Des chercheurs de Stanford on pu évaluer plus précisément la quantité de nourriture ingurgitée par certains types de baleines. Les chiffres sont deux à trois fois plus élevés que prévu. Cet élément permet de comprendre pourquoi la chasse à la baleine a eu un impact si important sur les écosystèmes marins.

On savait que les baleines avaient besoin de grandes quantités de nourriture. Il semble cependant qu’on les ait sous-estimées. Une nouvelle étude, publiée le 3 novembre dans la revue Nature, suggère que ces mammifères ont besoin de manger bien plus que ce que l’on pensait. « Nos résultats suggèrent que des études précédentes sur le sujet ont sous-estimé la consommation des baleines d’un facteur trois, voire davantage dans certains écosystèmes  », indiquent les auteurs.

Certaines baleines ont besoin de deux à trois plus de nourriture que ce que l'on pensait. // Source : NOAA

Certaines baleines ont besoin de deux à trois plus de nourriture que ce que l'on pensait.

Source : NOAA

Le fait est qu’évaluer la quantité de nourriture avalée par ces majestueux animaux n’est pas simple. Auparavant, les scientifiques se basaient sur les données tirées d’autopsies de baleines ainsi que sur des modèles métaboliques d’animaux bien plus petits (qu’ils extrapolaient).

430 millions de tonnes de krill antarctique

L’équipe de Stanford a, elle, collecté des données inédites en équipant plusieurs types de baleines de type Mysticeti (ou cétacés à fanons) de capteurs capables d’enregistrer leurs mouvements, leurs accélérations, voire de prendre des vidéos. Des drones ont également été utilisés pour évaluer la taille des baleines équipées de capteurs, afin de mieux estimer l’envergure de leurs « lampées ». L’équipe a également collaboré avec la division de recherche environnementale de l’Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique (NOAA) et l’université de Santa Cruz pour évaluer, par le biais d’une sorte de sonar, la quantité de proies se trouvant dans les environs des baleines.

Selon les estimations de ces scientifiques, avant que la pêche industrielle ne vienne réduire la population de ces baleines, celles qui évoluaient dans l’océan Austral consommaient par an, à elles seules, 430 millions de tonnes de krill antarctique, ces petits invertébrés très prisés des cétacés. « C’est deux fois plus que la masse estimée de krill antarctique à l’heure actuelle  et un poids équivalent au double de celui de la pêche marine mondiale annuelle  », précisent les auteurs.

Les recherches menées par l’équipe de Stanford ont permis de confirmer l’exactitude des estimations pour la frange de baleines à bosse se nourrissant plutôt de poisson. En revanche, d’autres mangent bien plus que prévu. « Les données révèlent que les baleines de l’océan Austral mangent deux fois plus de krill que ce que les précédentes études suggéraient. Les baleines bleues et les baleines à bosse de la côte californienne, qui se nourrissent beaucoup de krill, mangent également deux à trois plus que prévu », précise l’université de Stanford.

Avoir une estimation réaliste du régime des baleines est plus important qu’on pourrait le penser. Ces mammifères jouent en effet un rôle crucial au sein des écosystèmes marins, et le fait qu’ils aient été chassés pendant de nombreuses années pour leur graisse, leurs fanons et leur viande a eu des conséquences significatives.

Les baleines fertilisent les écosystèmes marins

En digérant le krill, très riche en fer, les baleines contribuent en effet à fournir (via leurs déjections) un nutriment important aux espèces vivantes marines, en particulier le phytoplancton. Or ce dernier occupe lui-même une place stratégique dans l’écosystème : il produit « plus de la moitié de l’oxygène que nous respirons [et] approvisionne en nourriture la quasi-totalité des animaux marins », souligne l’Institut français de Recherche pour l’Exploitation de la Mer (Ifremer). Le phytoplancton est d’ailleurs, lui-même, un élément vital du régime alimentaire du krill.

« Ces grandes baleines sont d’une certaine façon des usines de traitement mobiles de krill, explique l’auteur principal de l’étude, Matthew Savoca. Les rorquals et les baleines bleues font à peu près la taille d’un avion. Dans la première moitié du 20e siècle, avant la chasse à la baleine, il y avait donc un million de ces ‘usines mobiles’ de la taille d’un Boeing 737, dans l’océan Austral, qui se nourrissaient, excrétaient et fertilisaient la zone. »

Lorsque leur population a été réduite, cela a donc eu de lourdes conséquences. « Que la disparition de grandes baleines entraîne une baisse de productivité et donc potentiellement, une baisse de la quantité de krill et de poisson peut dérouter. Mais cela nous rappelle à quel point les écosystèmes sont complexes et étroitement imbriqués  », pointe l’équipe de recherche. Selon l’auteur principal de l’étude, cette connaissance plus précise du fonctionnement des écosystèmes marins pourrait toutefois aider à restaurer ces derniers et favoriser la reconstitution des populations de baleines.

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