Comme beaucoup de personnes nées dans les années 90, le web a été un élément essentiel de mon adolescence. Je n’étais ni solitaire, ni isolée. J’ai grandi dans une ville de taille moyenne avec tous les divertissements plébiscités par les jeunes de mon âge (un cinéma, un McDo, une Fnac aux employé·es blasé·es qui nous laissaient lire des mangas sans les acheter).
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La découverte du web a quand même été un choc. Soudainement, je n’avais plus besoin d’être dans la même classe que quelqu’un pour devenir son ami·e. Il suffisait d’avoir un intérêt en commun, ou de fréquenter un même espace en ligne (un forum, des Skyblogs – RIP – un chan IRC aux modos blasé·es qui nous laissaient poster des liens pour pirater des animes). Cette réalité a profondément bouleversé mes manières de socialiser et probablement une partie de mon identité. Aurais-je été la même personne sans le web et ses communautés ?
Depuis mes débuts en ligne, les choses ont évidemment changé. Des plateformes sont mortes, d’autres ont émergé. Le numérique est devenu une industrie capable d’influencer tous les aspects de notre vie, quel que soit notre âge, nos origines, ou même notre envie (ou non) de fréquenter ces espaces connectés désormais immenses.
Sauf que ces derniers mois, les bouleversements se sont accélérés. Twitter n’en finit plus d’agoniser. Meta tente de le concurrencer avec Threads, qui est pour le moment surtout envahi de contenus de marques et d’auto-promotion. Reddit affronte la colère de ses modérateurs et modératrices. Tumblr veut se reposer davantage sur la recommandation algorithmique pour élargir son audience, prenant le chemin des autres trous de contenus sans fond qui portent finalement assez mal leur nom de réseaux sociaux. « Où est-ce qu’on doit aller, maintenant ?« , s’interroge à juste titre David Pierce, journaliste pour le média The Verge.
Était-ce vraiment mieux avant ?
J’essaie toujours d’éviter le réflexe du « c’était mieux avant« . Bien sûr, on peut regretter que certains coins du web public soient abandonnés à la désinformation et l’extrême-droite (alors qu’ils ont longtemps profité de la créativité d’internautes marginalisé·es), que d’autres poussent des contenus viraux sans âme ni respect pour les créateurs et créatrices, que presque tous privilégient la profitabilité (une denrée rare dans l’industrie du numérique) à leurs promesses d’origine.
On était censé·es pouvoir discuter de n’importe quoi avec n’importe qui. On se retrouve avec des plateformes qui se sont enrichies sur notre dos et qui n’ont jamais accepté les responsabilités de gérer le principal moyen de communication du monde. Meta a, par exemple, sous-entendu que la modération ne serait pas vraiment sa priorité pour Threads, et qu’il préférait laisser les internautes choisir le type de contenus qui leur convient le mieux (un système qui n’est pas sans intérêt dans la théorie, qui pose des gros problèmes légaux dans la pratique).
Cela étant dit, on peut aussi se dire que pour toutes ces raisons, le vieux web mérite de disparaître. Parce qu’il est en grande partie dominé par des entreprises dont le but final sera toujours la survie financière, parce qu’elles ne pourront (voudront ?) jamais protéger les internautes marginalisé·es, parce que d’autres sociétés entraînent désormais leurs intelligences artificielles sur nos mots et visages que l’on a longtemps partagés en public sans réfléchir aux conséquences, parce que le nombre d’internautes a explosé, et que beaucoup adorent justement consulter des contenus proposés par des algorithmes.
Pour les autres, le modèle communautaire fermé et/ou autogéré est la moins pire des alternatives. Qu’il s’agisse de créer une conversation WhatsApp ou Snap pour son club de lecture, de rejoindre une instance Mastodon ou un serveur Discord dédié à son podcast préféré. Aujourd’hui, c’est dans ce genre d’espaces privés où je passe le plus de temps en ligne. Il est vrai que j’y découvre moins de nouvelles personnes. Mais, ce sont des endroits agréables où échanger avec mes ami·es, la plupart rencontré·es sur le web ces vingt dernières années.
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