Une enquête du magazine américain Wired montre que certains streameurs font la promotion de sites de paris interdits aux États-Unis, et qu’ils se font payer pour le faire. La popularité de ces casino crypto explose sur Twitch, où les mineurs peuvent avoir accès à ces streams.

Des tables de poker et de blackjack, des machines à sous, et des jeux de roulettes : sur Stake.com et de nombreux autres sites similaires, on retrouve tous les jeux traditionnels des casinos. Avec cependant une différence majeure : ici, tous les paris se font en cryptomonnaie.

Ces casinos crypto connaissent une popularité croissante sur Twitch. Très simples d’utilisation, ils permettent d’acheter rapidement et sans trop de difficultés de petites sommes de cryptomonnaie, le tout sans passer par les vérifications d’identité parfois nécessaires pour ouvrir un portefeuille de cryptos. Et pendant des heures, des streamers comptant plusieurs centaines de milliers d’abonnés — voire des millions — jouent inlassablement aux machines à sous, perdant des sommes importantes de cryptomonnaies en parfois quelques minutes.

Or, ces casinos sont illégaux aux États-Unis — ils ne possèdent pas non plus de licence en France — et certains streameurs sont payés par ces casinos, ce qu’ils ne précisent pas à leur audience.

De l'équipement pour streamer // Source : Maik Jonietz / Unsplash

De l'équipement pour streamer

Source : Maik Jonietz / Unsplash

Populaires sur Twitch

C’est le magazine américain Wired, qui a réalisé une enquête sur le sujet, qui révèle les chiffres et le succès de ces casinos cryptos sur Twitch. Wired explique que « 64 des 1 000 streameurs les plus populaires de Twitch ont déjà joué à des machines à sous sur des casinos crypto, ou ont été en partenariats avec ces sites ».

Le magazine explique que la mode de ces casinos crypto a commencé à décoller entre le mois d’avril et de mai 2021, avec des streams visionnés par plus de 100 000 personnes en live. Surtout, « beaucoup de ces streameurs sont des Twitch Partners », note Wired, ce qui signifie qu’ils peuvent gagner plus d’argent sur la plateforme que les autres utilisateurs, et qu’ils sont mieux mis en avant. Les Twitch Partners sont considérés comme « les meilleurs », explique Wired, et ils ont très souvent une influence considérable sur leur communauté.

Wired rapporte notamment le cas de Tyler Niknam, qui stream sous le nom de Trainwrecks, compte plus de 1,5 million d’abonnés sur Twitch, et joue parfois pendant une dizaine d’heures d’affilée aux machines à sous de casinos crypto devant plus de 25 000 personnes en live. Comme l’explique Wired, jouer devant tant de personnes pendant aussi longtemps peut être assimilé à de « la promotion de site de paris illégaux », un crime passible de prison dans plusieurs états américains. Tant et si bien qu’il y a un mois, Tyler Niknam a choisi de s’installer au Canada pour pouvoir continuer à streamer ses journées passées à jouer aux machines à sous.

Des sites basés à Curaçao et Malte

Plus ou moins kitsh dans leur déco, les casinos cryptos se ressemblent tous sur leur fonctionnement, a pu constater Numerama. Ils ne font pas de vérification d’âge, et proposent d’acheter de la cryptomonnaie très facilement en passant par des intermédiaires. Une fois votre portemonnaie rempli, vous pourrez, au choix, parier sur des jetés de dés, ou encore assister à des parties de roulettes « en direct ». Une variété impressionnante de jeux est proposée, que ce soit des machines à sous sur le thème du Far West ou de la mythologie égyptienne; ou des parties de blackjack contre un ordinateur.

Il est également possible de faire des paris sportifs sur certains de ces casinos, dont Stake.com. De très nombreux sports sont disponibles : en plus de faire des paris sur les prochains matchs de l’Utimate Fighting Championship aux États-Unis, les utilisateurs peuvent aussi miser sur des équipes d’esport, ou sur des matchs de tennis.

