Depuis l’annonce des premiers cas de monkeypox mi-mai 2022, propos homophobes et stigmatisation de la communauté gay vont bon train. Les associations craignent un effet délétère sur la prévention et le soin.

« Nous avons reçu des appels pour nous expliquer que nous étions des démons. Et que même si nous avions « dépassé » le Sida, d’autres malédictions devraient encore s’abattre sur les homosexuels », nous a immédiatement répondu le community manager de Stop Homophobie lorsque nous lui avons annoncé que nous travaillions sur cet article.

Punition divine, « nouveau VIH », « maladie des homo »… On en passe, et des pires. Depuis l’annonce des premiers cas de variole du singe (Monkeypox ou MKP) en Europe, les messages homophobes et la stigmatisation des HSH (hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes) vont bon train. En outre, certains médias et institutions ont également pu user de termes et/ou d’images contribuant à faire passer des messages aussi stigmatisants qu’erronés envers la communauté HSH.

Des chiffres, de l’ignorance et de la peur

En cause ? Une réalité épidémiologique : les premiers foyers de variole du singe ont affecté essentiellement des membres de la communauté gay. La peur, l’ignorance et la haine de l’autre faisant, il est confortable pour certaines personnes ignorantes de trouver un bouc-émissaire sur lequel rejeter la faute. Et ceci, même s’il est acquis que cette variole du singe peut affecter toute personne ayant un contact rapproché avec une personne infectée. « On se sent protégé quand on a un bouc-émissaire, quand bien même c’est totalement irrationnel » constate Matthieu Gatipon, porte -parole de l’Inter-LGBT et président de Couleurs Gaies.

Des exemples, parmi d'autres, de commentaires discriminatoires
Des exemples, parmi d’autres, de commentaires discriminatoires // Capture d’écran.

L’appellation erronée « variole du singe » (le singe n’étant pas en cause dans la transmission du virus aux humains par les animaux) et le fait que le virus est habituellement présent en Afrique ont aussi vraisemblablement réveillé les pires raccourcis homophobes et racistes déjà colportés au début de la pandémie de VIH/SIDA.

Alors, dès le 22 mai, l’ONUSIDA a publié un communiqué pour alerter sur « la rhétorique stigmatisante qui met en péril la santé publique » et a exprimé « son inquiétude à l’égard de la rhétorique et des images utilisées dans certains rapports et commentaires publics sur la variole du singe, en particulier sur le portrait dressé des personnes LGBTI et d’origine africaine. » L’ONUSIDA signale en outre que cette « démarche renforce les stéréotypes homophobes et racistes et exacerbe la stigmatisation. »

L’homophobie, un frein à la lutte contre le virus

Outre l’impact direct de l’homophobie sur les personnes concernées qui subissent de multiples agressions symboliques, verbales ou physiques, la stigmatisation en lien avec la variole du singe est un frein à la santé et à la lutte contre la propagation du virus.

« Ce n’est pas parce qu’il existe une réalité statistique qui appelle des réponses ciblées que la stigmatisation et les discriminations sont acceptables. Elles sont même extrêmement délétères sur le plan sanitaire », nous explique Camille Spire, présidente de AIDES. « Chaque remarque homophobe éloigne encore un peu plus les personnes concernées du soin. Elles n’iront pas consulter de crainte d’être à nouveau discriminées.»

De la même manière, le directeur exécutif par intérim de l’ONUSIDA, Matthew Kavanagh, a déclaré de son côté : « L’expérience montre qu’une rhétorique stigmatisante peut rapidement paralyser une riposte fondée sur des données probantes en stimulant des dynamiques de peur, en éloignant les personnes des services de santé, en entravant les efforts pour identifier les cas et en encourageant des mesures punitives inefficaces.» Matthieu Gatipon ajoute que le risque est d’autant plus grand dans les pays où l’homophobie est très vigoureuse — on pourrait à ce titre craindre d’autant plus une multiplication des cas de variole du singe dans des pays européens comme la Pologne, la Hongrie, l’Arménie ou la Turquie.

Camille Spire signale en outre: « L’homophobie et la biphobie liées à la variole du singe éloignent également du soin les personnes hétérosexuelles qui auraient peur d’être assimilées à des HSH si elles étaient positives. » Elle rappelle : « Plus la détection est rapide, moins le virus va se répandre. »

La science contre les discriminations

Alors, que faire pour tenir compte des réalités épidémiologiques sans stigmatiser, tout en œuvrant pour casser les chaînes de contamination ? « Il faut avant tout traiter le sujet de manière scientifique et ne pas se contenter de partager une information uniquement anxiogène qui contient un peu de vrai pour beaucoup de faux », recommande Matthieu Gatipon. Une bonne leçon pour certains médias qui auront pu user d’images telles que des photos de Prides ou de membres de communautés de fétichistes et/ou gaies pour illustrer des articles sur la variole du singe…

En termes de prévention et de réduction des risques, Camille Spire recommande une riposte à la dois communautaire et étatique et se réjouit que celle-ci ne se soit pas faite attendre. En effet, les associations de lutte contre le VIH qui connaissent bien les enjeux de santé publique et/ou LGBTIQ+ n’ont pas tardé à s’emparer du sujet pour délivrer une information solides aux personnes concernées.

« Plus la communication est ciblée, plus elle est précise et efficace » explique ainsi la présidente de AIDES. L’idée est ainsi de privilégier une communication multi-canaux et d’être en mesure de délivrer des réponses adaptées à chacun et chacune. C’est-à-dire, puisque la variole du singe se transmet par le toucher — tout particulièrement par le contact avec les vésicules (les boutons caractéristiques de l’infection) qui sont pleines de virus —, il sera pertinent de cibler les HSH et leurs proches, mais aussi les travailleurs et travailleuses du sexe ainsi que toutes les professions « du toucher » : kinésithérapeutes, ostéopathes, masseurs, esthéticiennes…

« Ce sont des populations qui ont généralement une bonne capacité d’auto-diagnostic et une bonne littéracie en santé » remarque Camille Spire.

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