Dans Overwatch, le FPS multijoueur de Blizzard, l’une des héroïnes jouables, Symmetra, est autiste. Mais cette caractéristique ne paraît pas forcément évidente aux yeux de tous les joueurs : Blizzard a ainsi évité le piège d’une représentation caricaturale qui desservirait son objectif.

Pour Samuel, grand adepte d’Overwatch, le FPS en équipe de Blizzard qui compte plus de 30 millions de joueurs, Symmetra s’est vite imposée comme son personnage préféré. Si ce choix s’est fait instinctivement, le jeune joueur autiste a ensuite réalisé qu’il appréciait particulièrement certaines caractéristiques de l’héroïne indienne spécialisée dans le placement de téléporteurs et autres tourelles parce qu’elles lui rappellent justement certains de ses comportements.

Comme lui, Symmetra reste insensible aux blagues — en l’occurrence, de son collègue Torbjörn –, auxquelles elle répond toujours au premier degré. Elle considère par ailleurs le désordre comme le « véritable ennemi de l’humanité » et manifeste une obsession pour les espaces structurés, deux signes potentiellement caractéristiques du trouble du spectre de l’autisme.

Intrigué, Samuel profite d’un projet scolaire qui consiste, pour chaque élève, à contacter une personnalité publique qu’il admire, pour en avoir le cœur net. Dans sa lettre adressée à Jeff Kaplan, directeur d’Overwatch, il va à l’essentiel : « Cher M. Kaplan, ma question principale concerne Symmetra. Elle est de loin mon personnage préféré. Je voudrais juste tirer une chose au clair : est-elle autiste ? En tant qu’autiste, j’adorerais le savoir. »

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« Symmetra est autiste »

Un mois plus tard, Samuel reçoit une réponse de Jeff Kaplan : « Cher Samuel, je suis content que tu m’aies parlé de Symmetra. Elle est autiste. Il s’agit d’un de nos héros préférés et nous jugeons qu’elle montre à merveille à quel point une personne autiste peut être géniale. » L’échange devient viral après la publication de cette réponse par Samuel sur Tumblr.

L’adolescent revient sur cette expérience quelques semaines après dans une vidéo YouTube : « Tellement de gens rejettent les enfants autistes, ou utilisent le terme comme une insulte foireuse. Mais j’ai dit [à Jeff] que j’étais autiste et il s’en foutait. […] Il m’a considéré comme une personne normale et m’a répondu. »

Les réactions de la communauté de joueurs n’ont pas tardé à fuser après la publication en ligne, début mars 2017, de la lettre reçue par Samuel. Sur Reddit, l’utilisateur XeernOfTheLight en profite pour aborder frontalement le sujet : « L’autisme n’est pas une insulte. Ce n’est pas un meme stupide… Je vais donc faire la chose la plus effrayante de ma vie, en utilisant Reddit pour parler de mon ressenti sur un sujet qui m’affecte au quotidien. »

Celui qui explique avoir été victime de harcèlement à l’école en raison de son comportement remercie ensuite l’équipe d’Overwatch d’avoir conçu le personnage de manière intelligente : « Si elle courait partout en criant ‘LES GARS JE SUIS AUTISTE !!’ ou l’écrivait sur tous les murs, ce serait vraiment une mauvaise représentation. À la place, elle garde ses pensées pour elle en construisant ses tourelles, probablement en y prenant grand plaisir. En tant que personne autiste, c’est ce que je m’efforce d’atteindre. »

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Des indices distillés dans un comics

De son vrai nom Satya Vaswani, Symmetra est, selon la description officielle de Blizzard,  une indienne de 28 ans qui a su s’extirper du milieu pauvre où elle est née en rejoignant une école d’architecture. Le portrait du personnage ne dit pas un mot de son autisme, justement par souci de ne pas le réduire à cette seule caractéristique.

Blizzard préfère à la place distiller des indices : son malaise près des foules, le sentiment d’être « différente » … toutes ces caractéristiques sont évoquées dans le comics de 10 pages dédié à l’héroïne et publié en mai 2016, juste avant la sortie du jeu.

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« Symmetra est définie par un ensemble de caractéristiques »

Il n’était en effet pas question, chez Blizzard, de stigmatiser indirectement l’héroïne en raison de cette caractéristique. « Nous ne voulions pas que Symmetra soit connue comme ‘le personnage autiste’, souligne Michael Chu, designer en chef du jeu, à Wired. Elle est définie par un ensemble de caractéristiques diverses : son éducation, ses pouvoirs spécifiques et les défis qu’elle affronte. »

Dans le même ordre d’idée, l’équipe a très vite décidé de minimiser la couleur de peau et les nationalités de tous les personnages, pour éviter les archétypes : « L’idée était de ne pas seulement entendre ‘Oh, Tracer est l’héroïne britannique, Symmetra l’Indienne, et le cowboy McCree le héros américain’… Nous étions soucieux d’en faire des protagonistes en 3 dimensions, dotés de caractéristiques différentes plutôt que d’une en particulier » précise Michael Chu.

Symmetra n’est pas le seul personnage d’Overwatch à représenter une minorité au sein de la communauté de joueurs. On trouve aussi Tracer, une Britannique lesbienne, Junkrat, un Australien avec une prothèse à la place d’une jambe, ou encore Ana, une Égyptienne borgne. Tous ces protagonistes côtoient des stéréotypes assumés, comme Soldier, le vétéran qui a toujours connu la guerre.

Jeff Kaplan se dit surpris du nombre de joueurs convaincus que la diversité était l’objectif poursuivi par Blizzard. Il tient à nuancer cette idée reçue : « Ce qui nous importait, c’était de créer un jeu et un univers de jeu où chacun se sente bienvenu. Vraiment, le but c’était l’inclusion et l’ouverture d’esprit. »

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