Inspirez, expirez : la faculté de respirer ainsi à plein poumon n’est pas une évidence biologique. Si vous inventiez une machine à remonter dans le temps, vous ne pourriez jamais vous transporter pendant les 2 premiers milliards d’années de la Terre, à moins de préparer une combinaison et des bonbonnes d’oxygène. Notre planète était bien différente, à commencer par l’air.
Les niveaux terrestres d’oxygène étaient très faibles. Il y avait certes quelques microbes qui, pratiquant la photosynthèse, rejetaient de l’oxygène — mais rien de comparable à aujourd’hui. Et puis tout a basculé. Il y a 2,2 à 2,5 milliards d’années, l’atmosphère s’est rempli assez rapidement en oxygène jusqu’à un équilibre bien plus favorable à la vie.
Cet événement déterminant dans notre histoire commune d’êtres vivants a un nom : Great Oxygenation Event (GOE), ou en français, la Grande Oxygénation — aussi appelée Grande Oxydation. L’événement n’a pas été bénéfique pour certaines espèces anaérobies, pour lesquelles cette hausse en oxygène fut toxique, causant leur extinction. Mais d’autres espèces ont pu se développer, sans compter que tout cet oxygène libre a contribué à la création de la couche d’ozone.
Comment expliquer cet événement ? Bien que cela reste une forme de mystère, l’étude de cette époque a permis d’obtenir de bonnes théories. Les réponses sont régulièrement revisitée, mais on sait que les cyanobactéries sont les premiers organismes à avoir produit de l’oxygène, par la photosynthèse, ce seraient donc elles qui auraient généré la Grande Oxygénation.
Mais voilà qu’une toute nouvelle étude, parue dans Nature Communications le 14 mars 2022, pousse l’hypothèse un peu plus loin en suggérant une sorte de « co-évolution » entre les microbes de type cyanobactéries… et les minéraux. L’événement de Grande Oxygénation serait le résultat à la fois d’innovations biologiques de la part de ces organismes, mais aussi de changements géologiques.
Une nouvelle hypothèse sur la Grande oxygénation
Pour les auteurs de ce papier de recherche, il est clair que le saut dans les niveaux d’oxygène n’a pas pu être causé par une augmentation simplement graduelle. Il faut chercher plutôt une « boucle de rétroaction positive », quelque chose susceptible de provoquer un changement profond et relativement soudain à l’échelle de la vie terrestre.
En développant un modèle mathématique, cette équipe de recherche a pu produire une prédiction : si les microbes n’oxydaient que partiellement la matière organique, lors de la photosynthèse, alors la matière partiellement oxydée deviendrait « collante » chimiquement et se lierait aux minéraux. Cela aurait constitué une sorte de réserve minérale, non consommée par les microbes, et donc libre de s’accumuler dans l’atmosphère, à la matière d’une pompe naturelle.
Mais pour vérifier cette hypothèse, il fallait déterminer si un tel mécanisme pouvait exister chez les microbes d’il y a 2,3 milliards d’années. Pour ce faire, il faut d’abord étudier le présent, puis remonter le fil génétique jusqu’à l’époque que l’on veut comprendre. C’est une enquête phylogénétique, une sorte de généalogie des gènes.
Les auteurs ont donc d’abord réussi à identifier un groupe de microbes qui, de nos jours, n’oxyde que partiellement la matière dans le fond des océans. Ils ont identifié chez eux le gène de l’enzyme responsable de cette oxydation partielle. Et, ce faisant, ils ont pu retrouver des ancêtres à ce gène remontant jusqu’à l’ère géologique étudiée, et ce dans diverses espèces microbiennes.
Les auteurs ont même identifié une intéressante corrélation entre la diversification génétique des espèces procédant à cette oxydation partielle… et l’élévation rapide des niveaux d’oxygène. « Cela soutient notre théorie générale », commentent-ils. Cela signifie que cette théorie est désormais digne d’être approfondie, pas des fouilles de terrain, des reproductions en laboratoire. Le mystère de l’oxygénation de la planète n’est fini pas de mobiliser les scientifiques.
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