Des chercheurs ont réussi pour la première fois à séquencer le génome entier de l’animal avec le plus de paires de chromosomes, à savoir : le papillon bleu de l’Atlas. Pas moins de 229 chromosomes, qui cartographiés, forment maintenant le premier référentiel génomique de l’espèce. Cette diversité génétique permet aussi d’étudier les mécanismes sous-jacents à la formation des cellules cancéreuses.

Savez-vous combien de chromosomes exactement possède un humain ? 23 paires, soit 46 chromosomes au total. Certains animaux en ont plus, d’autres moins. Toujours est-il que chez les papillons, le nombre de paires de chromosomes varie entre 23 et 24 en général.

Hormis pour une exception : le papillon bleu de l’Atlas, connu aussi sous le nom de Polyommatus atlantica. Il ne possède pas moins de 229 paires de chromosomes. C’est, à ce jour, le plus grand nombre de chromosomes présents parmi tous les animaux multicellulaire du monde.

Pour la première fois, le 10 septembre 2025, une équipe de chercheurs du Wellcome Sanger Institute à Cambridge et de l’Institut de biologie évolutive de Barcelone a publié une étude génomique de ce papillon dans la revue Current Biology. Si cette étude est intéressante pour mieux comprendre comment ce papillon a évolué, elle pourrait avoir un autre avantage : aider à mieux cerner les mécanismes qui sous-tendent la formation de cellules cancéreuses.

Le résultat d’une scission chromosomique

Le papillon bleu de l’Atlas vit, comme son nom l’indique, dans les montagnes du Maroc et d’une partie de l’Algérie.

Les recherches menées ont révélé que ses chromosomes ont été divisés à des endroits où l’ADN était moins serré, exception faite des chromosomes sexuels. Il y aurait donc une même quantité d’informations génétiques, mais découpée en de plus petits « morceaux ». Et les chercheurs pensent que c’est ce phénomène qui a fait augmenter le nombre de paires de chromosomes de 24 à 229 sur une période de 3 millions d’années, ce qui est peu au regard des normes de l’évolution.

Résumé graphique de l'étude expliquant le passage de  // Source : Roger Vila- Current Biology
Résumé graphique de l’étude expliquant le passage de 24 paires de chromosomes à 229 paires. // Source : Constraints on chromosome evolution revealed by the 229 chromosome pairs of the Atlas blue butterfly – Current Biology

D’habitude, cette fragmentation chromosomique est un évènement négatif, favorisant plutôt la disparition de l’espèce. Or, il n’en rien pour Polyommatus atlantica. Cela souligne de nombreux points d’interrogation, car si plus de chromosomes équivaut à une plus grande diversité génétique, cela entraîne aussi un plus grand risque d’extinction, dû à la complexité des mécanismes génétiques qui peuvent se produire.

« La dégradation des chromosomes a été observée chez d’autres espèces de papillons, mais pas à ce niveau, ce qui suggère que ce processus repose sur des raisons importantes que nous pouvons désormais explorer », explique Roger Vila, l’un des principaux auteurs, dans le communiqué de presse de l’Institut Wellcome Sanger. « De plus, comme les chromosomes détiennent tous les secrets d’une espèce, étudier si ces changements influencent le comportement d’un papillon pourrait permettre de mieux comprendre comment et pourquoi de nouvelles espèces apparaissent. »

Le papillon bleu de l’Atlas est un gold-standard

Réussir à séquencer le génome du papillon bleu de l’Atlas a permis aux chercheurs de l’utiliser comme un gold-standard, c’est-à-dire comme une référence à laquelle ils comparent les autres génomes de papillons. Cela leur permet de mieux comprendre l’évolution de l’espèce au fil du temps.

« Les génomes détiennent la clé de l’apparition d’une créature, mais aussi de son évolution future. Pour raconter l’histoire de notre planète, nous devons connaître l’histoire de chaque espèce et identifier leurs points communs et leurs interactions », raconte Mark Blaxter, un autre des principaux auteurs de l’étude.

L’évolution d’une espèce s’étendant sur des millions d’années, il est difficile concrètement d’en analyser l’évolution. Les scientifiques ont donc trouvé un moyen détourné pour arriver à leurs fins : ils comparent l’ADN de deux espèces d’une même famille pour « comprendre quels gènes et traits ont été conservés et lesquels ont été perdus, puis ils formulent des hypothèses éclairées sur les raisons de ces phénomènes », explique le communiqué de presse.

Et comprendre comment une espèce a évolué dans le passé peut aider à envisager comment elle évoluera à l’avenir, par exemple, par quels moyens est-ce qu’elle s’adaptera aux changements climatiques.

Des avancées possibles pour la recherche sur le cancer

En plus de fournir maintenant un référentiel pour l’ADN de papillon, l’étude des réarrangements génomiques chez le papillon bleu de l’Atlas permet également de mieux comprendre les mécanismes sous-jacents à la formation de cellules cancéreuses.

« Cela nous permet également d’appliquer les connaissances acquises d’un génome à un autre », continue Mark Blaxter. « Par exemple, le réarrangement des chromosomes est également observé dans les cellules cancéreuses humaines, et comprendre ce processus chez le papillon bleu de l’Atlas pourrait contribuer à trouver des moyens de limiter, voire d’arrêter, ce phénomène dans les cellules cancéreuses à l’avenir. »

Les cellules cancéreuses étant aussi sujettes à des modifications génétiques, étudier et comprendre de tels réarrangements génomiques chez les papillons mènera peut-être « à de nouveaux développements dans le domaine de la santé humaine et à la mise en évidence des moyens possibles de réduire ou d’arrêter ce phénomène dans les cellules cancéreuses », souligne le communiqué.

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