Le patron de l’agence spatiale russe tient depuis quelques semaines des propos peu encourageants sur l’avenir de la coopération spatiale avec l’Occident, notamment sur l’ISS. Une vidéo, en particulier, va jusqu’à suggérer qu’il faudra physiquement s’en détacher.

La Station spatiale internationale, future victime collatérale des tensions entre la Russie et l’Occident à cause de la guerre en Ukraine ? Ce scénario semblait invraisemblable avant l’invasion militaire du 24 février 2022. On pouvait penser que tout le monde resterait professionnel, compte tenu du sérieux qu’il convient d’observer pour gérer l’ISS.

Et puis la guerre a éclaté.

Depuis, l’escalade se constate à tous les niveaux : économique, culturel, sportif, financier, diplomatique, politique, militaire et, bien sûr, scientifique. Ainsi, le CNRS a suspendu toutes ses collaborations avec la Russie. Le CERN a aussi pris ses distances. Les fusées Soyouz ne décollent plus de Guyane. Quant à la mission ExoMars 2022, elle est mal embarquée. Comme OneWeb.

Dans la communication aussi, les digues ont l’air de sauter. Dernier exemple en date, la découverte d’une vidéo concoctée par Roscosmos, l’agence spatiale russe, qui met en scène le divorce imaginaire du segment russe de l’ISS avec le segment international. Comme si les modules russes pouvaient se détacher de l’ISS et aller vivre leur vie, loin de la Station spatiale.

« L’agence de presse RIA Novosti, contrôlée par le gouvernement russe, a publié sur Telegram une vidéo réalisée par Roscosmos dans laquelle les cosmonautes disent au revoir à Mark Vande Hei [un astronaute américain, NDLR] sur l’ISS, partent, puis le segment russe se détache du reste de l’ISS. », écrit Nasa Watch sur Twitter le 5 mars.

Pour Nasa Watch, c’est un signe évident que Dmitri Rogozine, le patron de Roscosmos, « menace clairement le programme de l’ISS ». La Station spatiale est le fruit d’une coopération internationale : outre la Russie et les États-Unis, les pays liés par un traité incluent plusieurs nations de l’Union européenne (dont la France), le Canada, le Japon, la Suisse et la Norvège.

Le vaisseau Soyuz MS-18 attaché à l'ISS. // Source : Flickr/CC/Nasa Johnson (photo recadrée)
Le vaisseau Soyuz MS-18 attaché à l’ISS. // Source : Flickr/CC/Nasa Johnson (photo recadrée)

Cette vidéo aux intentions douteuses témoigne de l’escalade verbale entre les parties en présence et peut donner l’impression de servir de défouloir en suggérant que sans la Russie, il est impossible de maintenir durablement l’ISS à la bonne orbite — sous-entendu, l’ISS finirait par chuter quelque part sur Terre. En clair, c’est une mise en garde, pour ne pas dire menace.

Cette sortie étonne, car les agences spatiales tiennent d’ordinaire des propos raisonnables, d’autant qu’elles engagent l’image et la crédibilité des nations qu’elles représentent. C’est la fiabilité à long terme de Roscosmos en tant que partenaire qui peut désormais être interrogée, alors que l’impression générale qui prédominait jusqu’à présent était un partenariat en bonne intelligence.

Précédemment, le même Dmitri Rogozine s’était laissé aller à quelques tweets traduisant un certain agacement, peu après le début du conflit : « Voulez-vous détruire notre coopération avec l’ISS ? […] Peut-être que le président Biden ne le sait pas, alors expliquez-lui que la correction de l’orbite de la station et ses capacités d’évitement des débris spatiaux sont produites exclusivement par les moteurs du cargo russe Progress. »

Il se montrait alors tout aussi menaçant : « Si vous renoncez à cette coopération, qui est-ce qui pourra sauver l’ISS d’une désorbitation incontrôlée, avec un risque de chute sur les États-Unis ou l’Europe? ». Mais c’est peut-être davantage auprès de sa population qu’il s’adressait, pour souligner le rôle de la Russie dans ce projet, au regard de l’usage du russe plutôt que de l’anglais.

Dans le même genre, Dmitri Rogozine publiait le 2 mars un tweet, repris par le site Universe Today, dans lequel il se félicitait de voir la fusée russe repeinte sans les drapeaux de certains pays, à l’initiative de l’équipe de lancement de Baïkonour, disait-il. Étaient concernés, sur la vidéo, le Japon, le Royaume-Uni, les USA, la Corée du Sud. La France, probablement, allait suivre.

Est-ce à dire que l’ISS est vraiment en danger dans l’espace ? Si le ton de la Russie a changé ces dernières semaines, les inquiétudes en la matière doivent être tempérées : si vraiment un divorce survenait, les États-Unis ont une solution pour maintenir l’ISS à la bonne altitude. Le risque plus probable, par contre, c’est qu’il n’y aura pas d’autre coopération après l’ISS.

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