Le marché des voitures électriques est en croissance constante, mais certains modèles peinent à séduire, quand ils ne se ratent pas complètement. Erreurs stratégiques, mauvais arbitrages techniques ou design paresseux : voici comment rater sa voiture branchée à coup sûr.

Si certaines voitures électriques cartonnent depuis des années, jusqu’à parfois devenir le véhicule le plus vendu au monde toutes catégories confondues, force est de constater que certains modèles ne voient jamais leurs ventes décoller. En creusant un peu le sujet, on se rend vite compte que l’échec est bel et bien souvent mérité.

On va donc tenter de décortiquer ce qu’il faut pour s’assurer un flop en annonçant une nouvelle voiture électrique, avec quelques modèles malheureusement connus pour leurs ventes catastrophiques en exemple. Prix trop élevé, voiture électrique qui est une thermique refoulée, interface au goût douteux, ou encore des prestations dignes d’un modèle de 2012 sont autant de facteurs que l’on peut retrouver sur la plupart des électriques qui ne trouvent pas preneur en 2025.

À l’aube d’une transformation majeure du parc automobile en Europe, comment font certains constructeurs pour encore se rater sur les voitures électriques ? Comment les bonnes idées des autres peuvent-elles être oubliées de la part de certaines marques ? Faire flopper une voiture électrique est un art que quelques uns maîtrisent à la perfection en 2025 : voyons leur secret.

Une voiture trop chère pour bien commencer

Le nerf de la guerre pour une voiture électrique est, comme bien souvent, son prix.

Mettre un tarif trop élevé, c’est l’assurance de rebuter une majorité de clients qui préfèreront aller voir ailleurs. De là à imaginer un sabotage de la part de quelques constructeurs pour mettre en valeur d’autres modèles, il y a un pas que l’on ne va pas franchir.

Le fait est que lorsque les leaders du marché arrivent à proposer une voiture excellente pour un tarif quasiment égal à un nouvel arrivant qui bâcle sa proposition, on est en droit de se demander le vrai but de la manœuvre.

Parmi les exemples marquants de ces dernières années, on retrouve la Honda e à plus de 35 000 euros lorsqu’elle était en face d’une Tesla Model 3 à un tarif similaire, ou encore la Mazda MX-30, elle aussi bien trop chère pour une si mauvaise voiture.

Honda e // Source : Maxime Claudel pour Numerama
Honda e // Source : Maxime Claudel pour Numerama

Si vous imaginez que les exemples de Mazda et Honda sont des erreurs de jeunesse avec la première voiture électrique de la marque, détrompez-vous : malgré le carton planétaire de la Leaf première du nom, Nissan n’a pas su capitaliser sur ce succès et s’est trompé de positionnement tarifaire avec l’Ariya, qui promettait pourtant beaucoup à son annonce.

L’électrique n’excuse pas tout, et il est utopique en 2025 d’imaginer les clients potentiels accepter une voiture bien trop chère uniquement parce qu’elle est roule grâce à sa batterie. Les modèles à succès montrent que l’entrée de gamme reste ce qui rafle la mise (les Tesla les plus populaires sont les moins chères), et lorsque l’on voit des modèles avec beaucoup d’options tenter de justifier un prix exorbitant, c’est mauvais signe.

Malheureusement pour les constructeurs comme pour les clients, il est vrai qu’une voiture électrique coûte encore aujourd’hui plus cher à produire qu’un équivalent thermique. La bonne idée n’est-elle donc pas de mutualiser les plateformes pour proposer une électrique calquée sur la version thermique du même véhicule ?

Une plateforme thermique à peine adaptée

L’idée est tellement alléchante que les constructeurs historiques usent et abusent de cette technique : réutiliser les mêmes lignes de production pour plusieurs motorisations. C’est ainsi que l’on retrouve par exemple des Peugeot 208 thermiques, hybrides et électriques, des Citroën C3, ou encore des Renault Kangoo avec plusieurs motorisations disponibles.

Ce genre de véhicules est plus fait pour contenter le conseil d’administration des entreprises que des clients éventuels, puisque ce ne sont que trop rarement de « bonnes » voitures électriques. En effet, une plateforme multi-énergie implique toujours un compromis technique qui n’est pas en la faveur de l’électrique.

Que ce soit en terme de poids, de consommation, d’espace à bord ou encore d’agrément de conduite, tout est pensé non pas pour ravir le conducteur électrique, mais bel et bien pour limiter les différences entre les versions, et ainsi ne pas avoir trop d’adaptation à faire pour proposer un véhicule 100 % électrique.

