Armageddon, Melancholia, Majora’s Mask… Autant d’œuvres qui mettent en scène d’une manière ou d’une autre un impact géant entre une planète et un corps étranger. Il faut dire que le scénario est séduisant pour un film catastrophe et même au-delà. Pourtant, ces événements, aussi destructeurs soient-ils, sont ceux qui ont sculpté la Terre telle que nous la connaissons aujourd’hui. Une étude parue dans la revue Astrophysical Journal Letters le 30 septembre 2020 et également disponible en ligne sur arxiv tente de répondre à une question. Quelles conséquences sur l’atmosphère terrestre ?
La question est peu abordée dans les œuvres de science-fiction, et pour cause, il existe peu de données sur le sujet. Le principal défi ici, tient à la nature même de l’atmosphère, puisqu’elle est beaucoup moins dense que la planète elle-même. La conséquence pour les simulations informatiques, c’est qu’il faut une résolution beaucoup plus élevée pour capter toutes les nuances des événements. C’est pourquoi les précédentes études liées au sujet se limitaient à certains scénarios très caricaturaux avec des atmosphères denses. Une nécessité de grossir le trait, pour voir quelles étaient les conséquences les plus visibles. Ici, les auteurs ont voulu aller plus dans le détail et c’est grâce à la puissance de superordinateurs qu’ils ont pu tester plus profondément différents scénarios.
« L’atmosphère peut être complètement détruite… Ou alors pas du tout ! »
« Les impacts géants sont violents et brouillons, précise à Numerama le principal auteur Jacob Kegerreis, et c’est pourquoi nous avons besoin de plusieurs millions de données de simulation pour les comprendre. » Et c’est ce qu’a fait le chercheur de l’Université de Durham. Avec son équipe, ils ont recréé plusieurs scénarios où l’impact présente différentes formes. La taille des objets, leur vitesse, l’angle de l’impact… Autant de curseurs à bouger pour voir à quoi ressemble le résultat final. Jacob Kegerreis résume les résultats : « Nous avons appris que l’atmosphère pouvait être complètement détruite, ou alors pas du tout ! Les différentes variables peuvent tout changer. »
Au total, ils ont mené 259 simulations. D’abord en modifiant la taille de la cible et de l’impactant, ensuite en modifiant l’angle de l’impact et la vitesse des objets. Enfin, ils ont testé différentes compositions et densités, y compris les plus extrêmes. Sur chaque simulation il y avait entre 10 et 100 millions de particules simulées, afin d’observer les moindres changements.
Dans l’ensemble, pour la plupart des scénarios le mécanisme reste le même. Les particules d’atmosphère, secouées par le choc, se détachent de la cible et sont dispersées, le plus efficace pour arriver à ce résultat étant d’avoir un impact rapide et frontal qui détruit presque entièrement l’atmosphère. Avec les mêmes astres, mais dans un angle plus étroit et à une vitesse moins élevée, les dégâts sont minimes.
Avec ces informations, les auteurs ont pu établir quelle fraction de l’atmosphère pouvait disparaître selon l’angle et la vitesse, mais il manque le plus important : la taille de la cible et celle de l’impactant. Là, les résultats montrent que ce qui compte avant tout, c’est le ratio entre la cible et la masse totale des deux astres. Peu importe si les deux sont petits ou gros, l’important c’est la différence entre les deux.
«Ces résultats sont intéressants, car ils montrent une atmosphère beaucoup plus ‘fragile’ que ce à quoi on s’attendait, commente Frédéric Moynier, chercheur à l’Institut de physique du globe de Paris qui n’a pas participé à l’étude. Cela a des implications sur les modèles de formation de l’atmosphère terrestre. »
La Terre avait une atmosphère dès le départ
La principale conséquence de ces simulations est d’éliminer l’idée selon laquelle l’atmosphère terrestre aurait été apportée par un corps étranger. La théorie générale veut que lors d’un impact, les particules d’atmosphère retombent ensuite sous l’effet de la gravité et ne soient pas dispersées dans l’espace. Ici, ce n’est pas le cas. En plus, les auteurs ont voulu voir ce qui se passait si l’impactant possédait lui aussi une atmosphère. Et c’est la même chose, là aussi il y a moins d’atmosphère après l’impact même si les deux se mélangent, il y en a toujours une partie non négligeable qui part dans l’espace.
D’après ces résultats, l’atmosphère terrestre serait primordiale, ce ne serait donc pas l’impact à l’origine de la Lune qui aurait apporté l’atmosphère. « Nous savons très peu de choses sur cet impact, reconnaît Frédéric Moynier. Pour avancer, nous avons besoin d’échantillons, de données chimiques, mais aussi de modèles comme celui-ci pour savoir quels sont les scénarios plausibles. »
«La possible érosion de l’atmosphère ajoute une pièce du puzzle, s’enthousiasme Jacob Kegerreis. Ce pourrait être une nouvelle manière de contraindre les différentes théories sur la manière dont la Lune s’est formée. Connaître précisément l’influence de ces événements est aussi crucial pour comprendre les atmosphères observées sur les exoplanètes. »
Mais cela ne peut pas être mené uniquement avec des simulations. Il faudra aussi des observations, qui seront possibles avec la future génération de télescope, notamment le James Webb Space Telescope qui doit viser à caractériser l’atmosphère des exoplanètes.
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