Le chef-d’œuvre La Parabole du Semeur, publié en 1993, sera prochainement adapté au cinéma. L’œuvre d’Octavia Butler, écrivaine américaine née en 1947 et décédée en 2006, a marqué la science-fiction et la littérature dans son ensemble à la fin du XXe siècle, même si elle a été bien trop peu médiatisée. Elle a cependant remporté de prestigieux prix littéraires comme le Hugo et le Nebula, ce qui était une première pour une femme afro-américaine. Ses ouvrages portent en eux une critique sociale des structures hiérarchiques de la société– racisme, sexisme, ethnocentrisme.
Mais la science-fiction d’Octavia Butler est aussi une littérature d’espoir d’une grande puissance ; où les « survivants » peuvent s’en sortir grâce à leur courage voire à des mains tendues, et où les solutions et les organisations alternatives sont évoquées comme possibles.
En France, il a fallu près d’une vingtaine d’années avant que l’on trouve enfin une réédition de certaines de ses œuvres majeures — la série des Paraboles mais aussi Liens de Sang et Novice sont maintenant chez le Diable Vauvert, depuis 2020. Aux États-Unis, sa bibliographie connaît une nouvelle mise en valeur depuis quelques années. Résultat, son roman La Parabole du Semeur est enfin entré, 32 ans plus tard, dans la liste des best-sellers du New York Times, obtenant une reconnaissance bien méritée.
La nouvelle visibilité de son travail ne va que grandissant. Ce 26 juillet 2021, le média américain Deadline a révélé que les droits de ce roman ont été acquis par la société de production/distribution A24 (qui contient dans son catalogue le film Ex Machina, la série Euphoria…). L’adaptation cinématographique a été confiée à la réalisatrice Garrett Bradley, acclamée pour le film Time et la docu-série dédiée à Naomi Osaka sur Netflix.
La Parabole du Semeur
La Parabole du Semeur se déroule dès 2024 dans un contexte post-apocalyptique. Entre le capitalisme effréné et sans garde-fou, les inégalités sociales extrêmes, le dérèglement climatique à l’origine d’intenses sécheresses et d’une accentuation de la misère sociale, la société américaine représentée par Butler est en bien mauvais état et clairement en cours d’effondrement. Si l’ouvrage appartient bien au genre post-apocalyptique, il perdure quelques structures sociétales qui maintiennent encore un semblant de monde organisé, mais ces structures tombent progressivement en ruines et la violence s’accroît.
Dans ce paysage, une figure émerge : Lauren Olamina, une héroïne hyper-empathique, un don terrible qui la fait souffrir (corporellement, jusqu’à en saigner) à chaque fois qu’elle est proche de quelqu’un qui souffre. Au fil de ses écrits, elle imagine un nouveau système de croyances, proche d’une religion, nommé « Semence de la Terre » (Earthseed). Alors que son quartier est attaqué lorsqu’elle a 18 ans, elle parvient à s’enfuir et entame un périple, accompagné d’autres personnes, pour tenter de fonder, sur Terre ou dans les étoiles, une nouvelle société, proche de l’utopie, qui serait fondée sur le changement, l’entraide et la diversité. Pour y parvenir, elle va devoir traverser le pays effondré et ses visions d’horreur.
Cette œuvre visionnaire a toute sa place dans notre contexte actuel (défis climatiques, biais racistes et patriarcaux…), car en plongeant dans le futur, Octavia Butler parle du présent. Bien que son livre fut publié en 1993, elle parle autant de son présent que du nôtre. Peut-être l’ouvrage a-t-il même encore plus de pertinence aujourd’hui. Avec Butler, la quête utopique consiste avant tout à identifier avec une précision redoutable ce qui cloche, à exposer en plein jour sans tabou ce qui est enfoui, à donner de la voix à ce qui est bâillonné, puis à avoir le courage d’envisager l’ailleurs et l’autrement. La Parabole du Semeur est la chronique nécessaire d’un imaginaire du changement, de l’entraide et de la diversité sociale, comme sublime contre-attaque contre toutes les formes oppressives qui se complaisent dans l’idée fausse d’un monde immuable et hiérarchisé.
Cette adaptation cinématographique est donc à suivre, puisqu’elle est plus que bienvenue pour offrir toute la visibilité au travail de Butler. En un sens, on peut même affirmer qu’il était temps. Rappelons qu’une série Kindred, adaptée de Liens de sang, est également prévue, et il y a déjà une réalisatrice.
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