La part du budget 2009 consacrée aux industries culturelles augmentera l’an prochain de plus de 22 %, à environ 40 millions d’euros. En plus de crédits d’impôts pour l’industrie musicale qui seront encore augmentés cette année, le ministère de la Culture a prévu d’affecter 6,7 millions d’euros au fonctionnement de l’Hadopi, la Haute autorité chargée de mettre en oeuvre la riposte graduée. A condition que la loi Création et Internet ne soit pas enterrée.

Le ministère de la culture a communiqué ce vendredi son projet de budget pour l’année 2009, qui sera débattu à l’occasion de la traditionnelle loi de finances. On y découvre que le coût du fonctionnement de la très contestée future Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi) est estimé pour 2009 à 6,7 millions d’euros, alors-même qu’elle ne devrait pas être en place et prête à fonctionner dès le 1er janvier.

Rappelons que l’Hadopi, qui agira sur saisine des ayants droit et d’après les relevés d’infractions qu’ils seront eux-mêmes en charge d’organiser et de financer, aura pour mission d’ordonner l’envoi de messages d’avertissement aux abonnés à Internet donc l’accès a été utilisé pour mettre en partage des œuvres sur les réseaux P2P. Elle pourra aller jusqu’à exiger la suspension de l’abonnement à Internet. Pour en savoir plus sur la loi et sa Haute Autorité, nous vous invitons à lire nos 10 raisons de rejeter l’Hadopi, qui montrent à quel point l’argent du contribuable, pourtant précieux en ces temps de crise budgétaire, va être gaspillé au service d’une loi d’ores-et-déjà inefficace, socialement injuste et juridiquement bancale.

L’Hadopi viendra remplacer et élargir les compétences de l’Autorité de Régulation des Mesures de Protection (ARMT), créée par Renaud Donnedieu de Vabres avec la loi DADVSI, et qui n’a rendu jusqu’à présent que deux décisions : l’élection du Président de l’ARMT, et la nomination de son secrétaire général.

Dans la présentation de son budget, le ministère assure que « la lutte contre le piratage des œuvres culturelles sur Internet est la condition nécessaire du report des consommateurs vers l’offre légale de film et de musique, qui permettra de faire des réseaux numériques un circuit de distribution des biens et services culturels à la fois attractif pour le consommateur par la richesse et le prix des catalogues proposés, et juridiquement sûr pour les investisseurs« .

Admettons. Pour que l’Hadopi ne creuse pas le déficit budgétaire de l’Etat, elle devra générer en retour au moins 6,7 millions d’euros de recettes fiscales chaque année par l’augmentation supposée des ventes sur les plateformes légales. Prenons le cas de la musique, qui est aujourd’hui le type d’œuvre le plus piraté. Un MP3 vendu 0,99 euros sur Internet rapporte à l’Etat 16 centimes d’euros de TVA. Pour équilibrer le budget, il faudrait que les Français achètent environ 42 millions de titres par an en plus de ceux qu’ils achètent déjà. Et ce qui suppose aussi qu’ils n’aillent pas les acheter sur iTunes, où la TVA est reversée au Luxembourg. Au premier trimestre 2008, les ventes numériques ont rapporté à l’industrie moins de 7 millions d’euros HT, soit moins de 1,4 millions d’euros de TVA à 19,6 % (en incluant faussement les ventes sur iTunes). Il faudrait que l’Hadopi soit extrêmement performante pour qu’elle arrive à générer suffisamment de ventes pour espérer un retour sur investissement… d’autant que les industriels plaident l’instauration de la TVA à taux réduit.

Rappelons tout de même que l’Espagne, où la justice considère que le P2P est légal, où même les sites de liens P2P sont légaux, que l’industrie elle-même considère comme la championne européenne du piratage de fichiers musicaux… a été montrée en exemple ce mois-ci par le SNEP comme un marché où le disque s’est stabilisé cette année, contrairement à la France où le marché continue de s’écrouler malgré la répression et l’illégalité affirmée du P2P. Cherchez l’erreur.

Donnant la tonalité du discours que tiendra Christine Albanel devant les parlementaires, le ministère explique que l’Hadopi « participera à la lutte contre le piratage par un dispositif à la fois pédagogique et essentiellement préventif, allant de l’avertissement de l’internaute à une éventuelle sanction en cas de multiples réitérations« . Avec le Parlement Européen qui considère que la suspension de l’abonnement à Internet est une mesure contraire aux droits fondamentaux qui nécessite l’intervention d’un juge de l’ordre judiciaire, le ministère met l’accent sur le caractère pédagogique de l’Hadopi. Il essayera, en tout cas, de le faire croire.


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