’urgence, une plateforme peut être bloquée, mais seulement pour prévenir les risques d’attaque terroriste. Mis devant cette contradiction, le gouvernement semble avoir alors changé son fusil d’épaule et invoqué les « circonstances exceptionnelles. »

De quelles ingérences parle-t-on ?

Alors que les déclarations de Matignon à Numerama laissaient entendre que l’origine chinoise de TikTok était l’un des objets de méfiance, Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, a pointé du doigt l’Azerbaïdjan : « Ce n’est pas un fantasme, c’est une réalité. (…) Je regrette qu’une partie des leaders indépendantistes calédoniens aient fait un deal avec l’Azerbaïdjan, c’est incontestable. »

Comme le relève le Monde, si certaines opérations de déstabilisation sont certaines, leur portée reste toutefois difficile à mesurer : la majorité des publications mises en cause n’ont que quelques centaines de « likes » et ne sont que très peu commentées.

Il n’existe qu’un seul opérateur d’infrastructure local en Nouvelle-Calédonie, ce qui a permis de bannir plus facilement TikTok que cela aurait été le cas en métropole. En juin 2023, après la mort de Nahel, tué par un policier à bout portant, le gouvernement avait déjà montré son agacement contre Snapchat et TikTok, accusés de faciliter la mobilisation et l’organisation des manifestants et émeutiers. Les plateformes n’avaient toutefois fait l’objet d’aucune interdiction.

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