Alors que la Corée du Sud était à un moment l’une des zones les plus touchés par le nouveau coronavirus SARS-CoV-2, le pays s’est rapidement illustré par sa capacité de réaction en jugulant l’épidémie sans recourir à des mesures de confinement de toute la population. Ce vendredi 20 mars, la Corée compte « seulement » 8 600 cas confirmés, derrière la France, l’Italie, l’Espagne, l’Allemagne ou encore les États-Unis. Le taux de mortalité causé par Covid-19 est également assez faible dans le pays, avec 94 décès. À la mi-mars, le taux de guérison dépassait le taux de contamination.
À vrai dire, la Corée du Sud impressionne dans sa gestion de la crise notamment par son impressionnant dispositif de test. Au 19 mars, 290 00 personnes avaient été testées, ce qui a permis d’identifier les 8 000 cas, dans un pays aux 50 millions d’habitants. La capacité est autour de 60 000 tests par jour. Le contraste est important avec un pays comme les États-Unis, aux 327 millions d’habitants, mais qui n’a pratiqué que 111 000 tests au 16 mars. La France, quant à elle, procède à 2 500 tests par jour (36 000 tests entre le 24 février et le 15 mars).
Alors que le New York Times dénonçait, le 19 mars, dans un article d’opinion, « le grand échec des tests aux États-Unis », la polémique est la même en France : une incompréhension politique, médicale, citoyenne face au dispositif mis en place concernant les tests épidémiologiques. Alors, comment expliquer ce « miracle coréen » si contrasté avec le reste du monde ? On fait le point sur le système mis en place dans ce pays, sa raison d’être, ainsi que sa limite actuelle.
Une stratégie payante, mais encore à nuancer
C’est le dépistage massif qui caractérise l’action de la Corée du Sud. « Notre énorme capacité à faire des tests nous permet d’identifier les patients au plus tôt et de minimiser les effets néfastes », déclarait à la presse le ministre coréen de la Santé Kim Ganglip. Si les écoles sont bel et bien fermées, et ce pour encore quelques semaines, la stratégie de la Corée du Sud ne repose pas dans le confinement total de sa population comme en Chine, en Italie ou en France. Le confinement est bien davantage individualisé et précis. Si une personne est malade ou soupçonnée de l’être, alors on l’isole, puis on la teste.
Ensuite, si le test est positif, les autorités sanitaires procèdent à un véritable traçage technologique pour remonter chronologiquement dans la vie de la personne infectée : on retrace tous ses déplacements grâce à la vidéosurveillance, au bornage téléphonique, aux achats réalisés par carte bancaire, afin d’identifier tous ceux et toutes celles avec qui cette personne a pu être en contact. On propose alors des tests à ces personnes potentiellement infectées elles aussi. La Corée du Sud en appelle également à la participation de sa population, en les prévenant lorsqu’il y a un cas de contamination proche de chez eux, ou lorsqu’elles ont pu avoir été en contact avec une personne infectée.
De nouveaux foyers, dans des zones jusqu’ici délaissées par le dépistage, apparaissent
Petite nuance toutefois dans ce dispositif de test : la Corée du Sud a concentré la majeure partie de ses efforts autour d’une zone en particulier, où se trouve une secte (Église Shincheonji) qui a massivement importé le coronavirus depuis Wuhan, où l’église voulait créer une antenne. En concentrant le dépistage sur cette église, il a été possible de contenir l’épidémie dans cette région, mais d’autres zones du pays ont été délaissées. D’autres foyers commencent à être détectés depuis la mi-mars, comme à Séoul, dans un centre d’appel. Ces nouvelles détections avaient provoqué un pic à 152 nouveaux cas, mercredi dernier.
La bataille coréenne contre Covid-19 est encore loin d’être gagnée, mais les chiffres restent encourageants et l’épidémie semble davantage sous contrôle qu’ailleurs grâce aux capacités logistiques et technologiques de dépistage. Ce dernier point mérite d’ailleurs quelques précisions.
Les leçons du passé
L’efficacité de la Corée du Sud ne provient pas seulement de sa stratégie. Cette dernière est rendue possible par une capacité logistique à réaliser un grand nombre de tests, et ce, très rapidement. L’explication est limpide : la Corée du Sud s’était tenue prête à une potentielle épidémie de type Covid-19, après une expérience passée de mauvaise gestion d’une crise sanitaire.
En 2015, un homme d’affaires a importé dans le pays le coronavirus du syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS). Alors qu’il était malade et qu’il y avait bel et bien un soupçon sur l’origine des symptômes, il a été trimballé dans trois hôpitaux différents avant d’être définitivement testé positif et isolé. Au passage, pendant tout ce long processus, des dizaines de personnes ont été contaminées, jusqu’à causer 36 décès. Il aura fallu une quarantaine de 2 mois dans la zone concernée pour juguler de justesse une épidémie.
La Corée en est ressortie comme traumatisée par l’imminence d’une épidémie, difficilement contrôlable dans un pays à si forte densité, pour les conséquences humaines et économiques que cela aurait provoqué. De fait, en Corée du Sud, cette histoire de test trop tardif a servi de leçon aux autorités.
« Les tests en laboratoires sont essentiels »
Dans Science, l’infectiologue Kim Woo-Joo relève que « cette expérience a montré que les tests de laboratoire sont essentiels pour contrôler une maladie infectieuse émergente. (…) L’expérience du MERS nous a certainement aidés à améliorer la prévention et le contrôle des infections dans les hôpitaux ». C’est ainsi que la législation avait été adaptée, après 2015, pour réagir plus rapidement à la moindre suspicion, mais aussi en donnant autorité au gouvernement pour faire temporairement exception à la vie privée et permettre le traçage du parcours des personnes infectées.
Dès que Covid-19 a été signalée, la production de kits de test supplémentaires a été lancée, par anticipation. Par ailleurs, comme le relève Kim Woo-Joo dans Science, la Corée n’a pas de cas d’infections parmi le personnel soignant, tant les établissements étaient préparés : par exemple, les tests pour le coronavirus sont réalisés par un réseau de laboratoires accrédités, qui réalisent le dépistage dans des chambres à pression négative aptes à éviter la propagation du pathogène.
Le « miracle coréen », comme le surnomme le journal espagnol Xataka, n’est pas si miraculeux, il se comprend essentiellement à travers la préparation du pays à l’imminence d’une épidémie. Il est question d’une préparation législative, qui réduit les lenteurs et le déblocage de budgets, mais aussi d’une préparation logistique pour les infrastructures médicales, ou encore une préparation de la population, qui est sensibilisée au risque. Autant de kits de tests ne peuvent être mobilisés en aussi peu de temps sans cette préparation. Cette réussite ne doit toutefois pas donner l’impression que tout est déjà réglé comme par magie en Corée du Sud : la multiplication des foyers donne du fil à retordre aux autorités sanitaires et la situation reste préoccupante.
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