Alors que des experts en cybersécurité tentent de prévenir la France des menaces russes à l’encontre d’Emmanuel Macron et que les médias du Kremlin appellent à voter Le Pen, la pression s’accentue sur le candidat En Marche. Nombreux sont ceux qui préfigurent déjà un coup d’éclat de l’espionnage russe qui aiderait à faire perdre le candidat.

En aval du premier tour, le Kremlin s’est finalement fait silencieux. Préparerait-il quelque chose ? Une théorie de la peur à laquelle succombent certains diplomates et experts en sécurité informatique.

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À l’exception d’une visite de Marine Le Pen, Vladimir Poutine semblait économiser ses cartouches concernant l’élection française, pourtant essentielle pour déstabiliser l’Union Européenne comme il semble le souhaiter. Et l’eau qui dort, surtout lorsqu’elle est russe, ne peux qu’inquiéter les plus paranoïaques des démocrates français. La Russie a-t-elle chômé durant notre présidentielle ? Se tient-elle à l’écart afin de ne pas être à nouveau prise pour cible par ses partenaires économiques ?

Kremlin en embuscade ?

Difficile à cerner, la stratégie du Kremlin semblait superflue jusqu’à la victoire d’Emmanuel Macron au premier tour. En effet avec plus de trois candidats cléments à son sujet sur les quatre en mesure de l’emporter (LR, FN et FI), l’élection aurait pu apparaître comme déjà gagnée pour les proches de Poutine.

Mais les Français ont qualifié devant Marine Le Pen le plus Européen et le moins sensible aux intérêts du Kremlin des candidats, M. Macron. Véritable Hillary Clinton pour les observateurs russes, Macron incarne férocement ce que la Russie rejette en Occident : une force européenne assumée, une économie portée vers le monde, un rejet de la compromission avec Assad et une morale fortement marquée par le libéralisme et les libertés individuelles.

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Son élection à l’Elysée conforterait le positionnement de la France face à la Russie, dans la sanction et la défense plutôt que dans une éventuelle coopération économique et politique. Soit une forme de continuité évidente avec les positions du Quai d’Orsay depuis plus de cinq ans maintenant.

Or face à cet obstacle pour les intérêts russes, on retrouve Marine Le Pen, qui elle porterait bien mieux la cause russe en France. Elle l’a assumé et ne compte pas le démentir : en invoquant la lutte contre le terrorisme, la candidate du FN justifie toutes les compromissions avec le Kremlin.

Vladimir Poutine a tout de même fini par se fendre lundi d’un mot pour l’élection française. Le chef d’État a précisé qu’il « respectait le choix des Français ». Les médias de propagandes russophiles expliquaient pourtant au même moment que l’élection était probablement truquée (?) et que Marine Le Pen avait gagné dès 20h pour RT et Sputnik.

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Les médias nationaux font également peu de mystère sur leurs préférences comme le montre un tweet de la très conservatrice chaîne militaire russe, la Zvezda. En somme, peu de doutes sur les préférences russes pour notre second tour. Toutefois des voix s’élèvent pour avertir d’un éventuel piège tendu à E. Macron et aux Français d’ici au second tour. Les tenants de cette posture légèrement paranoïaque se justifient grâce à l’implication souvent dénoncée de la Fédération dans les élections américaines.

Et le candidat Macron, en se posant sur le plan international sur une ligne proche de Clinton, devient de fait la cible parfaite d’une Russie en quête de déstabilisation. Mais pour passer de cible à victime, il faudrait que les leviers russes de perturbation de l’élection soient activés. Or leur existence — reconnue — suscite nécessairement une peur légitime.

Abattre Macron, ce Clinton français

Au Japon, Trend Micro, une firme spécialiste de sécurité informatique, explique déjà que le site d’En Marche ! est pris pour cible par des hackeurs russes, selon leurs observations. Un bilan qui vient corroborer la prise de parole de M. Ferrand, porte-parole du mouvement, qui avait également dénoncé des attaques avant le premier tour, attaques dont son organisation serait la cible (qui se sont avérées peu nombreuses, à vrai dire).

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Toutefois les Japonais alimentent le feuilleton russe en apportant des preuves de leurs allégations, en mettant en lumière pas moins de quatre sites dits appâts ou honeypot dans le jargon de l’infosec. Ces derniers, reprenant l’apparence et le nom du site originel étaient destinés à phisher les membres du mouvement afin qu’ils livrent leurs données personnelles, mots de passe et mails notamment, à des hackeurs malveillants.

Selon CNN, les autorités de sécurité de l’État, dont l’ANSSI, ont renouvelé leur appel à la vigilance et à l’extrême prudence auprès des équipes des candidats à la suite de la découverte japonaise. Comme pétrifiées, les autorités mettent désormais en avant une prudence quotidienne et un renforcement des infrastructures de sécurité directement liées à la démocratie française.

Néanmoins, si nos candidats sont bel et bien victimes de piratage, difficile pour le moment de prouver l’implication russe. Techniquement, la difficulté pour trouver des éléments inculpant le Kremlin est sensiblement identique à la difficulté rencontrée par les Américains pour faire de même. L’absence de preuve est inhérente à la technique employée — de fait, difficile de concevoir autrement une telle cyberwar qu’en des termes géopolitiques.

La posture incrédule est, de son côté, tout aussi difficilement tenable : au vu des intérêts en jeu, il est dans le meilleur des cas naïf de croire à une coïncidence. De son côté, l’alignement Kremlin-FN ne semble faire aucun doute. La vérité est probablement à mi-chemin entre ces deux postures.


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