Il y a deux ans, Assassin’s Creed sortit d’une étonnante période de silence avec le surgissement d’un épisode inédit et singulier, Assassin’s Creed Mirage, qui venait autant combler un calendrier désertique pour Ubisoft que tenter de satisfaire les attentes d’une frange de joueurs et joueuses nostalgiques des premiers épisodes, avant que la série ne bascule dans cette mode des mondes ouverts gargantuesques. Le mandat fut alors confié au jeune studio de Bordeaux, qui releva brillamment un défi loin d’être simple dans les contraintes budgétaires et temporelles qui furent les leurs. Si Ubisoft n’a jamais officiellement communiqué sur les ventes de cet épisode (mais se réjouissait de son lancement très réussi), les échos en interne sont positifs à l’égard d’un épisode au succès d’estime certain et qui aura surtout réussi à largement rentrer dans ses frais. Néanmoins, cela reste étrange de voir du contenu additionnel débarquer pour un jeu datant d’il y a deux ans, a fortiori après qu’un Assassin’s Creed majeur soit sorti entre-temps.
C’est le quotidien Les Échos qui a révélé les origines de ce soudain ajout au début de cette année : Ubisoft a noué un partenariat avec Savvy Games Group, propriété du Public Investment Fund (PIF) de l’Arabie saoudite. Depuis plusieurs années, le royaume pousse tranquillement ses pions dans le jeu vidéo : il possède déjà des parts dans Activision Blizzard, Take-Two et même Nintendo et Capcom, sans parler de son importante offensive du côté de l’e-sport. La toute récente annonce du rachat d’Electronic Arts en est une autre illustration éclatante. En l’occurrence, si les détails financiers de l’accord avec Ubisoft n’ont jamais été dévoilés, notre confrère des Échos évoquait alors très clairement qu’une des contreparties serait un DLC pour Assassin’s Creed Mirage. Au-delà d’un énième investissement financier dans ce secteur, Valley of Memory est donc aussi un levier de soft power pour le régime dictatorial, sans doute ravi de s’offrir une belle carte postale historique. Car, bien évidemment, ce chapitre inédit nous mènera dans la région d’AlUla au nord-ouest de la péninsule arabique.

Où t’es, papaoutai ?
Néanmoins, si ses origines sont questionnables à bien des égards, l’opportunité de prolonger Assassin’s Creed Mirage a vite été saisie par les équipes de Bordeaux. Il faut dire que durant le développement de cet épisode pas comme les autres, l’envergure du jeu fit longuement débat et peina à se fixer en raison des contraintes de temps et d’envies créatives contradictoires. Durant longtemps, l’aventure principale aurait dû être narrativement renforcée par l’apport de trois arcs complémentaires ayant pour but d’étoffer la personnalité de Basim, le héros de cet épisode, au travers de missions chargées de développer ses liens avec Roshan (sa mentor), Ali ibn Mohammed (leader de la rébellion des Zanj) et enfin son père. Faute de temps et de budget, ces séquences furent coupées en cours de production, mais l’une d’elle va donc finalement voir plus ou moins le jour sous la forme de ce Valley of Memory.
Dans ce chapitre annoncé long d’une demi-douzaine d’heures, Basim se rend à AlUla sur les traces de son père disparu, banni par le calife il y a de nombreuses années — raison pour laquelle Basim finit à la rue et devint le voleur que l’on découvre au début de Assassin’s Creed Mirage. Après Naoe et sa mère dans Traque sur Awaji, Ubisoft Bordeaux a, semble-t-il, quelques problèmes relationnels familiaux à gérer… Plus formellement, cet ajout à l’aventure principale sera gratuit et viendra se glisser juste avant l’acte IV qui mène vers le dénouement du jeu et donc à un moment où Basim a largement développé toutes ses capacités d’Assassin. Ce nouveau chapitre est, en effet, prévu pour proposer un challenge affûté, toujours très axé sur l’infiltration avec le retour de missions black box (ces bastions ouverts où plusieurs opportunités d’enquête et d’approche sont proposés aux joueurs et joueuses).

