Tout est faux sur Internet, mêmes les performances sur Strava. Voilà de quelle façon un internaute, Pedro Duarte, a résumé l’arrivée d’un nouveau site web dont l’intitulé ne laisse aucun doute sur ses intentions : il s’agit de FakeMy.Run, un nom de domaine que l’on pourrait traduire par « Fais semblant me de faire courir » ou « Simule ma course ».
Inventez-vous une vie de sportif
Le principe ? Sur la plateforme, vous composez votre parcours sur une carte, en plaçant des points de passage aux endroits désirés. Petit raffinement notable : il est possible de demander au service d’aligner le tracé selon la physionomie des routes et des sentiers — ce qui vous évitera des trajets passant à travers des bâtiments, par exemple.

Outre l’aspect général du chemin, le site web propose de renseigner une localisation particulière (si vous voulez faire croire que vous avez couru à Londres, New York, Brisbane ou n’importe où sur la planète) ainsi que le tempo de votre course (si vous voulez faire croire que vous avez une foulée digne de Eliud Kipchoge).
Une fois ces paramètres définis, vous pouvez aussi donner un nom à votre course, fixer une date et un horaire de début ainsi qu’une description. Pas besoin de vous préoccuper du dénivelé : l’application en tient compte selon le cheminement de votre run. Idem pour la durée, qui dépendra de votre (faux) rythme. FakeMy.Run marche aussi pour une sortie à vélo.
Pratique, par exemple, si vous avez vu que l’un de vos collègues a réussi à terminer un ultra-trail de presque 160 kilomètres (!) en un peu plus de 18 heures, et que vous voulez faire croire que vous avez fait mieux. Bien sûr, la supercherie risque de ne pas tenir longtemps si vous inventez un run aux caractéristiques invraisemblables…

Un service payant, qui illustre une évolution chez certains coureurs
Reste une limite à FakeMy.Run qui rebutera peut-être les joggeurs et les joggeuses : générer un faux itinéraire (qu’il faudra ensuite télécharger puis envoyer à son application de suivi de course à pied — Strave et Runkeeper sont supportés) est payant. Cela coûte un token et l’achat de cinq tokens se fait pour trois euros.
Arthur Bouffard, le concepteur de FakeMy.Run, s’est fendu d’un message sur X (ex-Twitter) pour expliquer les raisons l’ayant poussé à lancer ce service. Il s’agit, explique-t-il, d’une manière de dénoncer « le changement de culture autour de la course à pied » et qu’il « ne faut pas se fier à ce qu’on voit sur Internet », y compris pour une activité aussi banale que courir.
« Chaque activité peut devenir une story Instagram, chaque marathon une vidéo TikTok. Et les applications de course à pied sont la colonne vertébrale, la preuve irréfutable de ces exploits. Comme sur les réseaux sociaux, les publications sur la course à pied peuvent être falsifiées. C’est en partie pour cela que j’ai créé Fake My Run », explique-t-il.

Si ça n’est pas sur Strava, ça n’existe pas. Et si c’est sur Strava, c’est peut-être faux
Le changement auquel fait référence l’auteur du site est relativement connu du monde de la course. Comme le montrait L’Équipe en février 2025, des coureurs préfèrent payer d’autres athlètes pour qu’ils fassent l’effort à leur place, en emportant leur montre connectée, afin d’enregistrer pour eux une performance Strava.
Cette approche consistant à mobilier d’autres personnes est artisanale et nécessite de débourser quelques (dizaines d’) euros. L’émergence de sites comme FakeMy.Run marque l’industrialisation du processus — même si l’auteur du projet se défend de vouloir contribuer à ce phénomène et appelle à une utilisation responsable de la plateforme.
Toujours est-il que tout cela montre à quel point les réseaux sociaux et les sites et applications communautaires sont le théâtre des vanités. Tout est devenu représentation, mise en scène et démonstration — car si ça n’est pas sur Strava, ça n’a pas existé. Jusqu’à l’absurde désormais, on où l’on invente des performances qui n’ont jamais eu lieu.
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