Voici ce que dit la littérature scientifique sur le rôle des fermetures d’écoles, collèges et lycées en cas d’épidémie, et ce que l’on sait pour le cas spécifique de la pandémie Covid-19.

Mercredi 31 mars 2021, Emmanuel Macron s’est exprimé lors d’une allocution télévisée pour annoncer la mise en place d’un troisième confinement, à partir du samedi 3 avril et pour quatre semaines. L’une des mesures associées est la fermeture des écoles, collèges et lycées ; une décision qui avait été prise lors du premier confinement, et par la plupart des pays — comme l’Angleterre — qui ont opté depuis pour un reconfinement strict au fil des vagues.

Le confinement est une mesure clairement efficace dans son ensemble, comme le prouve la pluralité des études scientifiques sur le sujet. Mais que change la fermeture des établissements scolaires dans un confinement ? L’impact épidémiologique est-il connu ?

Emmanuel Macron le 31/03/21 // Source : Élysée

Emmanuel Macron le 31/03/21

Source : Élysée

Les précédentes études épidémiologiques

Bien que la pandémie Covid-19 et son impact relèvent d’une situation inédite, ce n’est pas la première fois que nous avons affaire à un contexte épidémique. La littérature scientifique contient déjà des éléments sur le rôle des écoles dans la gestion d’une crise sanitaire. Par exemple, une modélisation publiée en 2009 s’intéresse à l’effet de la fermeture des écoles sur la transmission des infections de type grippales, à travers huit pays européens. « La fermeture des écoles peut avoir un impact substantiel sur la propagation d’une maladie infectieuse émergente qui est transmise par des contacts étroits », concluait cette étude.

L’Organisation mondiale de la Santé considère également que les écoles jouent un rôle important et que leur fermeture peut faire partie des mesures de santé publique cruciales. « L’expérience de la pandémie (H1N1) 2009 dans de nombreux pays a démontré l’importance, dans certaines communautés, des écoles dans l’amplification de la transmission du virus pandémique — à la fois dans les écoles et dans la communauté au sens large  », peut-on lire dans un document de l’OMS. Un rapport épidémiologique de l’organisation, en août 2009, relevait ainsi que la fermeture des écoles avait permis de freiner l’épidémie H1N1 dans les lieux où la décision avait été prise tôt.

La plupart des études épidémiologiques en arrivent à une conclusion similaire (dans The Lancet Infectious Diseases en 2009, dans British Medical Journal en 2013, dans Plos One en 2014). Ces travaux ont un versant universel envers toutes les maladies infectieuses, mais qu’en est-il de la pandémie Covid-19 et de ses spécificités ? À quel point le lien est-il pour l’instant démontré dans cette crise sanitaire ?

Quid de la pandémie Covid-19 ?

En octobre 2020, l’Inserm publiait une projection sur l’impact du reconfinement sur la deuxième vague, avec ou sans fermeture des établissements scolaires. Dans le scénario du maintien des écoles ouvertes pendant le confinement, l’Inserm indiquait que cela « conduirait à des réductions légèrement moins importantes » des hospitalisations par rapport à une fermeture. Laisser les écoles ouvertes reviendrait donc à admettre que la situation sanitaire sera plus grave que dans le cas inverse.

Les courbes représentent l'intensité des hospitalisations. Courbe rouge : impact sur les hospitalisations en cas de confinement "type mars 2020". En bleu : seules les écoles primaires ouvertes. En violet : toutes les écoles ouvertes. En gris : pas de confinement. // Source : Inserm

Les courbes représentent l'intensité des hospitalisations. Courbe rouge : impact sur les hospitalisations en cas de confinement "type mars 2020". En bleu : seules les écoles primaires ouvertes. En violet : toutes les écoles ouvertes. En gris : pas de confinement.

Source : Inserm

Le constat se vérifie en partie dans la littérature scientifique à travers des études qui se sont penchées sur la fermeture des établissements scolaires au début de la pandémie Covid-19. Une enquête épidémiologique publiée en juillet 2020 dans JAMA s’est intéressée à la question suivante, au sujet du premier confinement aux États-Unis : la fermeture au niveau d’un État entier a-t-elle été associée avec une baisse de l’incidence et de la mortalité liée à la maladie Covid-19 ? Les résultats montrent un lien temporel entre la période de fermeture des écoles et une baisse notable de l’incidence (-62 %/semaine) comme de la mortalité (-58 %/semaine). « Les États qui ont fermé les écoles plus tôt, lorsque l’incidence cumulée du COVID-19 était faible, ont enregistré la plus grande réduction relative de l’incidence et de la mortalité », écrivent les auteurs, relevant que cette baisse est aussi à associer aux autres mesures : les restrictions fonctionnent comme un tout.

Certaines études pointent qu’il est difficile d’estimer avec exactitude l’impact spécifique de la fermeture des écoles sur la baisse de la propagation du coronavirus ; justement, car, durant le premier confinement, cette mesure venait le plus souvent s’inscrire dans un ensemble d’autres restrictions. Dans Health Affairs, les auteurs expliquent qu’ils n’ont pas pu associer directement la fermeture des écoles à la baisse des contaminations, mais qu’ils ne peuvent pas l’exclure non plus, en raison de l’imprécision statistique de leurs données sur des facteurs aussi précis.

Dans une crise sanitaire, tout repose sur un ensemble de mesures

Le confinement est une mesure fonctionnant de manière globale, combinée avec de nombreuses autres politiques ; des mécaniques de responsabilité individuelle et collective. C’est aussi ce que montre bien l’image du « modèle emmental » : le freinage de l’épidémie ne peut reposer sur une seule chose, mais, plus on associe les mesures, plus le virus est bloqué.

Le modèle de l'emmental adapté à l'épidémie liée au coronavirus SARS-CoV-2. // Source : Ian M. MacKay / Traduction par Nathalie Clot.

Le modèle de l'emmental adapté à l'épidémie liée au coronavirus SARS-CoV-2.

Source : Ian M. MacKay / Traduction par Nathalie Clot.

La synergie des mesures. Voilà un constat épidémiologique universel face aux épidémies. L’OMS, dans un document que nous citions précédemment, constatait que la fermeture des écoles s’inscrivait dans la continuité d’autres mesures face au H1N1 en 2009 : « Tout effort de santé publique coordonné visant à réduire les effets de la pandémie doit principalement reposer sur l’effet combiné des diverses interventions non pharmaceutiques, comme, par exemple la fermeture des écoles, la limitation des rassemblements importants, le confinement des sujets symptomatiques à domicile et l’application accrue des mesures de protection individuelles ».

La conclusion à tirer de ces éléments scientifiques, des modélisations aux observations, est que la fermeture des écoles ne peut qu’être utile dans l’optique de soulager une situation sanitaire extrêmement tendue. L’efficacité peut être postulée comme solide dès lors que la mesure vient avec d’autres restrictions solides freinant la diffusion du virus. Qui plus est, comme des parents d’élèves en avaient tiré l’alerte dans Numerama, le « protocole renforcé » n’avait de « renforcé » que le nom. De nombreux médecins appelaient par ailleurs à fermer les écoles, la situation sanitaire au sein de celles-ci mettant « en danger l’ensemble de notre réponse à l’épidémie ».

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