Le projet d’une équipe de recherche est de produire un chewing-gum prophylactique contre le covid. L’expérience est réussie, mais il n’y a pas eu d’essais cliniques humains. Par ailleurs, une mise en pratique serait bien compliquée.

Il ne faut négliger aucune piste. Voilà ce que s’est probablement dit l’équipe de recherche à l’origine d’une étonnante invention : un médicament à mâcher capable de piéger les particules du coronavirus SARS-CoV-2. Pour le dire plus simplement, il s’agit d’une sorte de chewing-gum anti-covid. Si cela peut paraître étonnant, l’étude est plutôt sérieuse et a été publiée dans Molecular Therapy, le 10 novembre 2021.

Il s’agit bien évidemment d’un traitement purement expérimental. Mais comment cette approche fonctionne-t-elle ? Pourrait-elle être mise en pratique ?

Un chewing-gum anti-covid : pourquoi une telle idée ?

Pour comprendre l’intérêt d’une telle expérimentation, il faut rappeler où se concentre le plus le coronavirus lors de l’infection. L’agent infectieux se trouve dans le nez — là où se fait le prélèvement des tests PCR et antigéniques — ainsi que dans la salive. Plusieurs études ont souligné le rôle de la cavité buccale, et donc de la salive, dans la contamination au covid : on en trouve une publiée dès mai 2020, ou encore une autre publiée récemment en mars 2021. Il faut donc retenir, comme préalable, que la bouche est un lieu du cycle de réplication virale.

À partir de ce constat, cette équipe de recherche a développé une gomme à mâcher contenant des protéines de piégeage du virus. Et c’est là où l’expérimentation devient encore plus fascinante.

Les tests de détection covid ont lieu dans le fond du nez, mais parfois aussi dans la bouche (où ils sont moins efficaces toutefois). // Source : Unsplash

Les tests de détection covid ont lieu dans le fond du nez, mais parfois aussi dans la bouche (où ils sont moins efficaces toutefois).

Source : Unsplash

Le coronavirus SARS-CoV-2 infecte les cellules humaines en s’accrochant à nos protéines ACE2, pour s’y répliquer. Au sein de ce chewing-hum, qui adopte « les caractéristiques physiques et un goût/arôme semblable à ceux des gommes conventionnelles », les scientifiques ont donc inséré des protéines ACE2, produites dans des cellules végétales. L’idée est de tromper le coronavirus : il viendrait en grande partie s’accrocher aux cellules ACE2 végétales de la gomme.

En piégeant une grande partie des particules du coronavirus, le chewing-gum viendrait éviter le cycle de réplication de l’agent infectieux, et donc l’ampleur de la maladie, mais aussi le risque de contamination des autres (moins la charge virale chez quelqu’un est forte, moins elle est contaminante). Les chercheurs envisagent donc leur chewing-gum comme prophylactique, c’est-à-dire visant à empêcher l’infection, et non à la soigner.

Est-ce que ça pourrait fonctionner ?

Sur le papier, l’idée est assez géniale. Et l’expérimentation est d’ailleurs plutôt fructueuse : les auteurs relèvent une efficacité supérieure à 95 % pour inhiber (réduire) le cycle de réplication du virus dans le milieu buccal, dès 50mg de ce chewing-gum — même avec seulement 5g, cela fonctionne bien. En prélevant de la salive chez des patients atteints du covid, puis en mélangeant cette salive avec la gomme à mâcher, le nombre de particules virales était grandement réduit par rapport à la salive traitée avec une gomme ne contenant pas les protéines ACE2 végétales.

Toutefois, à la description des résultats, un détail doit vous alerter : il s’agit d’une expérimentation menée en laboratoire. Les tests n’ont pas été conduits avec des humains. Leur salive a été prélevée puis a été confrontée au traitement dans un milieu cultivé. Les scientifiques ont certes utilisé un « simulateur de mâchage » artificiel pour vérifier que mâcher la gomme n’affecte pas l’efficacité, mais le fait est que ce ne sont pas des conditions réelles. De fait, beaucoup d’éléments échappent à l’analyse : température du corps, différentes manières et durées de mastication, environnement extérieur, charge virale initiale.

Par ailleurs, n’oublions pas qu’en conditions réelles, le coronavirus infecte par d’autres biais que la bouche : il y a aussi le nez, principale voie d’entrée, mais aussi les yeux dans une moindre mesure. Freiner l’infection dans la bouche ne freinerait pas forcément l’infection dans son ensemble. Sans compter qu’il paraît quelque peu difficile de généraliser un chewing-gum comme moyen de prévention épidémique. À cela s’ajoutent d’autres limitations à l’étude (ex : usage de la seule protéine infectieuse et non du virus avec son génome complet, pour certains tests). Ce faisant, sa portée se confronte à la réalité du terrain.

Les auteurs notent toutefois qu’il est scientifiquement intéressant de constater comment la protéine de pointe virale se lie « avidement » aux protéines ACE2 végétales présentes dans cette gomme. Ils estiment par ailleurs que leur découverte pourrait trouver des applications intéressantes dans des configurations médicales particulières. En proposant un nouveau concept de « pièges biologiques antiviraux », l’expérimentation propose une méthode « pour réduire la réinfection du SRAS-CoV-2 par la salive et minimiser la transmission orale par aérosol » qui pourrait être utile, selon les auteurs, dans les pays où les vaccins ne sont pas encore disponibles ou abordables en grand nombre. « Il s’agit en particulier d’une nouvelle approche pour protéger les gens à domicile, mais aussi les personnels de la santé face aux patients ne portant pas de masque pendant les procédures orales et de nettoyage dentaire. »

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