Le nouveau coronavirus SARS-CoV-2 est le fruit d’une zoonose, une maladie transmise de l’animal vers l’être humain. Face à l’exploitation constate et croissante de la nature, les zoonoses ont de plus en plus de risques d’advenir, et donc de déclencher des épidémies voire des pandémies. « Ces actions menacent simultanément la survie des espèces et augmentent le risque de propagation. Dans une convergence malheureuse de nombreux facteurs, cela entraîne le type de pétrin dans lequel nous nous trouvons actuellement », écrivait une biologiste dans une revue scientifique, le 8 avril 2020.
Un nouveau virus de la grippe porcine, apparu en Chine et capable d’infecter les êtres humains fait l’objet d’une publication scientifique diffusée ce 29 juin 2020. Le virus, présent dans les populations porcines depuis 2016, est nommé G4. Il descend du virus H1N1. Selon l’étude, ce virus présente « toutes les caractéristiques essentielles d’un virus pandémique ». Voilà de quoi accentuer le climat anxiogène actuel. Pour autant, si l’étude pointe bien un danger pandémique, celui-ci n’est pas immédiat. Cette nouvelle étude a surtout un rôle de lanceuse d’alerte plus large : ne pas refaire les mêmes erreurs que pour SARS-CoV-2 et surveiller les virus zoonotiques de beaucoup plus près, s’y préparer.
Explications.
Les caractéristiques du virus G4
Commençons, tout d’abord, par les caractéristiques de ce virus et pourquoi il est considéré comme un risque pandémique potentiel. Il a émergé chez les porcs en 2016 mais, compte-tenu de la proximité entre ces populations porcines et les humains qui travaillent à leur contact (notamment dans les abattoirs), le virus a été capable de sauter à plusieurs reprises du porc vers des humains. Puisqu’il est un dérivé du virus grippal EA H1N1, le G4 dispose de la capacité de s’accrocher aux cellules humaines et de s’y reproduire.
« Il est préoccupant de constater que les travailleurs du secteur porcin présentent une séroprévalence élevée du virus G4 », écrivent les chercheurs dans leur étude. Cela signifie que le virus G4 est très infectieux et que la vaccination contre H1N1 ne suffit pas. En Chine, les travailleurs des abattoirs sont régulièrement touchés par cette grippe porcine : le chiffre avancé par l’étude est que 10,4 % d’entre eux ont déjà été infectés. Pour l’instant, le virus G4 n’est pas capable d’infection interhumaine (contamination entre humains), mais à force d’être exposé à l’être humain, celui-ci pourrait s’adapter, muter et acquérir la capacité d’infection interhumaine. C’est la raison pour laquelle ces chercheurs alertent sur un risque pandémique.
Cette nouvelle étude, sur le virus G4, ne relève pas d’un travail de recherche nouveau ayant été mené pendant la pandémie actuelle. L’étude elle-même a été envoyée à la revue Proceedings of the National Academy of Sciences début décembre 2019. Elle relève d’une surveillance de fond de la circulation des virus grippaux chez les porcs, menée entre 2011 et 2018. La menace que peut représenter le virus G4 n’a rien de nouvelle ni d’immédiate, même si elle augmente évidemment avec le temps.
Ce qu’apporte vraiment l’étude : attirer l’attention sur les zoonoses
L’étude n’affirme donc pas tant qu’une nouvelle pandémie va se déclencher tout de suite, que ce risque doit être mieux pris en considération par autorités sanitaires. Les auteurs appellent surtout à une surveillance accrue de cette maladie. « Il est urgent de contrôler les virus G4 EA H1N1 prédominants chez les porcs et de surveiller étroitement les populations humaines, en particulier les travailleurs de l’industrie porcine », écrivent les chercheurs. La pandémie du coronavirus SARS-CoV-2 est remplie d’enseignements sur la propagation rapide d’une zoonose et l’idée est d’éviter que le schéma se reproduise.
Si la presse mondiale porte aujourd’hui son attention sur le virus G4 et ce travail de recherche, c’est en raison du timing de publication. Mais d’autres zoonoses existent. Une étude de 2018 ayant pour ambition de construire un atlas mondial des virus zoonotiques montre qu’il existe en soi plus d’1,6 million de virus provenant de mammifères et d’oiseaux aquatiques faisant partie de 25 familles virales réputées capables de causer, potentiellement, des infections humaines. La plupart des zoonoses proviennent en effet de mammifères et d’oiseaux aquatiques — c’est le cas de pandémies installées ou temporaires comme le VIH, H1N1 ou récemment SARS-CoV-2.
« La grippe porcine et aviaire n’est pas rare en Asie, et nous entendons des rapports périodiques à ce sujet (heureusement largement limités au bétail — en Chine, il y a une sensibilité à ce sujet, donc un dépistage) », relève la scientifique Alice Hughes parmi les expertises commentant l’étude sur le virus G4. À cela, le professeur en médecine vétérinaire James Wood ajoute que cette étude rappelle « que nous sommes constamment exposés au risque d’apparition de nouveaux agents pathogènes zoonotiques et que les animaux d’élevage, avec lesquels les humains sont davantage en contact qu’avec les animaux sauvages, peuvent être à l’origine d’importants virus pandémiques ».
L’actualité du moment autour du virus G4 ne doit donc pas être mal interprétée. Elle n’en demeure pas moins très importante. Une nouvelle pandémie ne va pas s’ajouter à la pandémie de SARS-CoV-2 dans les jours ou semaines à venir. Mais divers virus zoonotiques existent et posent un risque constant en toile de fond. Ces risques ne posent pas forcément de problème s’ils sont pris en compte, surveillés et que la recherche médicale a les moyens (financiers, matériels, humains) pour les contrer en amont. La pandémie de la maladie Covid-19 doit en effet servir de socle à une meilleure préparation, aux échelons nationaux et internationaux, aux risques pandémiques. En l’occurrence, pour des virus comme le G4 hérités de H1N1, il s’agirait de faire évoluer le vaccin contre la grippe pour que celui-ci prenne en compte cette mutation.
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