Une mission spatiale a transporté sur la Lune des tardigrades, qui sont de minuscules organismes vivants extrêmement résistants. Il y a de bonnes chances pour qu’ils soient encore en vie.

Peut-on survivre aux conditions extrêmes de l’espace sans protection particulière ? Un humain, certainement pas : n’importe quel individu mourrait immédiatement sans sa combinaison ou en dehors des parois protectrices de sa station spatiale, à cause du froid, de la différence de pression, de l’absence d’oxygène et des rayonnements. Mais il existe peut-être d’autres représentants du règne animal qui pourraient supporter un séjour plus ou moins prolongé dans un environnement aussi hostile.

Dans ce domaine, les créatures les plus prometteuses sont surnommées les oursons d’eau, que l’on connaît plutôt sous l’appellation de tardigrades. Ce sont de minuscules créatures dont la particularité est d’être extrémorésistant. En clair, ces « bêtes », qui se déclinent en plus de 1 200 espèces connues, sont capables d’encaisser presque tout : vide spatial, doses massives de radiation, absence d’oxygène, températures extrêmement basses, eau hypersaline…

Forcément, la science s’intéresse de très près à ces tardigrades : preuve en est par exemple avec l’annonce d’une équipe japonaise dans la revue Nature, en septembre 2016 : elle est parvenue à isoler la protéine permettent au tardigrade de se protéger des rayons X et de la transférer à d’autres cellules animales. Dans le même genre, les futures missions humaines destinées à explorer (et peut-être à coloniser) la Lune pourraient être l’occasion de voir si les oursins d’eau peuvent tenir le coup sur place.

Des tardigrades sur la Lune

En effet, il est possible que ces créatures se trouvent déjà sur le satellite naturel de la Terre : non pas parce qu’elles étaient là avant, mais parce que la mission spatiale israélienne Beresheet, qui consistait à déposer un atterrisseur à la surface de la Lune, contenait des milliers de tardigrades. Sauf qu’avec le crash de l’atterrisseur, une relative incertaine existe quant au fait de savoir si ces petites bêtes sont encore en vie ou si elles ont été détruites.

Évidemment, la question que l’on peut se poser de prime abord est de savoir comment ces minuscules organismes se sont retrouvés là. S’agit-il d’une contamination inaperçue de la mission spatiale avec des organismes terrestres ? Pas tout à fait, rapporte Wired. Leur présence à bord était prévue : à bord de Beresheet se trouvait en effet une archive concoctée par l’Arch Mission Foundation, un organisme américain à but non lucratif dont la mission est de préserver la connaissance humaine.

Si cela vous rappelle le roman Fondation d’Isaac Asimov, c’est normal. Cette archive, la première du genre, est « conçue pour préserver les savoirs de notre civilisation pendant des milliards d’années ». Les membres du projet ont la ferme intention de placer d’autres archives ailleurs dans le Système solaire, afin d’accroitre les probabilités que certaines puissent encore être lues dans un avenir extrêmement lointain, « lorsqu’ils seront éventuellement trouvés par ceux qui viendront après nous ».

La Fondation veut préserver les connaissances humaines en les diffusant dans le Système solaire. // Source : Arch Mission Foundation

La Fondation veut préserver les connaissances humaines en les diffusant dans le Système solaire.

Source : Arch Mission Foundation

Ainsi, dans ces « sauvegardes de la planète Terre » figurent la première bibliothèque lunaire de la fondation, qui prend la forme d’une sorte de disque de la taille d’un DVD (et qui est composée de 25 disques en nickel) contenant 30 millions de pages d’information (y compris une copie de la version anglophone de l’encyclopédie Wikipédia), des photos, des illustrations et de divers autres documents, mais aussi des échantillons d’ADN humain et des milliers de tardigrades.

Bonnes chances de survie

Toute la question, donc, est de savoir si ces éléments ont survécu au crash. L’Arch Mission Foundation se montre optimiste : « Actuellement, on pense que la bibliothèque lunaire a survécu à l’écrasement de Beresheet et qu’elle est intacte sur la Lune, selon notre équipe de conseillers scientifiques basés sur les données d’imagerie fournies par la sonde spatiale Lunar Reconnaissance Orbiter (LRO) de la NASA », lit-on sur son site web. Par conséquent, les tardigrades seraient donc préservés.

Reste à savoir dans quel état ils seront retrouvés, si c’est effectivement le cas. Car on ne sait encore pas grand-chose sur la façon dont fonctionnent ces organismes. Wired note que des scientifiques ont déjà réussi à faire « revivre » certains spécimens presque dix ans après avoir été maintenus dans un état de déshydratation. D’autres qui ont été congelés à -20°C ont même pu être réveillés trente ans plus tard. Dans ces conditions, la survie des tardigrades sur la Lune paraît être un jeu d’enfant.

Cette robustesse extraordinaire est due à la cryptobiose. Il s’agit d’un « état de vie ralentie » que certains êtres vivants sont capables d’adopter pour se protéger contre une mort probable, détaille Stéphane Tirard, spécialiste dans l’épistémologie et l’histoire des sciences, lorsque les conditions du milieu dans lequel ils se trouvent sont dangereuses. Ils parviennent alors à ralentir le fonctionnement de leur métabolisme, « dont l’activité peut devenir indécelable ».

Pour cela, la structure de l’organisme est chamboulée. Chez les animaux capables de supporter le gel, l’eau à l’intérieur des cellules se cristallise. C’est ce qui se passe avec les tardigrades : le processus métabolique, quand il s’arrête, entre dans une forme de stase sous l’effet d’une protéine. Celle-ci forme alors des cristaux dans les cellules en lieu et place de l’eau. C’est aussi ce mécanisme qui a permis à des vers vieux de 30 000 ans de se remettre à vivre.

Sur un plan strictement scientifique, il pourrait donc être hautement justifié de faire en sorte qu’une future mission spatiale habitée ait lieu non loin du lieu du crash de Beresheet, afin que des spationautes puissent aller voir si les oursons d’eau ont pu tenir bon malgré toutes ces conditions hostiles (froid, vide, radiations, explosion, absence d’eau, etc.). Un retour de certains spécimens pour une étude sur Terre pourrait également s’envisager, afin de mieux comprendre leur fonctionnement.

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