Gare aux jambes et aux bras, c’est la saison des tiques. En France, le parasite grouille dans les zones humides où la température oscille entre 10 et 25 degrés. Il raffole donc des forêts, des prairies, des jardins et des parcs. Pour se nourrir, le gros acarien, qui peut atteindre jusqu’à un centimètre à l’âge adulte, s’accroche aux mammifères (chevreuils, sangliers, rongeurs), aux oiseaux et aux humains, les pique et aspire leur sang.
Alors que l’on se pose la question d’éradiquer les moustiques, qui se sont multipliés en France métropolitaine, qu’en est-il des tiques ? Sont-elles aussi devenues plus dangereuses à cause du changement climatique ?
Certaines tiques, notamment Ixodes ricinus, sont de potentiels vecteurs de la maladie de Lyme, qui entraîne chaque année plusieurs centaines d’hospitalisations. Un risque sur lequel les différents gouvernements et les organismes de santé sensibilisent activement depuis quelques années. Avec le dérèglement du climat, ceux-ci vont sûrement devoir redoubler d’efforts. Début juin 2023, l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) alertait sur la potentielle multiplication de tiques porteuses d’agents pathogènes plus dangereux pour l’humain.
« Ces tiques aiment le changement climatique »
L’organisme mentionne spécifiquement l’Hyalomma marginatum, qui transmet la fièvre Crimée-Congo (FHCC). Présent en Corse et dans le sud de l’Hexagone depuis 2015, le minuscule vampire « pourrait étendre son implantation » à travers le territoire à la faveur du changement climatique, expliquait l’organisme dans un communiqué. Chez l’humain, la fièvre de Crimée-Congo se limite généralement à un syndrome grippal avec troubles digestifs. Dans certains cas, elle peut néanmoins s’aggraver et se traduire par un syndrome hémorragique, dont le taux de mortalité atteint 30 % dans certains pays.
C’est vrai, « elle nous inquiète un peu, détaille Karine Chalvet-Monfray, professeur en biostatistique et épidémiologie et directrice adjointe de l’UMR Epia (épidémiologie des maladies animales et zoonotiques) à Numerama. Ces tiques aiment le changement climatique (l’augmentation des périodes chaudes et des climats secs). »
Et, à l’inverse des moustiques, qui peuvent aussi transmettre des maladies virales (chikungunya, dengue, paludisme, etc), les tiques ne font pas l’objet d’une surveillance nationale. Ce, « alors qu’elles transmettent des maladies graves […]. Pour se préparer au mieux à l’émergence potentielle du virus de la FHCC sur notre territoire, il est essentiel [surveiller] les tiques en France, mais également de celles qui arriveraient en provenance de pays où le virus circule actuellement », prévenait le 1er juin Elsa Quillery, coordinatrice de l’expertise scientifique de l’étude de l’Anses. Mais, pour l’instant, pas d’affolement : « Aucun cas humain de contamination par le FHCC n’a encore été observé » en France, rassure l’Anses. « Et quand elles piquent, elles font mal, donc il est facile de sentir leur présence » et de s’en débarrasser avant qu’elles ne s’installent, ajoute Karine Chalvet-Monfray.
Des tiques retrouvées jusque dans les montagnes
En plus d’attirer de nouvelles espèces, le changement climatique bouleverse les habitudes des tiques déjà implantées sur le sol français. « La présence des tiques en France pourrait être soumise à d’importantes variations. L’action de l’humain risque de renforcer les modifications de la répartition des tiques et favoriser en général leur développement », expliquait l’été dernier le Commissariat général au développement durable (CGDD).
En cause, pointait alors l’organisme : la modification des températures saisonnières, comme les hivers plus doux, qui « permet aux populations de tiques de coloniser des habitats à plus haute altitude ». Ainsi, se multipliant habituellement dans le centre, le nord-est et le sud-ouest de l’Hexagone, le minuscule vampire est désormais retrouvé en haute montagne où il se faisait jusqu’alors plutôt rare. « J’en ai trouvé à 1 400 mètres d’altitude. Avant, ce terrain ne leur était pas vraiment favorable », rapporte la spécialiste des tiques.
S’ajoute à ce phénomène la perturbation des milieux forestiers (parcellisation, fragmentation, monocultures, pesticides, artificialisation des sols). Tout cela créerait, d’après le CGDD, « des environnements très favorables pour les tiques et leurs espèces hôtes privilégiées (ongulés, rongeurs…). Enfin, la fragmentation des forêts favorise aussi la rencontre entre humains et tiques, ce qui accroît globalement le risque de contamination ».
Un point que nuance néanmoins Karine Chalvet-Monfray : « Des forêts qui souffrent, ce n’est pas bon pour les tiques, car il y a alors moins d’humidité » et celles-ci « n’aiment pas la sécheresse ». De même pour les températures. Si les hivers plus doux sont propices à la propagation des tiques, les étés caniculaires, en revanche, ne leur offrent pas un environnement accueillant. « Mais cela ne veut pas dire que nous serons débarrassés d’elles. Les tiques iront trouver une zone refuge, comme aux bords des rivières. Là où l’humain ira sûrement se réfugier aussi », pointe finalement la chercheuse.
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