Le 5 août 2025 restera une date mémorable dans ma vie de joueur : ce jour-là, j’ai eu l’immense joie de conquérir mon troisième titre mondial en contre-la-montre lors des championnats de Super Mario Kart. Un jeu auquel je joue depuis mes 8 ans, et que je n’ai jamais lâché jusqu’à atteindre ce qui était plus qu’un rêve de gosse.

Quand mes parents m’ont offert Super Mario Kart sur Super Nintendo à Noël 1994, j’étais loin d’imaginer l’importance de ce cadeau dans ma vie. J’ai 8 ans et ne suis à l’aise qu’avec les platformers et préfère alors Super Mario Land 2, reçu à la même occasion et sur lequel je me sens bien mieux. C’est en y jouant avec mon meilleur copain de classe que le jeu de course prend une nouvelle dimension : je découvre alors l’esprit de compétition que j’étendrai ensuite au contre-la-montre, qui m’amènera à développer une fascination pour le dépassement de moi-même. Aujourd’hui, je suis auréolé de trois titres de champion du monde sur Super Mario Kart, le jeu de mon enfance sur lequel je détiens encore quelques records du monde, et qui m’a fait voyager jusqu’aux États-Unis et au Japon pour y glaner des médailles.

Super Mario Kart // Source : Nintendo
Super Mario Kart // Source : Nintendo

Quand le multijoueur pousse à faire du solo

Début 1995, mon meilleur pote de primaire me propose de jouer ensemble à Super Mario Kart, auquel j’ai trop peu touché depuis qu’on me l’a offert à Noël. Il ne me l’avouera que 30 ans plus tard, mais à en croire ses mots, je lui mettais la misère et nous finissons par ne plus nous affronter sur le premier épisode de la série, faute de challenge équilibré. Ce qui est sûr, c’est que l’enfant solitaire que j’ai toujours été trouve alors refuge dans le « Time Trial », mode contre-la-montre où je ne peux me battre que contre moi-même et le fantôme de mon meilleur chrono. Une expérience isolée, mais terriblement satisfaisante à laquelle je prends progressivement goût, me comparant aux chronos envoyés par les lecteurs du magazine Nintendo Player auquel mes parents m’avaient abonné. De quoi rêver, déjà, de rivaliser avec des champions (d’où le nom de la rubrique).

Je suis champion du monde de Mario Kart // Source : Nintendo Player n°29, juin 1995
Une rubrique de Nintendo Player est devenue une source de motivation // Source : Nintendo Player n°29, juin 1995

À l’époque, ma fierté principale résidait dans ma capacité à terminer la mythique Rainbow Road sans jamais tomber ni heurter le moindre obstacle. J’avais réussi à atteindre un temps de 1’32”45, avec ce poids lourd supposé inconduisible qu’est Donkey Kong Jr. — chrono qu’il n’est pas envisageable de réussir en ayant chuté dans les abysses entourant le mythique circuit multicolore. Un chrono consigné parmi mes autres records dans un classeur qui allait servir bien malgré lui d’ébauche à mes débuts sur internet en 2001, où j’appose alors une marque améliorée en 1’30”54 dans la première version du fansite Mario Museum.

Je suis champion du monde de Mario Kart // Source : Antistar pour Numerama
Très vite, j’ai noté mes temps // Source : Antistar pour Numerama

Cette même année, je fais la rencontre d’une personne déterminante dans mon existence, qui deviendra ma mentore et le modèle qui m’aura tout appris : KartSeven, future n°1 mondiale sur ce jeu et multiple médaillée d’or en compétition, de trois ans mon aînée et avec qui le tout premier contact se fait à travers un clash d’ego ridicule entre adolescents sur un forum de jeuxvideo.com. Découvrant à mon détriment qu’elle pulvérise allègrement tous mes chronos, qu’une communauté de joueurs francophones existe autour de ce jeu ainsi qu’un site de classements mondiaux sur ses versions PAL et NTSC (créé fin 1998 par le Britannique Sami Çetin), je rumine ma défaite le temps de découvrir Mario Kart 64 (1996), Mario Kart: Super Circuit (2001) et Mario Kart: Double Dash!! (2003)… avant de revenir à mes premiers amours. Plus les nouveaux opus passent, plus je me rends à l’évidence : Super Mario Kart est le seul où j’ai la sensation de vraiment bien jouer, et où j’ai désormais des références à qui me mesurer. En 2004, c’est décidé, je vais rejoindre la communauté en m’inscrivant sur le site de classements mondiaux, et je vais participer à mon premier championnat de France organisé par ladite communauté.

Je suis champion du monde de Mario Kart // Source : Antistar pour Numerama
Je suis champion du monde de Mario Kart // Source : Antistar pour Numerama

« Je suis venu pour le jeu, mais je suis resté pour les gens »

Je débarque à Grenoble fin août 2004 en n’ayant affronté que deux futurs participants au championnat (KartSeven donc, largement en tête des pronostics pour le titre global) ainsi qu’un joueur habitant dans la même ville que moi et au niveau plus modeste. Ainsi, je m’attends à me faire dévorer tout cru compte tenu du palmarès de certains joueurs lors des deux premières éditions, et pourtant, dans une épreuve inaugurale de contre-la-montre basée sur un système de course à l’australienne, je survis avec pas mal de réussite et atteins la finale à la surprise générale. Je bute ensuite sur l’ultime marche, mais qu’importe, j’ai d’ores et déjà miraculeusement inscrit mon nom au palmarès d’une épreuve dont j’ignore qu’elle sera toujours aussi disputée, et surtout à l’international, deux décennies plus tard. 

