Spectroscopie, vision infrarouge ou à rayons X… les technologies actuelles offrent des possibilités variées pour observer les autres planètes. Mais parfois, un simple regard sur la surface peut nous en apprendre beaucoup. C’est ce qu’a fait une équipe de chercheurs qui publient leurs résultats dans la revue Icarus. Ils ont scanné toutes les images de Mercure de suffisamment bonne qualité pour y trouver des rochers. Et ils ont découvert que les blocs de roches d’au moins cinq mètres de diamètre étaient environ trente fois moins nombreux que sur la Lune. Comment expliquer une telle différence ?
D’après les auteurs, les causes sont nombreuses. Ils se sont basés sur les connaissances acquises autour des rochers lunaires pour les déterminer. Sur la Lune, on évalue la durée de vie moyenne d’un rocher autour des 100 millions d’années. Pour résumer, les structures géologiques sont détruites par des impacts de météorites et forment des rochers. Lesquels sont ensuite à leur tour soit détruits par d’autres météorites, soit victimes d’une « fatigue thermique », c’est-à-dire qu’ils se mettent à craquer à force d’être soumis aux cycles des températures. Si le même processus a lieu sur Mercure, ce qui est vraisemblable, cela signifie deux choses :
- Soit il y a moins d’impacts qui produisent des rochers.
- Soit les mécanismes qui les détruisent sont plus rapides.
Trois causes principales
À partir de là, les chercheurs ont identifié trois facteurs potentiels pour expliquer ces différences. Le premier, c’est l’épaisseur de la roche. Le régolithe de Mercure est bien plus épais que celui de la Lune, ce qui signifie que les impacts de météorites ne détachent bien souvent que des fragments incapables de former plus tard des rochers. Ils détaillent : «Un régolithe plus épais signifie qu’il faut un cratère plus grand pour permettre l’excavation de rochers. Ce qui semble logique avec le fait qu’on trouve des rochers surtout autour des cratères de plusieurs centaines de mètres de diamètre.» Sur la Lune à l’inverse, on voit déjà fleurir des rochers autour de cratères de quelques dizaines de mètres.
Ce facteur à lui seul explique en grande partie la rareté des rochers, mais il y a un autre type d’impact à prendre en compte : celui des micrométéorites. Grosses de moins d’un centimètre, elles ont un effet abrasif sur les rochers. Leur particularité, c’est qu’elles sont plus nombreuses lorsqu’on se rapproche du Soleil, ce qui fait que Mercure est particulièrement exposée. « Le taux d’abrasion est multiplié par 14 par rapport à la Lune, estiment les auteurs. Ce qui est dû à un plus grand nombre de météorites qui vont également plus vite. » Résultat, les rochers une fois formés se détériorent plus vite.
Enfin, il y a le stress thermique, il s’agit de l’effet sur les matériaux d’un changement de température au sein d’une journée. Le principe est un peu le même que lorsque vous brisez un verre froid en versant de l’eau bouillante à l’intérieur, sauf qu’ici, il n’y a pas de brusque changement extrême, plutôt une lente dégradation due aux variations de température. Les auteurs ont donc examiné ce delta : la différence entre le moment de la journée le plus chaud et le moment le plus froid. Résultat ? Il est de 70 Kelvins sur la Lune et de 180 sur Mercure. Cela signifie que les roches mercuriennes subissent des changements de température beaucoup plus importants. L’effet exact est ici assez difficile à évaluer, mais les auteurs s’accordent à dire que cela réduit encore un peu plus la durée de vie des rochers.
De l’aveu même des auteurs, l’étude reste assez basique, puisqu’ils n’ont pas étudié toutes les spécificités de Mercure et ne dressent qu’un tableau général plausible. Cependant, la mission BepiColombo qui vient de survoler Vénus arrivera vers Mercure en 2025 et offrira de bien meilleures images pour en savoir davantage.
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