C’est l’heure AlUla
Côté gameplay, le chapitre doit se nicher naturellement dans l’aventure originale et n’a pas vocation à bousculer quoi que ce soit, même si l’on nous promet quelques petits ajustements çà et là. On note simplement un soudain attrait de Basim pour la musique. Comme les partitions de chants marins dans Assassin’s Creed IV: Black Flag, Valley of Memory proposera quelques séquences de Parkour pour tenter de rattraper une mélodie de oud emportée par le vent. Au-delà du clin d’œil nostalgique, cela permettra ensuite des séquences contemplatives où Basim peut s’assoir quelques instants devant un panorama spécifique pour jouer le morceau collecté dans un esprit qui rappelle Ghost of Yotei. Valley of Memory introduira aussi une nouvelle faction hostile adepte du guet-apens, avec un nouvel archétype d’ennemi chargé de pimenter un peu les combats.
Ce que l’on retient principalement de Valley of Memory est son aire de jeu. Étonnamment généreuse, elle rivalise en superficie avec la ville de Bagdad et sa périphérie. Elle se découpe en cinq districts dont la ville d’AlUla, une oasis et surtout trois sites naturels d’exception. En s’aventurant plus au nord, au-delà d’impressionnantes zones désertiques, on pourra découvrir des nécropoles nimbées d’une ambiance mystique et les vestiges de la cité nabatéenne d’Hégra, tout particulièrement le Qasr al Farid, ce spectaculaire tombeau creusé dans un rocher monumental posé au beau milieu du désert. D’autres lieux emblématiques seront aussi du voyage comme l’improbable Elephant Rock et sa silhouette rocheuse si singulière et évocatrice. Sur ce point au moins, l’un des enjeux initiaux est réussi : le méconnu patrimoine culturel, historique, architectural et naturel de l’Arabie saoudite apparaît dans toute sa splendeur.

Allers-retours Paris-Bordeaux
Si l’on s’en tient à une simple considération de joueur ou joueuse, Valley of Memory s’annonce prometteur, pour sa partie touristique, de toute évidence, mais aussi narrative puisqu’elle permettra de découvrir au moins un petit bout de ce que Bordeaux et plus particulièrement, son ex-directrice de la narration, Sarah Beaulieu, avaient prévu comme récit personnel autour de son personnage. Il reste à voir ce que les nouvelles missions auront réellement à proposer au final. Valley of Memory reste, en effet, une production très singulière, éclair, vu qu’elle a commencé en 2024 (selon toute vraisemblance, vers la fin de l’été). Pour l’occasion, il est d’ailleurs notable de souligner qu’une équipe entière d’Ubisoft Paris (qui venait tout juste d’officier sur Star Wars Outlaws) est venue en renfort de Bordeaux et l’équipe de Assassin’s Creed Mirage — qui était alors en pleine production de Traque sur Awaji. Plus qu’un studio co-dev (comme c’est très commun chez Ubisoft), on peut parler d’un véritable jumelage puisqu’il y a eu quelques transfuges et fusions d’équipe entre les deux structures. La core team est d’ailleurs principalement composée de parisiens et parisiennes, celle de Assassin’s Creed Mirage a supervisé les choses (surtout la conception), mais semblait occuper ailleurs…
Valley of Memory devrait donc être une belle petite surprise pour les fans du jeu d’origine.

Outre la nouvelle histoire à AlUla, Assassin’s Creed Mirage se verra d’ailleurs aussi paré d’un tout nouveau mode de jeu qui devrait séduire celles et ceux qui voudraient éprouver leur talent d’assassin de l’ombre. Les game designers de Bordeaux ont en effet imaginé un système de défis qui permet de refaire à l’envi l’intégralité des missions principales en tentant de relever trois challenges (ne pas faire de victime, ne jamais se faire repérer, réaliser tel objectif dans un temps imparti…) un peu comme ce qu’avait introduit Assassin’s Creed Brotherhood en son temps (tiens, encore une référence nostalgique). Chaque défi relevé permettra de cumuler des points, synonymes de petites récompenses dans le jeu pour se motiver et titiller habilement les manies des complétionnistes. Une manière très maligne de replonger dans Assassin’s Creed Mirage et de permettre de le revisiter comme bon nous semble. Et, rappelons-le, tout sera gratuit, à partir du 18 novembre.
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