En seulement cinq ans, Proxima b est devenue l’une des exoplanètes les plus célèbres auprès du grand public. Et pour cause, la planète découverte en 2016 est encore à ce jour celle qui est la plus proche de notre Système solaire. En plus, elle présente quelques caractéristiques intéressantes au moment de chercher d’autres mondes habitables, puisqu’elle est à peine plus grande que la Terre, rocheuse, et se situe dans la zone habitable de son étoile, c’est-à -dire à la bonne distance pour abriter de l’eau liquide.
Cela dit, une étude parue le 30 décembre dernier dans The Planetary Science Journal vient altérer un peu ce tableau de monde idéal. D’après son auteur principal, Amir Siraj du département d’astronomie de Harvard, notre voisine a sûrement été stérilisée par un impact d’astéroïde : « Un tel impact aurait complètement fait disparaître les océans et détruit toute possible forme de vie, explique-t-il à Numerama, et nous pensons que Proxima b a de fortes chances de l’avoir subi. »
Atteindre le taux d’impact stérilisateur
Pour affirmer une telle chose, le chercheur n’a pas étudié les impacts à la surface de la planète, bien trop lointaine pour pouvoir être observée, mais il s’est intéressé à un disque de débris entre Proxima b et Proxima c, l’autre planète du système. « Ce que nous avons fait, résume-t-il, c’est établir un taux d’impact stérilisateur en fonction de l’architecture du système planétaire. » Il y a donc certains systèmes qui seraient plus susceptibles que d’autres de subir de tels impacts, et Proxima ferait partie de la catégorie « à risque ».
Une découverte qui ne vient pas de nulle part, puisque déjà en 2018, Jeremy Smallwood, astronome à l’Université du Nevada, avait écrit une étude où il s’intéressait aux liens entre systèmes planétaires et impact d’astéroïdes. Il avait conclu que le taux d’impact était considérablement modifié selon la présence ou non de planètes géantes, et selon leur localisation. Il écrivait alors : « Puisque les astéroïdes jouent un rôle majeur dans la présence de vie sur Terre, étudier la probabilité d’impact est essentiel pour évaluer l’habitabilité des exoplanètes. »
Si la Terre, elle, n’est pas dans cette catégorie et a pu éviter au cours de son histoire ce fameux impact stérilisateur, c’est notamment grâce à Saturne. La planète aux anneaux provoque une résonance séculaire ν6 avec les astéroïdes : c’est le nom donné à l’effet que Saturne a sur les astéroïdes autour d’elle (le chiffre 6 représentant la planète, sixième en partant du Soleil). Le phénomène lié aux orbites des différents astres provoque une excentricité de l’orbite des astéroïdes. En clair, ils s’écartent de plus en plus de Saturne, finissent par arriver dans l’orbite de Mars et sont expulsés de la ceinture d’astéroïdes avant d’avoir pu atteindre la Terre.
« Nous supposons qu’une géante gazeuse comme Saturne est une variante importante pour contrôler le taux d’impact sur les planètes de la zone habitable », détaille Amir Siraj. L’auteur de l’étude estime que le taux d’impact stérilisateur pour la Terre est de l’ordre de 1%. Dans les 4,5 derniers milliards d’années, il y avait 1% de chances pour qu’un objet suffisamment massif pour détruire toute forme de vie sur Terre arrive jusqu’à nous, avec la bonne vitesse et le bon angle pour avoir des conséquences aussi dramatiques.
Mais si vous êtes là à lire ces lignes, c’est justement parce que cet événement ne s’est jamais produit. Ce qui n’est pas le cas pour Proxima b, si l’on en croit ce modèle. La différence principale, c’est que Proxima c ne pèse qu’environ 6 fois la masse de la Terre. Contre 95 fois pour Saturne, ce qui change tout. L’auteur a refait les calculs en remplaçant la Terre par Proxima b, Saturne par Proxima c, en adaptant les distances par rapport au Soleil et en prenant en compte la ceinture d’astéroïdes. Et là, c’est le drame ! Proxima b a très certainement été frappé par un astéroïde qui a complètement anéanti les chances de voir l’apparition de la vie.
James Webb à la rescousse (encore)
Une déduction qui a un avantage : en adaptant les données pour d’autres systèmes, il doit être possible de savoir si les planètes rocheuses internes ont subi cette stérilisation ou non. Et s’il est difficile de savoir si une étoile lointaine possède une planète, ou des ceintures d’astéroïdes — même pour Proxima, ce n’est pas une certitude complète –, la théorie veut que les étoiles moins massives soient plus « efficaces » pour former des planètes, il y a donc moins de chances de voir une ceinture massive des restes non agrégés aux planètes. Amir Siraj précise : « En fonction des masses et des localisations des astres, il est possible de prévoir les architectures des systèmes planétaires. Mais pour savoir avec davantage de certitudes s’il y a une ceinture d’astéroïdes, nous comptons beaucoup sur le JWST ».
Le JWST, ou James Webb Space Telescope, c’est un petit peu l’engin qui apportera toutes les réponses, si l’on en croit une flopée d’études publiées ces dernières années. Et il est vrai que l’engin, dont le lancement est prévu pour octobre prochain, est très prometteur. Il doit observer les exoplanètes et caractériser leur atmosphère et leur composition. Et parmi ses nombreuses prouesses annoncées, il y a donc la possibilité de découvrir des ceintures d’astéroïdes, mais aussi de connaître leurs masses.
En attendant, il faut se contenter des suppositions, ce qui n’enlève rien à la pertinence du modèle pour savoir si des exoplanètes ont plus ou moins de chances d’être stérilisées ou non par des bombardements d’astéroïdes. Pour Amir Siraj, cette avancée est prometteuse : « Pour l’instant, ce modèle s’applique aux systèmes qui ressemblent au nôtre, avec des planètes telluriques proches de leur étoile, et des géantes gazeuses plus lointaines. Mais avec de futurs travaux, nous pourrions le généraliser à des configurations bien différentes ».
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