Des neuroscientifiques travaillent sur un décodeur capable de synthétiser la parole à partir des signaux du cerveau. La technologie, qui n’est pas encore aboutie, est prometteuse. Elle tient compte des mouvements liés à l’articulation.

« Décoder la parole à partir de l’activité neuronale est un challenge » : des scientifiques tentent de relever ce défi avec un implant présenté comme capable de synthétiser la parole d’un individu à partir de son cerveau. Ce travail a été publié dans la revue Nature le 24 avril 2019.

Les neuroscientifiques de l’université de Californie à San Francisco assurent avoir réussi à concevoir ce « décodeur neuronal » qui peut déceler dans « l’activité corticale humaine » les paroles qu’un individu souhaite exprimer. Cette technologie semble prometteuse pour permettre aux personnes qui ne peuvent pas parler de retrouver une voix pour communiquer. « Pour la première fois, cette étude montre que nous pouvons générer des phrases entières à partir de l’activité du cerveau des individus », explique Edward Chang, professeur de neurochirurgie et co-auteur de l’étude dans un communiqué de l’université de Californie.

L'implant inventé par les scientifiques. // Source : UCSF

L'implant inventé par les scientifiques.

Source : UCSF

À l’heure actuelle, les personnes privées de la parole peuvent s’appuyer sur des appareils qui mesurent les mouvements de leur tête ou de leurs yeux — Stephen Hawking saisissait ainsi du texte en contractant sa joue. Comme le font observer les neuroscientifiques, ces systèmes sont limités car ils reposent sur l’orthographe (il faut épeler les mots) : « La plupart des utilisateurs ont du mal à transmettre plus de 10 mots à la minute, soit une vitesse bien inférieure à la moyenne de 150 mots par minutes de la parole naturelle. »

Le cerveau code les mouvements de l’articulation

Pour dépasser cette limite, les chercheurs ont eu l’idée de « synthétiser directement la parole à partir de l’activité cérébrale ». Pour cela, ils rappellent d’abord que la parole est produite à l’aide d’une série de mouvements du canal vocal (ou tractus vocal), qui se trouve entre la glotte et les lèvres et narines. Dans une précédente étude, les chercheurs avaient travaillé sur la manière dont la partie du cerveau qui gère le langage coordonne les mouvements lorsque nous articulons. Autrement dit : ce sont ces gestes, et non les sons acoustiques, qui sont codés par le cerveau.

Les chercheurs ont utilisé cette « dynamique articulatoire » comme intermédiaire pour entraîner un réseau de neurones artificiels. L’expérience a été réalisée sur cinq participants épileptiques, qui étaient déjà traités à l’aide d’une technique invasive (des électrodes insérées dans leur crâne). Ces personnes ont prononcé des centaines de phrases à haute voix. Les scientifiques ont observé leurs mouvements et enregistré leurs signaux cérébraux.

Le fonctionnement du dispositif obtenu, qui est constitué du détecteur et de la voix synthétique, est résumé dans une vidéo publiée par l’université. Elle montre comment les signaux du cerveau, provoqués par les mouvements d’une personne en train de parler, sont synthétisés par l’intermédiaire de l’implant. Les sons prononcés par la voix artificielle sont étonnamment proches des mots qu’un humain pourrait articuler à haute voix.

Pas encore testé sur des personnes privées de la parole

L’installation n’imite pas encore parfaitement la parole humaine. Pour l’instant, l’étude n’a été menée que sur quelques individus. Cette technologie prometteuse n’en est qu’à ses balbutiements et n’a pas encore été testée sur des personnes incapables de parler, à cause d’une paralysie ou d’un autre problème sur le plan neurologique.

Le décodeur inventé par les neuroscientifiques représente cependant une avancée car il intègre pour la première fois les mouvements du système vocal, en plus de l’activité neuronale. Les scientifiques imaginent qu’un tel système pourrait permettre de reproduire des éléments importants de la parole comme l’intonation, que les appareils de communication actuels ne peuvent pas retranscrire.

Cela suppose évidemment que « le traitement cortical de l’articulation » soit encore intact chez les patients concernés. « Nos résultats peuvent constituer une prochaine étape importante dans la restauration de la parole chez des patients paralysées », concluent les auteurs.


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