Ce taux de mortalité très élevé semble provenir en réalité d’une méthode de comptage plus fidèle qu’ailleurs à la réalité de la maladie Covid-19.

Comme de nombreux pays dans le monde, la Belgique est touchée par la pandémie causée par la maladie Covid-19. Le pays compte ce 8 juin 2020 plus de 59 000 cas d’infection et 9 000 décès. Ces chiffres sont en-deçà de ceux que l’on retrouve dans d’autres pays, comme les États-Unis, la France, l’Espagne, l’Italie. Pourtant, la Belgique a parallèlement le plus haut taux de mortalité d’Europe et même du monde. Comment comprendre ce taux si élevé ?

Le taux de mortalité correspond au nombre de décès en fonction d’une période donnée et d’un nombre de personnes. Ainsi, si l’on prend le nombre de décès liés au coronavirus par million d’habitants, en Europe, en 2020, on tombe actuellement sur un taux de 446,7 en France, 104,7 en Allemagne, 597,2 au Royaume-Uni, 560,7 en Italie, 222,0 en Suisse. Mais en Belgique, ce taux n’a nul pareil : 827,9. Le taux de mortalité lié au coronavirus y est rapporté à 16,2 %, alors qu’il est par exemple de 11,3 % en Espagne, 10,8 % en Suède, 15,3 % en France.

Coronavirus : taux de mortalité pour un million d'habitants // Source : France Culture

Coronavirus : taux de mortalité pour un million d'habitants

Source : France Culture

Les chiffres journaliers sont rarement très évocateurs sans leur contextualisation. Par exemple, le 29 mai dernier, en France, le chiffre des infections a semblé bondir de plus de 3 000 cas, rien que ce jour-là, alors que la tendance est à la baisse. Contactée par Numerama, la Direction générale de la Santé avait alors expliqué qu’il s’agissait d’une simple réactualisation des bases de données : les 3 000 cas s’étalaient en fait sur trois semaines, mais ils ont été ajoutés en une seule et même journée. Les chiffres dépendent du comptage, de ses aléas, et des méthodes par lesquelles on les détermine. Or, ce qui fonctionne avec les infections fonctionne avec les décès.

La polémique belge

Il semblerait que le taux de mortalité si élevé en Belgique provienne d’une méthode de comptage différente qu’ailleurs. Et par différente, il faut entendre meilleure, car plus précise. Une conclusion qui a un certain sens à l’heure où, dans plusieurs pays, dont la France, l’une des questions majeures est celle d’un bilan total de la mortalité possiblement très sous-évalué.

En Belgique, la mortalité ne semble pas être sous-évaluée. Au contraire, les chiffres pourraient bien dresser un panorama plus fidèle qu’ailleurs des conséquences de la pandémie. C’est la position du gouvernement et de son comité scientifique. « Notre façon de comptabiliser est la plus honnête et la plus scientifiquement correcte », s’était justifié à la presse le virologue Yves Van Laethem, porte-parole du gouvernement belge. À cela, il faut ajouter que la forte densité urbaine du pays et l’importance centrale de l’aéroport de Bruxelles alors qu’il s’agit d’un pays relativement petit — 12 millions d’habitants.

En tout cas, que le calcul soit le plus précis au monde ne change pas les apparences, lorsque ce taux n’est pas contextualité. Raison pour laquelle la Belgique fait face à une polémique, et notamment aux plaintes du secteur du tourisme : cette branche craint que le pays ne puisse se départir de l’image de « l’endroit du monde au plus haut taux de mortalité », affectant ainsi les visites touristiques. Résultat, la Première ministre belge Sophie Wilmes a demandé au comité scientifique si la méthode de comptage pouvait être repensée : « Mais nous avons refusé », a confié l’un des membres, le professeur Steven van Gucht, ajoutant que « nous avons expliqué à la Première ministre pourquoi nous faisons ce qui est le mieux et elle l’a accepté. Ce qu’on fait est vraiment la bonne pratique et nous ne devrions pas en changer ».

Les comparaisons entre pays, en matière de taux de mortalité, sont de toute façon une assez mauvaise idée à l’heure actuelle : les méthodes de comptage varient énormément d’un pays à l’autre. Pour ne pas passer à côté des chiffres manquants, les épidémiologistes ont donc commencé à moins se concentrer sur les relevés de décès dus au coronavirus qu’à la « mortalité excessive » (ou surmortalité) dans chaque État, c’est-à-dire au nombre de décès supplémentaires par rapport aux décès habituels en moyenne sur la période donnée. C’est ainsi par exemple que la mortalité excessive en Belgique, entre le 16 mars et le 26 avril, était de 7 397 décès. Un chiffre qui tendrait à confirmer que la méthode de comptabilisation de la Belgique est scientifique précise, car ce nombre est très proche du nombre officiel de décès liés à Covid-19 : 7 559.

Derrière les chiffres, il y a surtout des vies humaines. Le fait que la Belgique ait une meilleure méthode de comptabilisation ne change donc rien au fait que ces taux élevés montrent aussi que le pays est meurtri, comme tant d’autres, par la pandémie. « Nous comptons très précisément, mais cela n’atténue pas le fait que nous avons également été gravement touchés », avait précisé Steven Van Gucht à la presse.

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