Une étude publiée le 30 juillet 2025 a révélé des tatouages d’une momie des steppes sibériennes ayant plus de 2 000 ans. L’utilisation de nouvelles techniques d’imagerie a permis de mettre en avant des différences de finesse entre ces tatouages, suggérant le travail de différents tatoueurs.

Le tatouage a mille et une déclinaisons. Son histoire est extrêmement riche et remonte à des époques très lointaines. Parue ce 30 juillet 2025 dans la revue Antiquity, une étude menée par plusieurs chercheurs internationaux a combiné des techniques d’imagerie de pointe et l’expertise de tatoueurs professionnels, pour révéler de nouveaux tatouages sur une momie de plus de 2 000 ans.

Ce n’est pas la première fois que des tatouages sont retrouvés sur des momies très anciennes. La plus connue d’entre elles est probablement Ötzi, un homme préhistorique découvert congelé dans les Alpes entre l’Italie et l’Autriche au début des années 1990.

Il faut d’excellentes conditions de conservation, fournies soit par le froid extrême ou par la sécheresse extrême des déserts, pour que les tatouages parviennent jusqu’à notre époque en étant encore visibles ou identifiables. Pourquoi ? Parce que la peau est fragile et se décompose facilement.

Une momie Pazyryk sibérienne qui a plus de 2 000 ans

La momie ici analysée provient des steppes de Sibérie, de la culture Pazyryk.

Conservées dans la glace des montagnes de l’Altaï, une chaine de montagnes au sud de la Sibérie, les momies de la culture Pazyryk échappent aux ravages du temps. Comment ? Parce qu’elles sont enterrées dans des « chambres funéraires profondes, enchâssées dans le pergélisol », explique un article du site Phys.org, directement fourni par la revue Antiquity.

« Les tatouages de la culture Pazyryk – les éleveurs de l’âge du fer des montagnes de l’Altaï – ont longtemps intrigué les archéologues en raison de leurs motifs figuratifs élaborés », raconte Dr Gino Caspari, l’auteur principal, affilié à l’Institut Max Planck de géoanthropologie, dans cet article.

Des techniques d’imagerie de pointe ont révélé des tatouages invisibles

Bien que préservés, les tatouages n’ont pas pu être étudiés en détail jusqu’à présent, faute d’imagerie à haute définition. Les études s’appuyaient donc principalement sur des reconstitutions manuelles et schématiques des tatouages observés.

« Les recherches antérieures se concentraient principalement sur les dimensions stylistiques et symboliques de ces tatouages, les données provenant en grande partie de reconstitutions dessinées à la main », développe le Gino Caspari. « Ces interprétations manquaient de clarté quant aux techniques et aux outils utilisés et se concentraient peu sur les individus, mais plutôt sur le contexte social global. »

Modèle 3D créé par photogrammétrie de la momie femelle de la tombe 5 de Pazyryk, montrant : A) texture dérivée de photographies à spectre visible ; et B) texture dérivée de la photographie proche infrarouge  // Source : M. Vavulin
Modèle 3D de la momie femelle montrant : A) texture dérivée de photographies à spectre visible ; et B) texture dérivée de la photographie proche infrarouge. // Source : M. Vavulin

Pour cette étude, les chercheurs ont réalisé un scanner en 3D de la momie étudiée en utilisant « une photographie numérique proche infrarouge à résolution submillimétrique nouvellement disponible », détaille Phys.org. Ils ont donc pu analyser, avec des tatoueurs professionnels, les techniques et les outils utilisés.

Ce que nous apprennent les détails incroyables des tatouages révélés

Grâce à cette méthode, les archéologues décrivent dans leur étude que « le contraste est frappant entre le manque de finesse des détails, le placement intentionnel, la perspective et la précision anatomique du tatouage appliqué sur l’avant-bras gauche et les techniques visuelles plus avancées observées sur l’avant-bras droit ».

Ils émettent donc plusieurs hypothèses :

  • Les tatouages auraient été réalisés par deux personnes différentes (peut-être un tatoueur plus expérimenté, et un apprenti),
  • Ou bien ce serait la même personne qui a réalisé les tatouages, mais à différentes époques de son évolution en tant qu’artiste.
Comparaison entre à gauche, les tatouages de l'avant-bras gauche, moins précis et à droite, les tatouages de l'avant-bras droit. Pour les deux : A) état actuel ; B) plis de peau biaisés et uniformes et compensant le processus de dessiccation, et avec la tête ongulée recréée à partir des scènes de combat des animaux de Pazyryk ; C) rendu artistique idéalisé // Source : illustrations de D. Riday
À gauche, les tatouages de l’avant-bras gauche, moins précis. À droite, les tatouages de l’avant-bras droit.
Pour les deux : A) état actuel ; B) déformé, mais en uniformisant les plis de peau et en compensant le processus de détérioration ; C) rendu artistique idéalisé. // Source : illustrations de D. Riday

Cette différence de finesse suggérerait que le tatouage n’était pas un simple ornement sans importance. Au contraire, il requérait une vraie formation et des compétences particulières sur laquelle les tatoueurs évoluaient.

Aujourd’hui, réaliser ce genre d’œuvre serait compliqué. Les chercheurs écrivent qu’ « obtenir des résultats aussi nets et uniformes, notamment avec des techniques de tatouage à la main, serait un défi, même pour les tatoueurs contemporains utilisant un équipement moderne ».

Par ailleurs, l’étude des tatouages nous apprend aussi que les dessins de l’avant-bras droit ont probablement nécessité plus d’une séance pour être réalisés.

Détails de l'exécution technique des tatouages : A) des largeurs de ligne à peu près égales indiquant l'utilisation d'un outil multipoint ; B) une finition de ligne fine indiquant l'utilisation d'un outil à point unique ; C) des lignes qui se chevauchent indiquent des pauses dans le flux de travail // Source : G. Caspari & M. Vavulin
Détails de l’exécution technique des tatouages : A) des largeurs de ligne à peu près égales indiquant l’utilisation d’un outil multipoint ; B) une finition de ligne fine indiquant l’utilisation d’un outil à point unique ; C) des lignes qui se chevauchent indiquent des pauses dans le flux de travail. // Source : G. Caspari & M. Vavulin

« Cela m’a donné l’impression de mieux comprendre les personnes derrière l’œuvre, leur façon de travailler, d’apprendre et de commettre des erreurs », conclut Gino Caspari. « Les images prenaient vie. »

Finalement, les tatouages de cette momie mettent surtout en avant une chose : ces hommes et femmes, tatoueurs et tatoués, bien qu’ayant plus de 2 000 ans, n’étaient au fond pas très différents des tatoueurs et tatoués d’aujourd’hui.

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