Au lieu de faire payer très cher ses scooters électriques, Unu a décidé de baisser le prix à l’achat, mais de forcer la location de la batterie qui le fait fonctionner. Un système d’abonnement complexe qui n’existe nulle par ailleurs, et interroge sur son intérêt.

Officiellement, le discours est rodé : « Unu rend l’e-mobilité plus abordable et plus fiable avec un nouveau modèle de tarification intégrant un abonnement aux batteries », peut-on lire dans le communiqué de presse que Numerama a reçu le 31 mars 2022.

Au-delà des termes ampoulés, la nouvelle stratégie de la marque allemande de scooters électriques pose toutefois de nombreuses questions. Unu opère en fait un énorme changement, en baissant de 900 euros le prix de ses scooters électriques, mais en compensant cette apparente réduction avec un tout nouveau système. Et ce nouveau fonctionnement n’est pas facile à comprendre.

Vous serez propriétaire de votre scooter, mais pas de sa batterie

En résumé, Unu invente un combo : l’achat d’un scooter associé à la location obligatoire de sa batterie. Techniquement donc, le client sera propriétaire de son scooter électrique, mais pas de la batterie qu’il y a à l’intérieur. Or, comme veut la réplique culte, un scooter électrique sans sa batterie, cela risquerait de marcher beaucoup moins bien.

Interrogé par Numerama, Unu France a apporté des précisions sur le processus : « On achète son scooter sur le site, en choisissant les fonctionnalités, et on souscrit à l’abonnement en ligne. La (ou les) batterie(s) est livrée avec le scooter et est automatiquement déjà définie comme active. Ce n’est que si l’abonnement à la batterie n’est pas payé que la batterie sera désactivée. »

Au niveau des tarifs de location, il faut s’armer de courage pour comprendre les différentes propositions. Nous les avons résumées dans un tableau.

Une batterieDeux batteries
Engagement fixe (36 mois)39€/mois69€/mois
Engagement flexible60€/mois105€/mois

Aujourd’hui, les scooters Unu sont vendus cher, trop cher pour le marché actuel. C’est ce que nous avions expliqué dans notre test complet du nouvel Unu 2021 dans notre rubrique Vroom : le style du véhicule au-dessus du reste, ainsi que son tableau de bord et ses finitions, mais la concurrence est féroce. Début 2022, il est difficile de convaincre le public de mettre 4 000 euros dans un scooter électrique qui ne dépasse pas les 45 km/h, alors que certains se vendent moitié prix (même avec de moindres performances).

L’autonomie du scooter Unu est faible : avec une seule batterie, on tient environ 40 km. Actuellement pour avoir une deuxième batterie et monter à 80 km, il faut ajouter 790 euros à la facture. Cela signifie que pour avoir une autonomie intéressante, le ou la propriétaire devra désormais débourser 70 euros par mois d’abonnement, pour avoir le droit… d’utiliser le scooter dont ils sont propriétaires.

Scooter Unu // Source : Louise Audry pour Numerama
La batterie d’un scooter Unu. // Source : Louise Audry pour Numerama

Louer sa batterie demain coûtera plus cher que tout acheter aujourd’hui

Selon nos calculs, l’engagement fixe est même désavantageux d’un point de vue tarifaire. Aujourd’hui (avant le changement prévu pour mi-avril), on peut acheter un scooter Unu 3000W avec une batterie pour la somme de 3 300 euros.

Demain, il sera vendu seulement 2 400 euros. Mais quand on ajoute l’abonnement obligatoire pour louer la batterie, à 39 euros par mois pendant 3 ans, ce sont 1 400 euros qui s’ajoutent à la facture au bout des 36 mois. Le scooter 3000W à seulement une batterie coûtera ainsi 3 800 euros, soit 500 euros de plus qu’actuellement.

Unu justifie le passage à la location de batterie par le fait de proposer des deux-roues moins chers à l’achat (et c’est le cas), et met en avant son système de remplacement de batterie en cas de baisse de ses capacités. « La fiabilité de la batterie est essentielle pour une bonne expérience de conduite, et pour une plus grande adoption de l’e-mobilité. Cela n’est possible qu’en gardant le contrôle sur les batteries pour les changer quand c’est nécessaire, et réutiliser ou les recycler correctement », nous explique une porte-parole. Si la batterie tombe sous la limite des 75 % de performances garanties (le nombre de kilomètres garantis par recharge pleine), Unu s’engage à la remplacer.

Cependant, il serait vraiment improbable qu’une batterie se détériore si vite — ou alors, il s’agirait d’un aveu d’échec de Unu, sous-entendant que ses batteries ne tiendraient pas trois ans (Unu n’a pas partagé de données concernant le nombre de cycles de recharges pris en compte).

L’avantage du remplacement de batterie en cas de problème reste ainsi minime, par rapport aux contraintes d’une location de batterie (d’autant plus avec un engagement sur le long terme) : ne pas être propriétaires à 100 % de son véhicule et sa batterie, devoir convaincre un futur acquéreur de reprendre la location en cas de vente, et le prix, qui finit par être plus élevé à terme…

Deux nouveaux scooters Unu // Source : Unu
Deux nouveaux scooters Unu. // Source : Unu

Unu est en transition

Il est certes toujours possible d’opter pour un abonnement dit « flexible » (pour résilier son abonnement d’un mois à l’autre), mais les tarifs de l’abonnement sont beaucoup plus élevés. Et au moment de la résiliation, il ne vous reste tout de même rien d’autre qu’un scooter… sans batterie.

« Unu pense que la batterie en tant que service est l’avenir et, à un moment donné, proposera probablement uniquement l’option d’abonnement à la batterie. Cependant, la transition vers un tel modèle sera longue et c’est pourquoi l’option de vente reste ouverte pour le moment », nous précise quand même la marque.

L’analyse la plus raisonnable serait de considérer le fait qu’Unu est une entreprise en transition, qui cherche sa place sur un marché compliqué. Les deux-roues électriques sont de plus en plus présents dans les rues des grandes villes, mais les limites technologiques restent importantes — comme l’autonomie, mais aussi la difficulté de changement d’une batterie et des branchements.

Il est probable qu’à terme, Unu tente de pivoter totalement vers une société de location de scooters électriques à la ZeWay. Un tel changement de position pourrait être bénéfique pour la marque berlinoise (qui importe ses pièces de Chine), si on considère le fait qu’elle produit les scooters les plus cools du marché, et que son système de batterie amovible est sans aucun doute le plus pratique qui existe.

Actuellement toutefois, la firme semble encore avoir besoin d’engranger des liquidités, après avoir passé deux années compliquées dues à une pandémie mondiale. D’où une situation d’entre-deux assez peu confortable, avec une proposition hybride entre la vente et la location que Numerama ne pourrait, pour l’instant, recommander aux potentiels clients.


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