Qu’importe la qualité tant qu’il y a la quantité. La Commission européenne proposera la semaine prochaine une modification de la directive sur les services de médias audiovisuels, qui imposera aux différents CSA de l’Union européenne de s’assurer qu’au moins 20 % de productions européennes figurent dans les catalogues des services de VOD et SVOD.

C’est un vieux débat qui resurgit aujourd’hui. Alors que les radios et télévisions ont depuis bien longtemps des obligations de diffusions de productions françaises et européennes sur leurs antennes, cette « exception culturelle » peut-elle se déporter sur les modèles de consommation à la demande, basés sur des algorithmes de suggestions personnalisées ?

À défaut d’imposer aux services en ligne de modifier leurs algorithmes de recommandations, la Commission européenne souhaite imposer aux Netflix, CanalPlay, FilmoTV et consorts de proposer au moins 20 % de contenus européens dans leurs catalogues.

Dans le cadre de sa stratégie pour un « marché unique numérique », la Commission devrait en effet dévoiler la semaine prochaine une proposition de réforme de la directive de 2010 relative aux services de médias audiovisuels, qui régule y compris les services de VOD ou SVOD sur Internet.

Or son article 13 dispose que « les états membres doivent s’assurer que les fournisseurs de services de médias audiovisuels à la demande sous leur juridiction sécurisent au moins 20 % de part d’œuvres européennes dans leurs catalogues et s’assurer de l’importance de ces œuvres » :

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L’article demande aussi aux services de médias audiovisuels (SMAD) de contribuer aux fonds de soutien à la création européenne, ce qui est déjà le cas en France, y compris aux fonds gérés par des organismes qui sont situés dans des pays membres visés par le service, mais sur lesquels ils ne sont pas juridiquement implantés. Netflix, basé aux Pays-Bas, pourrait donc devoir verser au Cosip au titre de ses clients français.

Un appel à produire n’importe quoi, pourvu que ça soit Européen

Seuls les services à petite audience pourraient être exemptés de l’obligation, fortement souhaitée par les producteurs de contenus en Europe. Evidemment, les éditeurs des services concernés sont, eux, beaucoup moins heureux. « L’idée de quotas culturels est obsolète, ne sert pas les consommateurs dans le 21e siècle et n’aidera pas les innovateurs sur Internet ou les innovateurs dans les contenus », prévient ainsi à EurActiv James Waterworth, le vice-président de la CCIA, un lobby qui compte notamment Netflix comme membre.

Pas une protection culturelle mais un protectionnisme économique

En pratique, l’obligation qui reposerait sur une part minimum de contenus européens obligerait donc les services à augmenter artificiellement leur catalogue européen chaque fois qu’ils voudront ajouter des œuvres étrangères dans leur service. C’est un appel à produire et ajouter n’importe quoi, sans sélection éditoriale, pourvu que ça soit européen, quitte à encourager des productions franchement risibles, comme l’affligeant Marseille. Est-ce le meilleur moyen d’encourager la diffusion de la culture européenne dans le monde, que de noyer sa qualité sous un volume minimum ? Probablement pas.

Loin d’être une mesure culturelle, il s’agit exclusivement d’une mesure de protectionnisme économique, avec un impôt indirect déguisé dont le but est de financer les producteurs et les créateurs en Europe. Netflix, pour ne parler que de lui, devra payer des droits sur chaque production qu’il aura l’obligation d’ajouter à son catalogue. S’il ne le souhaite pas, il devra réduire l’accès aux productions étrangères, ce qui n’est pas non plus une victoire pour la culture.

L’interdiction des règles d’exception culturelle avait été écartée des négociations en cours sur le TAFTA, le traité de libre-échange entre les États-Unis et l’Europe.

Source : Montage Numerama

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