9 limites planétaires, liées à des processus naturels, ont été établies : plus on en dépasse, plus on met en danger la viabilité de la planète pour l’humanité. Six des neuf limites planétaires ont été officiellement franchies.

C’est une information quasiment passée inaperçue, elle est pourtant capitale : une sixième limite planétaire a été franchie en 2023. En 2009, déjà trois limites avaient été franchies. En 2015, 4 limites. Au total, donc, six limites sur les neuf répertoriées ont été dépassées. À quoi cela correspond et pourquoi est-ce si important de connaître ces valeurs ?

Combien y a-t-il de limites planétaires ?

Il existe 9 limites planétaires.

Six limites planétaires sont franchies

  • Réchauffement planétaire : c’est le changement climatique, et la concentration en CO2 dans l’atmosphère. La limite est fixée à 350 ppm, mais est actuellement à 415 ppm.
  • L’intégrité de la biosphère : il s’agit notamment de l’état de la biodiversité. Le taux d’extinction « normal » est 10 espèces sur 1 million par an. Le taux actuel est de 100 à 1 000 espèces sur 1 million par an (c’est le phénomène de sixième extinction de masse, une disparition des espèces causée par l’être humain).
  • Les cycles biochimiques de l’azote et du phosphore : le phosphore et l’azote sont des éléments essentiels à la vie. Les activités humaines, aujourd’hui, perturbent leurs cycles naturels, ce qui entraîne une cascade de dégâts : anoxie des océans, eutrophisation des eaux douces continentales, prolifération d’algues vertes.
  • Modification de l’usage des sols : c’est la transformation ou la destruction de milieux naturels (ou semi-naturels) comme les forêts et les prairies, en particulier au profit de terres agricoles. Cela fait référence, notamment, à la déforestation. En 2015, plus que 62 % des terres forestières sont encore boisées. La limite était de 75 %.
  • Pollution chimique (ou introduction de « nouvelles entités » perturbatrices dans l’environnement ) : métaux lourds, composés synthétiques, perturbateurs endocriniens, etc., qui polluent l’environnement au sens large. Une étude de 2022 attestait du dépassement de cette limite.
  • L’eau douce : la limite est fixée 4 000 kilomètres cubes par an en consommation des ressources en eaux de ruissellement. En 2022, la limite a été franchie pour l’eau verte. En 2023, elle est franchie pour l’eau bleue.

3 limites planétaires ne sont pas encore franchies

  • La couche d’ozone
  • L’acidification des océans
  • La concentration en aérosols atmosphériques

À quoi correspondent les limites planétaires ?

Les limites planétaires sont un concept établi en 2009 par Johan Rockström, au Stockholm Resilience Centre (avec l’université nationale australienne), à l’appui d’une équipe de 28 scientifiques. Cela donne lieu à une étude devenue une référence dans l’écologie : A safe operating space for humanity, publiée dans la revue scientifique la plus réputée au monde, Nature.

Cette étude identifie et quantifie des limites qui, si elles sont transgressées par les activités humaines, peuvent provoquer des changements environnementaux catastrophiques. Chaque limite correspond à un processus biologique (naturel). Lorsqu’il est perturbé, une cascade de problèmes se déclenchent et s’accentuent. Par exemple, la modification des sols participe au déclin de la biodiversité, réduit les services écosystémiques, augmente le risque d’inondations, réduit le stockage naturel de carbone et augmente les émissions de gaz à effet de serre.

Ne pas franchir ces limites garantit aussi de bonnes conditions de vie pour l’humanité. Ces limites constituent effectivement un « espace de fonctionnement sécurisé pour la vie humaine », espace que nous quittons peu à peu à mesure que les limites sont dépassées.

Ces limites sont un modèle, une proposition. Il existe d’autres méthodes d’analyse, et celle-ci fait bien entendu l’objet de débats, de nuances, de critiques. Cela reste cependant un cadre très considéré et bien installé dans l’écologie scientifique depuis 2009, notamment, car diverses études complémentaires ont eu depuis entre-temps en s’appuyant dessus.

Les limites planétaires (2023) en un graphique

À chaque mise à jour, le Stockholm Resilience Centre — à l’origine de la notion des limites planétaires — fournit un graphique. Le dernier en date a été publiée en 2023 (en anglais). Pour le comprendre, il faut le regarder comme une sorte de jauge. Au centre, vous avez l’espace de fonctionnement sécurisé pour la vie humaine. C’est ici une sphère, délimitée par des pointillés. Chaque limite est dans chaque colonne ayant pour titre le processus biologique en question. La jauge se remplit en fonction du dépassement, en allant du vert vers le rouge.

Les limites planétaires en 2023. Au centre, l'espace de fonctionnement sécurisé pour la vie humaine. Chaque colonne montre la valeur du dépassement. // Source : Stockholm Resilience Centre
Les limites planétaires en 2023. Au centre, l’espace de fonctionnement sécurisé pour la vie humaine. Chaque colonne montre la valeur du dépassement. // Source : Stockholm Resilience Centre

Il y a parfois des sous-catégories dans chaque limite. L’intégrité de la biosphère est découpée en :

  • Intégrité génétique : la richesse et l’abondance des espèces ;
  • Intégrité fonctionnelle : on peut vulgairement le résumer comme une « biodiversité utile » — même si toute espèce joue un rôle — car c’est la diversité des espèces qui fournissent des services établis aux écosystèmes, mais aussi à l’agriculture.

Le taux de dépassement peut varier entre ces catégories.

La limite de l’eau douce franchie en 2023

La limite de l’eau douce a été franchie en deux étapes. D’abord, en 2022 pour l’eau verte — celle qui est « stockée dans le sol et la biomasse, qui est évaporée ou absorbée et évapotranspirée par les plantes et retourne directement à l’atmosphère » explique l’INRA. En 2023, c’est officiellement celle de l’eau bleue qui est dépassée, à savoir l’eau que l’on trouve dans les nappes phréatiques, les lacs, les cours d’eau, par ruissellement.

On doit cette information à une nouvelle étude, publiée en septembre 2023 par le Stockolhm Resilience Centre. Ce centre universitaire à l’origine de la notion des limites planétaires en a publié une mise à jour, qui constitue la première quantification complète de ces limites (auparavant, certaines n’avaient pas encore été pleinement analysées).

« L’activité humaine affecte plus que jamais le climat et les écosystèmes de la Terre, ce qui met en péril la stabilité de l’ensemble de la planète », constatent les auteurs de ces nouveaux travaux.

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