« Les drones peuvent nous exciter, mais ce n’est pas un enjeu vital. » Le chef d’état-major des armées françaises Fabien Mandon s’est montré circonspect vis-à-vis du projet de mur anti-drones. Il y a d’autres problèmes plus critiques posés par la Russie, a-t-il laissé entendre.

C’était l’une des grandes annonces d’Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, fin septembre. Face aux incursions de certains drones russes, il a été proposé de muscler encore plus la défense du Vieux Continent en érigeant un « mur anti-drones ». Un projet que l’intéressée avait déjà esquissé dans son discours sur l’état de l’Union.

Cette nouvelle initiative vient après la détection de drones ayant franchi les frontières des pays membres de l’UE. Officiellement, Moscou clame le dysfonctionnement de l’engin ou l’erreur de pilotage. Mais pour beaucoup, ce serait surtout une manière pour le Kremlin de tester la réaction de l’UE et l’OTAN et de maintenir une tension permanente.

carte Une Ukraine
Carte montrant les trajectoires des missiles et des drones russes tirés sur l’Ukraine le 10 septembre, dont certains ont franchi les frontières polonaises. // Source : Monitor War

Dictature de la géographie oblige, des pays frontaliers de la Russie y sont très favorables, du fait de leur proximité immédiate avec un État jugé hostile — comme la Pologne, la Finlande et les trois pays baltes. Le Danemark y est aussi sensible, alors que des survols de drones suspects ont également été remarqués (là encore, la Russie fait figure de suspect n°1).

Mais, ailleurs sur le continent, la piste du mur anti-drones est observée avec un peu plus de circonspection. C’est en tout cas vrai en France : à l’occasion de son audition le 22 octobre 2025 devant les membres de la commission de la défense nationale et des forces armées, à l’Assemblée nationale, le général d’armée aérienne Fabien Mandon s’est montré très critique.

« Il est nocif de laisser penser à nos concitoyens qu’il existe un bouclier parfait »

Celui qui est devenu chef d’état-major des armées le 1er septembre, à la place de Thierry Burkhard, considère que le concept de mur anti-drones a deux problèmes : il confère un faux sentiment de sécurité à la population, et il va détourner des ressources et de l’argent pour des menaces à la gravité relative, alors qu’il existe d’autres périls plus critiques.

« Il est nocif de laisser penser à nos concitoyens qu’il existe un bouclier parfait », a-t-il expliqué aux députés. « Les drones peuvent nous exciter, mais ce n’est pas un enjeu vital pour notre société. […] Miser de l’argent sur une espèce de mur anti-drones, c’est perdre de l’argent. C’est effectivement faire la ligne Maginot au 21e siècle. On aurait raté un épisode. »

Aujourd’hui, plusieurs parades sont en cours de développement, a relevé le nouveau CEMA. S’il n’est pas rentré dans le détail, on peut en faire une liste grossière : drones d’interception, brouilleurs, canons automatiques, rayons laser, roquettes à guidage laser — avec des équipements au sol ou bien qui sont embarqués dans des avions ou des hélicoptères.

L’objectif théorique est de parvenir à un mur infranchissable qui utilise des moyens dont le coût n’est pas bien plus élevé que les cibles qui doivent être détruites. Or, jusqu’à présent, un décalage important a pu être observé sur ce terrain : des drones d’à peine quelques (dizaines) de milliers de dollars se font pulvériser par des missiles qui en coûtent des millions.

Skyshield, une piste à mi-chemin entre le bouclier et l’épée

Si le mur anti-drones ne verrait, au mieux, le jour que dans quelques années, le général d’armée aérienne a prévenu que cela ne règlera pas le problème de fond que pose la Russie sur la sécurité collective.

« Les puissances dont j’ai pu parler dans mon propos introductif [dont la Russie, NDLR] ont autre chose que des drones dans leur arsenal pour venir poser un problème à notre société », a-t-il glissé. De la guerre hybride à la désinformation, en passant par le cyber, les moyens conventionnels ou les capacités duales, l’éventail des menaces est large.

Source : Montage Numerama
Face aux drones russes se baladant en Pologne, des chasseurs F-35 sont entrés en action. // Source : Montage Numerama

Dans les cercles de réflexion militaire, cette idée de mur anti-drones est un peu le reflet de la pensée et du caractère de l’Allemagne sur la défense. Ce que Stéphane Audrand, consultant en risques internationaux, résumait ainsi sur X (ex-Twitter), dans un fil discutant de l’incursion des drones russes en Pologne, mi-septembre :

« La réaction d’Ursula von der Leyen qui promet un mur de drones défensif est typique de l’ethos militaire germanique […]. Un ethos qu’on peut résumer par ‘des boucliers partout, jamais d’épée’. Le fantasme technophile est celui d’une Europe qui parviendrait à se doter d’une défense aérienne ‘100% efficace’ contre toute agression, et qui, de ce fait, ‘découragerait’ les agressions. »

Une solution intermédiaire, à mi-chemin entre l’épée et le bouclier, pourrait pourtant être envisagée : celle de Skyshield. Cela consisterait à intercepter les drones russes beaucoup plus en amont du territoire de l’Union, c’est-à-dire directement au-dessus de l’Ukraine. Mais cela voudrait dire adopter une posture plus active et offensive, et assumer le rapport de force.

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