La recherche de la matière noire a une particularité: elle se déroule sur deux terrains. Certains chercheurs admirent les immenses galaxies et leurs mouvements cosmiques affectés par cette masse invisible, tandis que d’autres scrutent les plus petites particules connues dans l’espoir de découvrir une collision infinitésimale qui démontrerait l’existence d’une substance inaccessible.
Cette dernière étude parue dans Nature le 2 septembre 2020 est en quelque sorte à la frontière de ces deux mondes, puisque les chercheurs ont créé sur ordinateur un immense univers peuplé de galaxies. Et ils ont zoomé un maximum dessus jusqu’à découvrir les plus petits halos de matière noire possible. Les halos de matière noire sont supposés être des ensembles de particules liées entre elles par la gravité. C’est en leur centre que le gaz se refroidit puis se condense jusqu’à s’étendre suffisamment pour former des ensembles d’étoiles, des galaxies. C’est en tout cas l’hypothèse privilégiée dans la plupart des modèles, mais cela ne concerne pas tous les halos.
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Comprendre la matière noire en 5 grandes questionsZoom sur les petits halos
Car si la matière noire reste hypothétique, ses effets sur le mouvement des galaxies et des astres sont bien connus. La matière noire se diffuse sous forme de halo gigantesque qui englobe parfois des dizaines et des dizaines de galaxies. La masse des particules invisibles permet tout simplement au disque galactique de tenir et de ne pas être dispersé au hasard dans l’Univers. Ce sont ces données qui sont au centre de la plupart des modèles cosmologiques et même si aucune particule de matière noire n’a été vue, cette vision est quasi unanimement partagée par la communauté scientifique.
Or, dans cette étude, les auteurs ne se sont pas intéressés à ces ensembles massifs. Au contraire, ils sont allés voir du côté des petits halos de matière noire dispersés çà et là dans l’Univers : des grappes de particules là aussi hypothétiques et jamais vraiment étudiées jusque là. Il faut dire qu’identifier la matière noire qui permet à des galaxies entières de se former est une chose. En revanche, déduire une présence grâce à une légère anomalie gravitationnelle est une autre affaire, car ces halos seraient trop petits pour contenir une galaxie. D’après les auteurs, certains d’entre eux pourraient à peine atteindre la masse de la Terre, ce qui est vraiment minuscule, donc autant dire invisible.
« Nous avons fait huit zooms successifs, précise à Numerama Simon White, un des auteurs de l’article. C’est la première fois qu’une simulation a été réalisée avec autant d’écarts de grandeur. »
Et pour cause, sur la première image réalisée, 1 cm représente 150 mégaparsecs, c’est-à-dire 150 millions de parsecs — sachant qu’un parsec est une unité de longueur valant 3,26 années-lumière. Sur le dernier zoom, 1 cm équivaut à seulement 25 parsecs. Pour comparer, si vous aviez un zoom aussi puissant dans votre jardin, vous pourriez voir un objet de la taille d’une puce sur la Lune. Des images qui montrent donc dans le premier cas des halos englobant des clusters de galaxies, et à la fin d’autres halos gros comme la Terre. « Jamais une simulation n’avait pu observer à la fois les gros halos et les petits de toutes les masses auxquelles on pense qu’ils existent », ajoute Simon White.
Une découverte riche d’enseignement puisqu’à la grande surprise des chercheurs, les grands et les petits halos ont finalement exactement la même structure «Si vous enlevez l’échelle, impossible de savoir lequel est lequel ! » Tous ont en commun d’être extrêmement dense en leur centre puis plus diffus en s’éloignant.
Un monde virtuel pour comprendre le réel
Ces découvertes sont enthousiasmantes, tant la quête de la matière noire est un sujet qui mobilise une grande partie de la communauté scientifique et qui attend une grande découverte pour confirmer ou infirmer son existence. Mais les auteurs restent prudents, car ce papier est le tout premier à prédire ce à quoi ces petites structures sont censées ressembler si elles existaient réellement. Il s’agit donc d’un travail de prédiction uniquement destiné à montrer aux futurs chercheurs à quoi ressemble ce qu’ils doivent chercher. Simon White tempère : «Il faut se rappeler que nous ne savons pas quelles particules peuvent être des particules de matière noire. »
Nous sommes donc face à une simulation numérique d’un univers virtuel qui représente des particules hypothétiques, en espérant trouver à quoi elles ressemblent vraiment. Tout cela paraît très éloigné du monde réel. Et pourtant, c’est ce genre d’études qui peut aider à trouver la matière noire en vrai.
En effet, une des principales pistes pour trouver de la matière noire consiste à identifier des rayons gamma émis par la collision de deux particules entre elles. La simulation décrite dans cette étude pourrait donc aider à savoir quel niveau de radiation est attendu selon la masse des halos. Et si les radiations émises par un seul halo de petite taille sont trop petites pour être détectées avec les techniques actuelles, ensemble, plusieurs halos pourraient créer suffisamment de rayons gamma pour devenir visibles. Il « suffirait » donc d’identifier des zones où la concentration de matière est plus importante pour espérer détecter des signaux correspondants aux collisions.
L’étude en question ne nous dit pas où chercher, mais indique quel niveau de radiation peut-être attendu selon la masse des halos. Au final, c’est en cherchant des traces de lumière que les scientifiques espèrent percer les secrets de la matière noire.
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