Alors que la NSA américaine est au coeur de scandales sur les écoutes opérées en France, L'Obs a publié mercredi une enquête qui confirme que la France est elle aussi très bien renseignée sur ses partenaires et alliés, grâce à son écoute des câbles sous-marins qui passent par ses terres. Alcatel-Lucent et Orange sont très étroitement liés aux opérations d'espionnage massif.

Même s'il s'agit pour l'essentiel de secrets de polichinelles, voire de faits qui étaient déjà connus sous le nom de "Frenchlon", le magazine L'Obs a publié mercredi de nouvelle révélations sur les programmes de surveillance mis en oeuvre par la France pour imiter la NSA américaine et être, elle aussi, une grande oreille au service de ses propres intérêts et de ses partenaires et alliés. L'hebdomadaire assure que le virage s'est opéré en 2008 sous l'impulsion de Nicolas Sarkozy, avec le lancement secret du premier grand plan d'interception des communications véhiculées par les câbles de fibres optiques qui partent ou arrivent de France. L'entreprise nationale Alcatel-Lucent est une pièce maîtresse de l'opération, ce qui explique pourquoi son activité hautement stratégique de fibres optique est exclue de son rachat par Nokia.

Selon le site SubmarineCableMap, la France dispose d'une quinzaine de locaux névralgiques qui accueillent des fibres optiques qui relient l'Europe à l'Afrique, l'Asie, les Etats-Unis ou même l'Amérique du sud. Depuis 2008, les services secrets ont mis en place un vaste plan visant à dupliquer une grande partie du trafic transportés sur ces câbles, à commencer par le très stratégique câble sous-marin SE-ME-WE-4 (lui-même piraté par la NSA), qui relie Marseille à Singapour, en passant par l'Algérie, l'Egypte, l'Arabie Saoudite, la Somalie, ou l'Inde.

Expiré en 2013, le plan aurait été reconduit jusqu'en 2019 par François Hollande, qui a décidé de poursuivre dans les mêmes termes la politique de surenchère de la surveillance internationale, et de la légaliser à travers le projet de loi Renseignement qui blanchit les pratiques jusqu'ici illicite.

En vrac, L'Obs nous apprend que :

  • Une quarantaine de pays (dont ceux du Maghreb, du Moyen-Orient, d'Afrique Sub-saharienne, ainsi que les USA, la Russie, l'Inde et la Chine) verraient l'ensemble du trafic passant par la France intercepté, passé à la moulinette d'algorithmes divers et variés pour effectuer un premier tri, et partiellement renvoyé vers les locaux de la DGSE à Paris pour une analyse plus poussée ;
     
  • La Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS), remplacée par la nouvelle Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR) par la loi sur le renseignement, aurait donné son accord à cette collecte massive à l'échelle de pays entiers. Pour les autres, elle aurait limité à des thèmes précis, comme la lutte contre le terrorisme. Avec la loi renseignement, ce sont 8 objectifs, presque exhaustifs, qui seront autorisés d'office ;
     
  • La duplication des câbles de fibre optique se fait par réquisition à Orange, qui dispose d'une dizaines d'agents habilités, pour la plupart issus de la DGSE. L'opération matérielle est réalisée par des agents de la DGSE, qui "s’introduisent dans la station d’arrivée et dédoublent les fibres optiques", selon une technique enseignée par Alcatel-Lucent. Les fibres dédoublées sont alors envoyées vers un bâtiment annexe secret, avec un équipement conçu par Alcatel-Lucent. C'est dans ces bâtiments qu'un premier filtrage sommaire est réalisé avant envoi d'un volume tout de même conséquent de données vers Paris ;
     
  • A Paris, dans ses locaux du boulevard Mortier, la DGSE dispose d'un immense ensemble de supercalculateurs pour trier l'ensemble des données reçues, et même traiter automatiquement l'information. "Ces ordinateurs géants trient tous les jours des dizaines de millions d’e-mails, de SMS, d’échanges par Skype, WhatsApp, Facebook… Ils isolent automatiquement, par numéro de téléphone ou adresse IP, les échanges des individus visés. Un logiciel reconnaît les voix, un autre traduit.", assure L'Obs ;
     
  • En 2009, les Etats-Unis ont proposé à la France d'intégrer le cercle fermé des "Five Eyes" (USA, Grande-Bretagne, Nouvelle-Zélande, Australie, Canada), qui mutualisent leurs moyens et leurs données interceptées. Des négociations dans ce ses auraient été débutées par Nicolas Sarkozy, mais Barack Obama y aurait mis court en 2010 après que la France a demandé que lui soit appliqué, dans ce cadre, un accord de non-espionnage réciproque ;
     
  • Un accord de coopération étroite a en revanche été signé en 2010 avec la Grande-Bretagne, en tant que volet secret d'un traité militaire public.
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