Prenons l’exemple du frunk, ce coffre avant qui permet de maximiser le volume de chargement sans compromettre l’espace à bord : il est ridiculement petit, quand il n’est pas absent, de la plupart des modèles utilisant une plateforme partagée entre différentes motorisations. La raison est simple : sous le capot de la version thermique, il n’y a pas de place pour un tel coffre, et l’optimisation de l’emplacement des composants sur la version électrique n’a pas été faite pour permettre d’en avoir un. Tout simplement.

Pas de place pour un frunk sur la R5 // Source : Raphaelle Baut
Pas de place pour un frunk sur la R5 // Source : Raphaelle Baut

Au niveau de l’efficience, c’est-à-dire la manière de maximiser l’autonomie en fonction de la taille de la batterie, c’est là aussi un compromis dangereux que de mutualiser les motorisations. En effet, si l’on oublie le plancher plat pour laisser place à une batterie conséquente et l’aérodynamique à travailler pour minimiser la consommation à haute vitesse, on se retrouve avec une voiture électrique qui a une trop petite batterie par rapport à des pures électriques du même segment. Mais surtout, une voiture électrique incapable de tailler la route à haute vitesse, dont l’autonomie se retrouve presque divisée par deux par rapport à la promesse du WLTP.

On pourrait également citer la charge rapide qui est reléguée bien loin dans la liste des priorités des plateformes mutualisées (une Xpeng G6 charge par exemple 50 % plus rapidement qu’une Peugeot e-3008 ou e-5008), montrant qu’il y a encore beaucoup de progrès à faire pour proposer une vraie voiture électrique qui donne envie.

Une vraie voiture électrique n’est pas une thermique refoulée

Ne pas assumer que la voiture proposée est 100 % électrique est encore une technique trop utilisée par la plupart des acteurs du marché. Reconnaître une version électrique d’une thermique est parfois mission impossible, participant au flou artistique qui rend confus les acheteurs potentiels. Lorsque le design est calqué sur la version thermique, on retrouve un sentiment de voiture plus classique, moins désirable et absolument pas identifiable : c’est important qu’une voiture électrique reste électrique à l’intérieur comme à l’extérieur.

Sans un distingo clair entre les différents modèles, comment ne pas donner raison à l’adage si célèbre chez les thermo-mobilistes « c’est la même voiture, mais en plus cher » ? Les concessionnaires peinent d’ailleurs parfois à différencier les motorisations, puisqu’ils conservent souvent les plans de révision calqués sur les versions thermiques, qui sont évidemment bien moins pertinents sur une voiture électrique.

Oublions les changements d’huile moteur, les vidanges et autres spécificités des moteurs à explosions, et prenons l’exemple des bons élèves de l’électrique qui savent que les voitures roulent sans entretien pendant des centaines de milliers de kilomètres.

Source : Frandroid
Le levier de vitesse et le frein à main d’une Renault Twingo électrique // Source : Frandroid

Enfin, comment ne pas parler du fait que les constructeurs semblent souvent diriger leurs nouvelles voitures électriques vers des conducteurs de véhicules thermiques ? Lorsqu’il n’y a pas de conduite à une pédale, qu’il faut utiliser une clé ou un bouton spécifique pour démarrer, ou bien que l’on retrouve un frein à main et un levier de vitesse entre les deux sièges avant, on peut considérer qu’il y a un manque de clairvoyance sur ce que devrait être une bonne voiture électrique. Comme si les habitudes les plus pénibles de la voiture thermique devaient entrer dans le cahier des charges !

En bref, la recette d’une mauvaise voiture électrique

  • Prenez un tarif trop élevé par rapport à la concurrence ou obligez à prendre des options hors de prix
  • Mélangez-le avec une plateforme thermique mal adaptée à l’électrique
  • Conseil du chef : prenez soin de garder tous les défauts inhérents aux véhicules thermiques (pas de frunk, pas d’adaptation de l’habitacle, aérodynamique moyenne…)
  • Ajoutez une pincée de charge pas trop rapide (il faut éviter à votre voiture les trajets longs à grande vitesse, elle pourrait être trop désirable si elle était polyvalente)
  • Laissez reposer quelques minutes, le temps de voir apparaître des éléments inutiles (boîte de vitesse, frein à main, bouton pour démarrer et éteindre le véhicule…)
  • Pour varier : n’ajoutez pas d’infodivertissement dédié à l’électrique et surtout pas de planificateur de trajet incluant les arrêts de charge !
  • Servez chaud, en concession automobile
  • Votre flop est prêt !
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