Chaque week-end, c’est la compilation de l’actualité de la propriété intellectuelle et de ses dérives, concoctée par Lionel Maurel et Thomas Fourmeux, spécialistes de la question du copyright.

Cette semaine, le Copyright Madness revient sur un illustrateur suisse qui s’est fait débouter en justice, Nirvana qui ne sourit pas et un cas de dérive dans les brevets qui fait perdre le fil. Bonne lecture et à la semaine prochaine !

Copyright Madness

Be API. Oracle et Google sont en procès depuis plusieurs années. Le géant de la recherche est accusé par Oracle d’avoir utilisé plusieurs API de Java pour le développement d’Android. Selon le plaignant, ces API sont protégés par un copyright et Google les aurait réutilisées sans l’autorisation explicite d’Oracle. Pour essayer d’en finir avec ce procès à rallonge, Google a déposé une requête auprès de la Cour suprême afin que la plus haute juridiction définisse les limites d’utilisation de code dans des programmes informatiques. Cette initiative est à double tranchant car si la Cour suprême répond en faveur des intérêts d’Oracle cela pourrait avoir des conséquences sur les usages du web. En refusant de déposer un brevet sur le Web, Tim Berners-Lee lui a conféré une philosophie d’ouverture. De même, l’architecture d’Internet repose sur des protocoles ouverts indispensables à son fonctionnement. Les dérives de la propriété intellectuelle appliquées au Web risquent d’aboutir à des enclosures dramatiques…

Eczéma. Douche froide pour le dessinateur Suisse Exem. Il s’est fait débouter par la Cour de justice suisse dans le cadre d’une affaire qui l’oppose à l’Association des juristes progressifs. Le 10 février prochain, la Suisse organise une votation qui porte sur la future loi pour la laïcité. Une bataille entre les partisans du oui et du non fait rage et l’AJP fait campagne pour le non. Elle a réalisé des affiches pour s’opposer à cette loi. Or sur cette affiche, on retrouve un logo dessiné par l’artiste Exem en 1994 pour cette même association. D’après lui, il n’a pas cédé ses droits pour cette nouvelle utilisation et, pire encore, il a fait une affiche pour la promotion du oui. La Cour a jugé qu’il n’y avait pas de contrefaçon, car aucun contrat n’avait été signé entre les deux parties. Par conséquent, rien ne permet de déterminer s’il a cédé ses droits. Pour enfoncer le clou, le juge a également fait la morale au dessinateur en lui expliquant que l’association n’allait pas lui demander l’autorisation à chaque fois que le logo était réutilisé. Le juge est probablement pour le non ! ;-)

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Deepfake. On ne plaisante pas avec le droit d’auteur au Japon ; un Japonais en a fait l’amère expérience. Le contrefacteur s’est fait prendre en flagrant délit par la police qui menait une enquête en ligne. Les autorités japonaises se sont aperçues qu’un internaute commercialisait des figures en ligne. Jusque-là rien ne semble constituer un délit sauf que le délinquant fabriquait des figurines issues d’animés japonais. Il prenait la tête d’un personnage de manga et le collait sur le corps d’un autre puis les vendait. Bien évidemment, il n’avait pas demandé l’autorisation des créateurs des mangas pour ses créations. Résultat des courses, il s’est fait arrêter. Carlos Ghosn va avoir un compagnon de cellule.

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Une figurine d’anime. // Source : Nikita

Trademark Madness

Rape me. Depuis la mort de Kurt Cobain, le groupe Nirvana n’est plus très productif. Cependant, il demeure toujours actif dans un autre domaine, le business. On apprend cette semaine qu’une entreprise chargée de défendre les intérêts du groupe a poursuivi le couturier Marc Jacobs pour avoir réutilisé le symbole du groupe. En effet, pour une collection de vêtements, Marc Jacobs a utilisé un smiley qui ressemble à celui du groupe de rock. Les yeux en croix ont été notamment remplacés par un J. Pour le groupe, cette utilisation frauduleuse de la marque est une contrefaçon qui porte atteinte à leurs droits. Le couturier est également accusé d’entretenir une confusion en ayant recours à un smiley similaire. Est-ce que le groupe est au courant qu’on utilise des smileys sur le Web ?

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Le logo de Nirvana.

Source : Andrea de Poda

Santé. Quelle est la différence entre Happy Apple et Happy Apples ? Le cannabis ! Happy Apples est une société qui commercialise des produits à base de pomme. Elle est contrariée qu’une entreprise adopte un nom très semblable, car elle a peur que cela provoque une confusion dans l’esprit des consommateurs. Elle a donc saisi le tribunal pour essayer de faire annuler la marque de la seconde entreprise. Il n’y a pas encore de décision finale mais dans un premier temps, le juge semble écarter la contrefaçon de marque en rappelant que s’il s’agit de noms similaires, les produits sont radicalement différents. La différence entre les pommes et l’herbe suffit à éloigner le risque de confusion. Par ailleurs, le juge a précisé que la réglementation des produits à base de cannabis est très stricte et contribue à réduire les risques de confusion. Bon et puis rappelons tout de même que ni « Happy » ni «  Apple » de ne sont très originaux ou distinctifs. Peut-être que Happy Apples devrait consommer les produits d’Happy Apple, ça les détendrait… :-)

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Une histoire de pommes. // Source : Gordon Thomson

Patent Madness

Perdre le fil. Apple commence bien l’année avec un nouveau procès pour violation de brevets. Cela devient systématique et manque cruellement d’originalité. Cette fois-ci, la victime est l’entreprise Rembrandt Wireless Technologies spécialisée dans le Bluetooth. Dans sa plainte, elle affirme qu’Apple a réutilisé deux de ses brevets dans la plupart de ses appareils, sans payer de licence. C’est un schéma assez classique de plainte. Mais cette affaire prend une tournure croustillante quand on sait que Rembrandt n’est plus propriétaire des brevets. L’entreprise sort la carte de l’antériorité même si les brevets ont expiré. Sur un malentendu, cela pourrait passer.

Les différentes tailles d'iPhone, du 5S au X // Source : YouTube/Nick Ackerman

Les différentes tailles d'iPhone, du 5S au X

Source : YouTube/Nick Ackerman

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Lionel Maurel

Thomas Fourmeux

Merci à tous ceux qui nous aident à réaliser cette chronique, publiée sous licence Creative Commons Zéro, notamment en nous signalant des cas de dérives sur Twitter avec le hashtag #CopyrightMadness !


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