Je suis champion du monde de Mario Kart // Source : Antistar pour Numerama
En haut à droite, la première médaille d’une série que je n’imaginais pas aussi longue // Source : Antistar pour Numerama

Les années passent, je progresse lentement mais sûrement, et réalise que ce qui me fait rester tient à un mélange de compétitivité et de convivialité. Un ancien numéro 1 mondial du jeu a déclaré un jour « Je suis venu pour le jeu, mais je suis resté pour les gens », citation reprise par d’innombrables personnalités de la communauté au cours de son histoire, tant elle est révélatrice d’un groupe animé à la fois par un esprit de compétition, mais aussi et surtout très accueillant. Dans le microcosme des joueurs de Super Mario Kart, partager ses stratégies et les secrets de sa réussite est la clé qui permet à tout le monde de progresser, et d’offrir la compétition la plus riche possible. C’est au contact de top players français, ainsi que britanniques et néerlandais, mais aussi américains et brésiliens et plus tard japonais, que j’ai pu gravir les échelons d’un classement mondial dont la compétition a ainsi progressé d’elle-même et s’est ouverte un peu plus, haussant considérablement le niveau de jeu moyen. Sans l’amitié qui unit la majorité des joueurs de Super Mario Kart, ce dernier n’aurait sans doute jamais été représenté à l’AGDQ, par exemple.

La quête de la double couronne

La compétition sur Super Mario Kart pourrait être comparée à du speedrun, mais il en demeure relativement éloigné. La performance en contre-la-montre se joue individuellement sur chacun des 20 circuits que comporte le titre sorti en 1992 sur Super Nintendo, et ce qui détermine le classement mondial sur le site officiel à distance (à ne pas confondre, donc, avec le championnat du monde auquel je participe tous les ans). C’est en quelque sorte le classement moyen du joueur sur les 40 chronos possibles. Cette recherche constante de l’amélioration et des rangs à gagner en comparaison des performances établies par des rivaux à distance, mise à jour de façon hebdomadaire, est ce qui m’a motivé durant de longues années de façon constante — même lorsque j’ai longtemps buté sur un 4ème rang mondial aux allures de plafond de verre. Finissant par comprendre que je n’étais pas juste un spécialiste de Rainbow Road, dont je ne décrocherai d’ailleurs que fin 2021 le record du monde dont je rêvais depuis toujours, je consume une énorme partie de mon temps libre, en 2013, dans l’accomplissement de cet objectif ultime : devenir champion du monde sur le jeu vidéo de mon enfance, et si possible, d’être reconnu par mes pairs.

Je ne vais pas vous mentir sur la quantité d’heures de jeu investie : c’est au prix d’un dévouement quasi total à Super Mario Kart qu’en août 2013, je suis parvenu à décrocher en quelques jours ce double Graal, visant à non seulement atteindre le statut de numéro 1 mondial sur le site de classements, mais aussi la médaille d’or lors du grand rassemblement annuel de la communauté. S’il me faudra attendre 2018 pour obtenir une deuxième médaille d’or (avec deux de bronze entre-temps), je passe alors quatre longues années à conserver le rang suprême sur le site de classements, continuant de battre des records du monde pour m’assurer le plus long règne possible. En 2017, j’ai été détrôné par mon rival, mais aussi ami hollandais, Karel van Duijvenboden, arrivé comme moi dans la communauté en 2004 et dont j’avais déjà beaucoup appris avant de lui chiper sa couronne en 2013. Un joueur avec qui, surtout, j’ai partagé des podiums en contre-la-montre lors des éditions américaine (en 2019) et japonaise (en 2024) du championnat de Super Mario Kart.

Depuis le milieu des années 2010, j’ai cessé de chasser les records du monde, ne gardant que celui de Rainbow Road en tête, pour le succès évoqué plus haut. Il ne m’en reste plus que 4 aujourd’hui, comparés à la vingtaine que je détenais en 2014. Cependant, il demeure primordial pour moi de participer au championnat mondial de Super Mario Kart, divisé depuis 2019 en deux événements (l’un historique en Europe depuis 2002 sur la zone PAL, l’autre sur la zone NTSC, aux États-Unis puis au Japon en 2024). C’est à la fois une semaine de vacances, mais aussi de retrouvailles avec des amis venus des quatre coins du globe, avec qui je partage la passion d’un jeu, mais aussi d’une compétition au niveau particulièrement élevé. Et l’occasion, plus que jamais, de chercher à continuer de briller tant ce jeu me tient à cœur, et parce que j’aime beaucoup trop l’idée d’être encore, le temps d’une soirée d’été, le meilleur joueur du monde sur le jeu de mon enfance.

Le plus beau dans tout ça ? Recevoir un message WhatsApp de mon meilleur ami de primaire, qui a suivi la compétition sur Twitch, qui me confie : « Je peux dire que j’ai perdu contre un champion du monde ». La fierté du cœur, indéniablement.

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