Il y a des découvertes qui changent la face du monde. La domestication du feu est réputée avoir changé le cours de l’histoire pour l’humanité : il a permis d’améliorer la survie, mais aussi la cuisson des aliments ou encore de pouvoir s’éclairer la nuit. Des pans entiers de la vie de nos ancêtres ont peu à peu évolué grâce à cela. Mais à partir de quel moment, exactement, cette domestication déterminante a-t-elle eu lieu ?
Pour trouver la réponse, les archéologues doivent étudier les sites où il demeure des traces de feux maîtrisés dans des campements préhistoriques. Cela nécessite de se pencher sur des restes d’objets consumés, sur la couleur des sols et des pierres, sur la forme des matériaux à travers le temps. C’est une étude visuelle et chimique. Les technologies mobilisées par l’archéologie ont toutefois évolué : dans de nouveaux travaux publiés en juin 2022, les auteurs ont utilisé une forme d’intelligence artificielle en guise de thermomètre.
L’outil est assez surprenant : grâce à la spectroscopie et à un algorithme de deep learning (apprentissage profond), le thermomètre peut détecter les plus infimes changements chimiques dans les pierres et les fossiles, permettant de déterminer à quel type de chaleur les objets ont été exposés.
Le feu a-t-il été maîtrisé il y a 1 million d’années ?
En utilisant cette IA sur des outils en silex datés d’il y a 0,8 à 1 million d’années avant notre ère, sur un site en Israël, les archéologues ont découvert des signatures thermiques très intéressantes : ils ont été chauffés à des températures très variées et atteignant parfois jusqu’à 400 degrés Celsius. Ce chiffre signifie que ces silex (et morceaux de défense) ont été volontairement mis au contact d’un feu.
La possibilité d’un feu de forêt existe pour expliquer ces températures, sauf que tous les outils étudiés étaient rassemblés en un seul et même endroit, ce qui permet de supposer très fortement une situation sous contrôle par les hominidés de l’époque et de ce site. La potentialité d’un feu de camp maîtrisé est importante, car, auparavant, on estimait que l’usage du feu par les tout premiers hominidés était « opportuniste » et hasardeux.
On pensait alors que la domestication du feu à proprement parler (savoir le mobiliser pour cuire de la nourriture, faire un feu de camp, chauffer un outil, etc.) ne datait que d’un demi-million d’années, les traces d’un usage courant ne devenant significatives qu’il y a 400 000 ans. Mais la nouvelle découverte d’un feu maîtrisé dans un campement vieux d’un million d’années change la chronologie. Cette trouvaille est, de plus, cohérente avec d’autres observations archéologiques in situ — comme le montrait une étude de 2012 basée sur les anciennes techniques.
« Cette étude révèle la présence du feu dans un site du Paléolithique inférieur dépourvu de signes visibles de pyrotechnie, et ajoute un nouveau site du Paléolithique inférieur à une poignée de sites archéologiques présentant des preuves associant à la fois le feu et des artefacts produits par les premiers hominidés », écrivent les auteurs. L’usage de cette nouvelle technologie a le potentiel, selon eux, d’« extraire des informations ‘cachées’ sur les activités liées à la pyrotechnologie d’autres sites ».
Cela signifie que l’on pourrait non seulement mieux dater la domestication du feu, mais aussi mieux comprendre comment il a peu à peu changé la façon dont nos ancêtres vivaient.
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