Des journaux allemands ont affirmé que, selon le gouvernement allemand, le vaccin d’AstraZeneca ne serait efficace qu’à 8 % chez les personnes plus âgées. Tel quel, ce chiffre est invérifiable, et il apparaît même faux.

La polémique a été lancée en Allemagne, ce lundi 24 janvier 2021 au soir, par les journaux Bild Zeitung et Handelsblatt. Se réclamant tous deux de source gouvernementale, ils ont affirmé que le gouvernement allemand en est arrivé à la conclusion que le vaccin d’AstraZeneca contre le coronavirus serait très peu efficace pour les personnes de plus de 65 ans. Ils ont même donné un chiffre : le vaccin ne serait efficace qu’à 8 % pour ces personnes plus âgées. C’est pourtant faux.

D’où sort ce chiffre ?

AstraZeneca a immédiatement réagi, dénonçant un chiffre « complètement faux ». Le ministère de la Santé allemand s’est joint à cette réponse, niant les affirmations des deux journaux et rappelant qu’aucune donnée actuellement disponible n’induisait une efficacité tombant 8 %. Une telle sous-efficacité ne permettrait d’ailleurs pas une mise en circulation du vaccin.

Mais alors, d’où sort ce chiffre ?

Ce chiffre n’est présent dans les données d’AstraZeneca que pour désigner la proportion que représentent les groupes de plus de 70 ans dans les essais cliniques réalisés au Royaume-Uni. Les 8 % ne seraient alors pas reliés à l’efficacité, mais à une proportion démographique. Dans ce cas, il y aurait eu, possiblement, une confusion dans la lecture des chiffres par ces journaux.

Il reste difficile de savoir précisément ce qu’il s’est passé, d’où provient la confusion. Quoi qu’il en soit des coulisses de la polémique, dans un contexte où la communauté scientifique est plus que jamais en demande de transparence dans les données, que ce soient pour les publications de recherches ou dans la diffusion des informations, il est dommageable que des titres de presse aient publié un chiffre à la portée potentiellement aussi importante sans sourcer plus en détail celui-ci, le rendant parfaitement invérifiable.

La partie encadrée désigne l'endroit où, selon AstraZeneca et certains observateurs, il y aurait confusion sur les chiffres, entre efficacité et proportion. // Source : Copie d'écran étude AstraZeneca

La partie encadrée désigne l'endroit où, selon AstraZeneca et certains observateurs, il y aurait confusion sur les chiffres, entre efficacité et proportion.

Source : Copie d'écran étude AstraZeneca

Ce que l’on trouve (vraiment) dans l’étude, pour les personnes âgées

L’évaluation de l’efficacité du vaccin d’AstraZeneca chez les personnes de plus de 55 ans n’est que partiellement présente dans les données publiées à l’automne 2020 sur la phase 3 des essais cliniques. Dans leur papier, les scientifiques écrivent eux-mêmes que « l’efficacité du vaccin dans les groupes plus âgés n’a pas pu être évaluée, mais sera déterminée, si des données suffisantes sont disponibles, lors d’une analyse future. »

Dans son communiqué transmis à la presse, en réponse aux accusations des journaux allemands, AstraZeneca indique toutefois que leur étude démontre « que les personnes âgées ont montré de fortes réponses immunitaires au vaccin, 100 % d’entre elles ayant généré des anticorps spécifiques après la deuxième dose ». Il est exact que l’étude relève des données d’immunogénicité montrant une réponse en anticorps chez les personnes plus âgées — c’est-à-dire que l’injection du vaccin permet de développer des anticorps contre le coronavirus SARS-CoV-2. Il est écrit dans le papier que les données montrent « des réponses immunitaires similaires après la vaccination avec deux doses de ChAdOx1 nCov-19 [nom du vaccin] chez les adultes âgés, y compris ceux de plus de 70 ans, par rapport à ceux de moins de 55 ans ».

Ce constat est à tempérer. Il se trouve effectivement que les groupes plus âgés ont été recrutés dans la phase 3 bien après les groupes plus jeunes. Dans l’essai britannique du vaccin, les volontaires âgés de 18 à 55 ans ont été recrutés entre fin mai et début juin 2020 ; quand les groupes âgés de plus de 55 ans ont été recrutés début août 2020. « Il y a eu moins de temps pour que les cas s’accumulent et, par conséquent, les données sur l’efficacité dans ces cohortes sont actuellement limitées par le petit nombre de cas », peut-on lire dans l’étude publiée.

En clair, les scientifiques manquaient de recul sur les groupes plus âgés, ce qui ne leur permettait pas d’inscrire une conclusion dans leur papier. Une réponse en anticorps ne suffit pas à établir qu’un vaccin fonctionne bien. Seule une nouvelle analyse, se reposant sur un temps plus long, peut permettre d’aboutir à une vraie conclusion. En revanche, à la vue des données préliminaires, les similitudes avec les groupes moins âgés ne montrent pas un risque de moindre efficacité chez les plus âgés — en tout cas, une efficacité tombant à 8 % semble être une différence bien trop grande pour être crédible.


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