Les utilisateurs parisiens de Lime ont reçu une offre particulière : des minutes de conduite offertes sur présentation d’une confirmation d’inscription aux élections électorales. Si elle n’est pas illégale, la pratique interroge, à quelques semaines de la tenue d’un important référendum à Paris.

C’est un message étonnant qu’a reçu, le 27 février 2023, le militant et activiste Elliot Lepers, également utilisateur de Lime. Le service de location de trottinettes électriques lui propose de gagner 10 minutes d’utilisation gratuites en échange d’un petit document : une preuve d’inscription sur les listes électorales de Paris.

« S’enregistrer pour voter peut avoir l’air compliqué, mais c’est en fait assez simple », peut-on lire dans le message. « Prouvez que vous êtes enregistrés et gagnez 10 minutes de ride gratuites ». Elliot Lepers s’insurge, et son message est bientôt repris sur Twitter par David Belliard, l’adjoint à la ville de Paris en charge des transports, qui publie à son tour un message sur Twitter : « Proposer d’acheter des électeurs, c’est franchement pas joli joli ! »

L’offre de Lime ne sort pas de nulle part. Le 2 avril, les Parisiennes et Parisiens sont appelés à participer à un référendum citoyen pour décider de l’avenir des trottinettes électriques en libre-service dans la capitale. Un enjeu de taille pour Lime, un des leaders du secteur — et l’un des trois acteurs encore autorisés à opérer dans la capitale.

Une pratique légale

Sur Twitter, les réactions suite aux messages d’Elliot Lepers et de David Belliard ne se sont pas faites attendre : nombreux sont ceux qui se sont interrogées sur la légalité de la pratique (particulièrement eu égard à l’article L106 du Code électoral sur l’achat de votes).

Une capture d'écran du mail envoyé par Lime // Source : Capture d'écran Numerama
Une capture d’écran du mail envoyé par Lime // Source : Capture d’écran Numerama

Il n’y a cependant rien d’illégal dans ce que fait Lime, explique David Belliard, joint au téléphone par Numerama. « On n’est pas dans un cadre électoral strict, puisque c’est une votation citoyenne, donc il y a une liberté dans l’organisation et dans la manière de faire la campagne », indique-t-il. Cependant, il y a tout de même une question éthique dans les pratiques de l’entreprise, qui peuvent être « discutables ».

« Le mail qui a été envoyé, c’est une démarche qui n’est pas citoyenne », insiste David Belliard. « Leur démarche, c’est juste de dire : ‘préserver votre confort et votre capacité à consommer’, alors que la question qui est posée, elle est d’ordre plus global : ‘st-ce que ce service est bon pour la collectivité ?’, et ce mail montre bien que Lime n’a pas saisi la portée citoyenne de la question qui est posée

Contacté par Numerama, Lime a déclaré que « l’opération « minutes gratuites » a un objectif : encourager les Parisiens à s’inscrire sur les listes électorales en vue de la votation du 2 avril. En effet, dans le cadre de cette consultation, la date limite d’inscription sur les listes électorales a été arbitrairement fixée par la Ville au 3 mars, un délai extrêmement court. Dès lors, notre opération vise à faire en sorte qu’un maximum de Parisiens puissent avoir voix au chapitre dans le cadre de cette consultation

La communication de Lime sur le référendum

En soi, il n’est pas illogique que l’entreprise de trottinettes électriques tente de faire voter celles et ceux qui l’utilisent.

L’entreprise insiste également sur la légalité de la pratique : « La votation n’est régie par aucun texte de loi, si ce n’est les modalités fixées unilatéralement par la Mairie de Paris. Par le passé, Lime a régulièrement encouragé les Français à se rendre aux urnes par le biais d’opérations similaires. C’était notamment le cas lors des élections présidentielles et législatives de 2022. »

Des trottinettes électriques Lime // Source : Vince Jacob / Unsplash
Des trottinettes électriques Lime // Source : Vince Jacob / Unsplash

Numerama a pu consulter 4 mails envoyés en février par Lime à ses utilisateurs et portant sur le référendum, dont celui promettant les 10 minutes d’utilisation gratuite. Le 1er, reçu le 4 février, rappelait aux utilisateurs la tenue du référendum et leur conseillait de s’assurer qu’ils étaient bien enregistrés sur les listes électorales.

Le 2e, envoyé le 18 février, annonçait que « le compte à rebours pour sauver les trottinettes électriques à Paris commence maintenant ! », et contenait un petit sondage à remplir sur les intentions de vote. Enfin, le 3e mail, reçu le 24 février, résonnait comme un message d’avertissement. « Rassure-toi, ce n’est pas une révolution, juste un simple rappel de ce qui t’attend si tu ne donnes pas ta voix : pas de voix ? Pas de vote. Pas de vote ? Pas de trottinette. Pas de trottinette ? Plus de trottinettes. Et il ne faudrait pas venir pleurnicher quand au 47ème jour de grève des transports, tu n’auras plus que tes pieds pour battre le pavé. »

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