Les jeux proposés par un le crypto casino « Comte de Monte Crypto » // Source : Capture d'écran Numerama

Les jeux proposés par un le crypto casino « Comte de Monte Crypto »

Source : Capture d'écran Numerama

La plupart de ces casinos crypto sont basés à Curaçao, une île des Antilles néerlandaises connue pour dispenser des licences pour des sites de jeux d’argent en ligne, ou bien à Chypre ou Malte. Seulement, si ces sites sont bien licenciés et qu’ils respectent les régulations néerlandaises ou chypriotes, ils restent interdits dans beaucoup de pays — ce qu’ils ne précisent guère sur leur site.

Certains casinos affichent bien un message indiquant que le site n’est pas « disponible dans votre juridiction », mais comme le montre Wired, cet obstacle est très facilement contourné en utilisant un VPN. L’utilisation d’un tel site aux États-Unis est déjà illégale, tout comme le fait d’y jouer devant un public de plusieurs milliers de personnes. Mais le plus problématique, c’est que les streameurs cachent leurs partenariats rémunérés avec ces sites.

Des partenariats cachés

Un de ces casinos crypto, Duelbits, aurait offert entre 1,4 et 1,6 million de dollars par mois à Adin Ross (plus de 4,5 millions d’abonnés sur Twitch) pour qu’il se filme en train de jouer aux machines à sous du site, a découvert Wired. Surtout, le streameur Matthew Rinaudo a reconnu lors d’un live sur sa chaîne Twitch en juin qu’il avait été payé 35 000 dollars de l’heure pour jouer, et que le casino avait automatiquement rempli son compte de cryptomonnaie. « Je ne jouais pas avec mon argent », a-t-il confirmé, ce qu’il n’avait pas précisé à ses fans à l’époque.

Lors des lives en question, perdre de l’argent n’était pas perçu comme quelque chose de grave, explique Wired, dont la journaliste a pu voir un streameur perdre 15 000 dollars en quelques minutes sans broncher. Mais un tel comportement pourrait être bien plus dangereux pour les fans des streameurs, qui, eux, jouent avec leur propre argent. Surtout que la catégorie Twitch dédiée aux paris, « jeux de hasard », n’est pas interdite aux moins de 18 ans. A noter que les diffusions de jeux de casino ne sont pas spécifiquement interdites par les conditions d’utilisation de Twitch mais que celles-ci proscrivent que les streameurs s’adonnent à des activités illégales.

Une des machines à sous disponibles sur un casino en ligne // Source : Capture d'écran Numerama

Une des machines à sous disponibles sur un casino en ligne

Source : Capture d'écran Numerama

En France aussi les streams casino arrivent

Si la plupart des lives sur les casinos crypto sont pour l’instant réalisés par des streameurs américains, il semble que la tendance arrive petit à petit en France. Numerama a pu voir que certains streameurs diffusaient leurs parties sur des machines à sous virtuelles et dans des casinos virtuels, qu’ils utilisent des crypto ou non. Certains de ces streams avaient plusieurs milliers de spectateurs, et affichait dans leurs descriptions des offres promotionnels.

Cette activité est pourtant interdite dans le pays. Contactée par Numerama, l’Autorité Nationale des Jeux nous a confirmé que « les sites de casinos en ligne (utilisant la crypto monnaie ou non) sont illégaux en France. Leur promotion est illégale » [seuls quelques rares sites de paris sportifs et de jeux de cercle sont agréés, ndlr]. Twitch, que nous avons interrogé à propos de la diffusion de streams de casino en ligne, ne nous a pas encore répondu.

Le problème réside également dans le fait que ces sites, qui ne sont pas autorisés à exercer en France, soient tout de même très faciles d’accès. Numerama a ainsi pu visiter sans problème et sans VPN de nombreux sites de casinos en ligne. Et bien que ces sites s’affichent automatiquement en français, ils ne diffusent jamais un message d’avertissement pour expliquer que le service est normalement interdit. Il faut fouiller sur les sites pour trouver leurs licences, et voir qu’ils ne devraient pas exercer en France.

Vous avez vu des streams lors desquels certains influenceurs ont fait la publicité de casinos en ligne, ou de casinos cryptos ? Vous avez perdu de l’argent après avoir été incité·e à jouer ? Votre témoignage nous intéresse. Écrivez-nous à [email protected] ou à [email protected].


Abonnez-vous à Numerama sur Google News pour ne manquer aucune info !